Un (autre) appel d’enseignants-chercheurs SHS venant de 19 universités (dont UT Compiègne qui à ma connaissance sélectionne ? ) revendiquait récemment le refus de Parcoursup mais proposait de revenir à la hiérarchisation des vœux. Parmi leurs arguments, je voudrais m’arrêter sur deux d’entre eux : d’abord la préférence des jeunes, indicateur de leur motivation, ensuite les contraintes matérielles d’examens de milliers de dossiers. Or, à la différence, là encore, des systèmes d’ESR comparables, la France dispose de services de scolarité et/ou d’inscription, mais pas de services d’admission structurés.
« La préférence accordée par les lycéen.ne.s à telle ou telle formation, le désir et/ ou la nécessité qu’ils et elles ont de s’inscrire dans tel ou tel établissement, est un élément primordial pour décider de leur accueil dans l’enseignement supérieur, et que l’absence de prise en compte de ces données dans Parcoursup (où les vœux ne sont plus classés) rend cette procédure d’autant plus injuste et inappropriée au regard des problèmes qu’elle prétend résoudre. » Cet argument de bon sens pose la question du profilage de l’admission, sans que ces auteurs en aient peut-être parfaitement conscience.
Car si l’on commence à étudier la préférence du candidat, il n’est pas illégitime d’examiner ses motivations avec les qualités qui en sont le socle. C’est par exemple ce que font les universités publiques américaines, qui traitent des milliers de candidatures, et définissent, en plus du niveau académique, un profilage : homme/femme, place des minorités, engagement personnel, compétences diverses (sport par exemple). Dans l’atmosphère américaine de contre-pouvoirs, gare à l’université qui n’aurait pas d’ailleurs une transparence sur ses critères !
Inégalités sociales et « soft skills »
Les signataires dénoncent le renforcement des inégalités sociales (je n’ai jamais trouvé pour !) avec l’examen de l’ « autonomie » , la « capacité à s’investir », la « capacité à réussir », la « cohérence » du projet de formation ou la prise en compte de « leurs loisirs ou leurs activités extra-scolaires afin de les valoriser ». C’est selon eux une « valeur d’échange sur le marché de l’enseignement supérieur ».
Mais ces arguments peuvent être retournés : prendre en compte une candidature dans sa globalité peut permettre justement de mieux percevoir la motivation du candidat. Et découvrir des qualités d’ouverture, de pugnacité et d’endurance (le lycéen qui est investi dans des activités extra-scolaires par exemple), c’est en faire des atouts ! Or, ce sont justement les jeunes des milieux défavorisés qui ont en général une motivation forte, plutôt que ceux des classes moyennes. C’est à mon avis ce qu’a prouvé, à une échelle encore limitée sans doute, Sciences Po.
Des contraintes matérielles
» (…) quel cerveau pourrait comparer puis hiérarchiser, aussi rationnellement qu’équitablement, 3 000 voire 5 000 dossiers selon les filières ? » s’interrogent également les signataires. Rappelons d’abord que cette pratique d’examens de dossier est une banalité dans l’ESR français hors universités : Prépas, STS, écoles d’ingénieurs etc. Mais elle est aussi courante dans les IUT (au sein de l’université) qui accueillent chaque année des dizaines de milliers de nouveaux entrants, dont une forte proportion de boursiers.
Les universitaires (en tout cas une partie d’entre eux) sont pétris de contradictions : ils se plaignent de leur surcharge administrative mais craignent comme la peste ce que certains appellent le pouvoir managérial, qui n’est somme toute que mettre un peu de professionnalisme ! Je n’ai toujours pas vu une seule revendication, pourtant de bon sens, du nécessaire renforcement des fonctions support. En quelque sorte, il y a le clergé et ses ouailles.
Car s’il existait dans chaque université française un véritable service d’admission (certaines avancent sur cette voie) combinant enseignants-chercheurs et personnels spécialisés, appuyés sur une application adaptée, on aurait réglé une grande partie des problèmes logistiques. Et sans doute rendu service aux futurs étudiants.
On pétitionne beaucoup dans notre pays sur les inégalités. Bien. Mais les bons sentiments ne sont-ils pas une forme de démission si on n’aborde pas de manière globale les outils ? Et une pédagogie adaptée aux étudiants d’aujourd’hui, qui ne peut réduire à une question de moyens, n’est-elle pas un facteur de réduction des inégalités ? Le processus d’admission en fait partie !
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