Les relations entre certains médias, des responsables universitaires et des personnalités scientifiques sont orageuses. 2 sujets entraînent des crispations, Parcoursup et les blocages d’établissements d’un côté, et de l’autre les questionnements autour de l’intégrité scientifique. Un cap a cependant été franchi avec la mise en cause personnelle, par un appel de chercheurs, d’un journaliste du Monde. Sa faute ? Avoir relayé des critiques et mises en cause d’une responsable du CNRS, à partir de sources anonymes. Décryptage de quelques mécanismes médiatiques…et universitaires.
Le respect de l’intégrité scientifique est un sujet qui monte à l’échelle mondiale dans les communautés. Il s’inscrit dans un mouvement plus large dans les démocraties sur la transparence, l’éthique et la chasse aux conflits d’intérêts. L’open science, l’émergence de nouvelles puissances scientifiques en Asie accentuent cette demande de transparence.
C’est dans ce contexte qu’un appel de scientifiques s’en prend nominativement au journaliste du Monde David Larousserie au motif qu’il a repris « sans nuance (…) des arguments de personnes anonymes dont on ne connaît ni la légitimité ni les éventuelles contributions scientifiques », référence à la mise en cause de Catherine Jessus du CNRS. C’est un énième épisode des relations complexes entre chercheurs et médias sur la science. Des relations complexes qui ne sont pas à sens unique, certains chercheurs sachant très bien utiliser la caisse de résonance des médias et notamment du plus influent dans ce domaine, Le Monde.
Une surréaction contre productive
De fait David Larousserie (que je ne connais pas, je le précise) endosse le rôle du fusible. Ce qui est dérangeant dans l’appel que je citais, c’est que, comme souvent, on veut casser le thermomètre plutôt que s’en prendre à la maladie. Car les initiateurs de cet appel connaissent les fameux « anonymes », qui sont des « cher(e)s collègues ». Et je ne suis pas sûr que certains signataires n’ont pas déjà alimenté eux aussi, anonymement, des médias. Par exemple contre les pouvoirs publics. De plus, cet appel suscite en réaction, de nombreuses critiques de scientifiques pourtant favorables à Catherine Jessus, et bien sûr un réflexe de défense professionnelle chez les journalistes.
Je n’ai personnellement aucun état d’âme : au nom de quoi un journaliste qui ne fait pas bien son travail devrait être traité avec des égards différemment du reste de la population ? A la lecture de cet article du Monde, j »ai trouvé, même si le journaliste affiche lui son choix, matière à me faire un début d’opinion, dans une affaire quand même compliquée… Le paradoxe, c’est que ces sources anonymes, qui sont reprochées à David Larousserie, sont de fait connues, de même que les experts anonymes à qui le journaliste reproche de le rester…
Positivons : David Larousserie a le mérite d »élargir le cercle des lecteurs du débat sur l’intégrité scientifique. J’ai trouvé par exemple son article sur les « faux relecteurs » nuancé et apportant de véritables informations.
Quelle efficacité de cette démarche ?
La question à se poser est celle de l’efficacité de la démarche de cet appel : mettre en cause dans une lettre ouverte un journaliste et demander en même temps à sa direction de la publier est osé ! Surtout en faisant référence aux neiges d’antan d’Hubert Beuve-Méry…
Il s’agit peut-être, au-delà de l’émotion et de la volonté de défendre Catherine Jessus, d’obtenir un rééquilibrage futur, et éventuellement de déminer le terrain. Car une autre affaire est en cours, concernant cette fois Anne Peyroche, ancienne directrice déléguée à la science et présidente du CNRS. N’ayant aucune compétence pour juger, je sais simplement que la non-transparence, en 2018, se retourne toujours contres ses initiateurs.
J’ai pu mesurer au moment du remplacement d’Anne Peyroche avec l’intérim précipité d’Antoine Petit, les dégâts en matière de rumeurs : car si elle partait, il fallait bien dire pourquoi. Et la réponse à cette question sera reposée par les médias. La donne a changé désormais avec une circulation ultra rapide de l’information scientifique, et avec l’émergence de sites de vérification, selon les uns, d’inquisition selon d’autres, à l’image de Leonid Schneider et Pub Peer.
La recherche, les organismes et les universités n’échappent pas, et échapperont de moins en moins à une demande de transparence. C’est à eux de s’adapter, car il s’agit en quelque sorte d’une « brique » de la compétition scientifique.
La science est-elle mal traitée par les médias ?
Sans entrer dans les détails, c’est l’occasion de nous intéresser au rapport entretenu par les scientifiques avec les médias, et réciproquement (en dehors de la médecine, un cas particulier). Ce qui est peut-être le nœud du problème, c’est une forme de relation incestueuse que l’on a pu voir par exemple sur le traitement du changement climatique : les scientifiques concernés ont su marginaliser Claude Allègre ou Vincent Courtillot, en alimentant sans états d’âme les journalistes.
De même, lors du mouvement Sauvons la Recherche, Le Monde et Libération notamment n’ont pas lésiné sur leur soutien. Et sont bien souvent devenus le lieu du lobbying des scientifiques. Il faut dire qu’avoir l’écoute d’un quotidien influent, alors même que la science intéresse si peu les élites françaises, c’est cadeau comme l’on dit.
Et donc une partie des scientifiques s’est habituée à un relais par les journalistes scientifiques de leurs états d’âme, de leurs réussites, contrebalancé par l’omniprésence dans les sources de responsables syndicaux. Jacques Fossey, un des dirigeants historiques du SNCS savait y faire par exemple ! Mais on restait entre soi, entre organismes de recherche, les universités (pas les universitaires !) étant inexistantes.
Quant aux universités, elles essaient d’être de plus en plus présentes, même si sur le créneau de la communication scientifique, les organismes de recherche continuent de les cannibaliser. Mais globalement, si la recherche est partout dans les médias, avec ses têtes d’affiche, ses institutions le sont beaucoup moins.
Côté médias, on oublie souvent que Radio France avec Mathieu Vidard, et France 5 et Arte avec leurs documentaires (souvent britanniques ou américains au passage) font œuvre de vulgarisation, avec des audiences qui sont sans commune mesure avec celles de la presse dite « papier ». Mais seule cette dernière s’intéresse, de temps en temps, aux polémiques scientifiques, pour un lectorat averti. D’où son impact émotionnel…et politique !
It may be an issue of machine translation, but what exactly are you saying? It sounds like you wish to sit on all chairs here, eg. what le Monde did may not be OK, but they should be forgiven? Besides, what about the authors of the counter-report? Shall we find out their names and punish them, as the 503 signatories demand?
https://forbetterscience.com/2018/05/17/french-biologists-cnrs-sorbonne-investigators-totally-incompetent-data-manipulations-in-jessus-papers-intentionally-fraudulent-forgeries/
J’ai simplement écrit que la transparence était nécessaire (n’étant pas scientifique, je n’ai aucune compétence pour me prononcer sur les accusations contre Catherine Jessus).