Pendant la grève, la sélection continue pourrait-on dire. Mais pas forcément là où elle est contestée. Car s’il y a un silence assourdissant dans les revendications actuelles, c’est bien la sélection dans les STS, les classes préparatoires, les grandes écoles ! Ces dernières peuvent dormir sur leurs deux oreilles, les dénonciateurs de la loi ORE ne s’y intéressent pas. Mais dans les universités, le choix des étudiants se porte de plus en plus sur les filières sélectives. Avec des conséquences énormes.
En 2016-2017, pour environ 278 000 entrants à l’université en filières non sélectives, on a presque 133 000 entrants dans des filières sélectives, y compris Staps (source repères et références statistiques 2017). C’est dire si la sociologie universitaire (je parle du profil des étudiants ?) témoigne d’une évolution profonde ! Et si l’on ajoute la sélection subie en fin de première année sur ces 278 000 entrants (« l’échec »), on pourrait presque affirmer que les étudiants inscrits dans les filières sélectives sont majoritaires à l’université.
Si l’on regarde plus précisément les chiffres (ce qui dans le monde universitaire devient une gageure, vu la propagation des fake news), il y a actuellement de plus en plus d’étudiants inscrits dans des filières sélectives à l’université par choix ! Un peu plus de 116 000 étudiants en DUT, près de 53 000 en licence pro, 10 000 en cursus licence en santé, 30 000 postulants ingénieurs, sans compter les 120 000 étudiants en médecine. Enfin, si l’on ajoute les 451 000 étudiants en master (hors médecine) et les 58 000 doctorants, on a une idée de l’évolution du système.
Les impasses des contestataires de la loi ORE
Curieusement, les IUT qui font partie de l’université et qui sélectionnent sur dossier ne sont à aucun moment sur le gril… Ni les IEP rattachés (bien que des enseignants-chercheurs d’IEP dénoncent la sélection… ailleurs). Il faut noter au passage que la sélection en IUT n’y rime pas forcément avec sélection sociale : il y a plus de boursiers (43,9%) que dans les filières universitaires (39,8%) qui ne sélectionnent pas !
En conclusion, j’émets une hypothèse : outre l’engagement de certains de leurs enseignants, le malaise des étudiants dans les filières SHS, notamment en sociologie, en pointe dans ce mouvement, peut aussi s’expliquer par un sentiment de dévalorisation, face à la multiplication de filières sélectives… Et inversement, le mouvement anti-blocage s’explique avant tout par des considérations liées à l’investissement actuel ou à venir dans des cursus sélectifs. De ce point de vue, Paris 1 incarne à merveille ce grand écart, Tolbiac ne pouvant occulter l’IAE, ou bien les masters ultra-sélectifs.
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