Et si le mouvement des étudiants, pour l’instant très localisé aux universités et facultés à dominante SHS interrogeait avant tout les enseignants-chercheurs de SHS ? Une tribune de 400 universitaires essentiellement en SHS, dénonce la sélection et réclame plus de moyens. Le HCERES et l’OST d’une part, Michel Wievorka, président de la FMSH, ont dressé un constat alarmant d’une recherche trop franco-française qui fait disparaître des radars internationaux une grande partie des chercheurs. La véritable raison du mal-être actuel ?
Sollicité pour analyser la faiblesse de la présence des SHS françaises « à l’échelle de l’Europe et du monde » par Thierry Mandon en mars 2017, le président de la FMSH Michel Wieviorka préconisait dans un rapport l’interdiction « pure et simple » de « la pratique de l’auto-recrutement et du localisme » et la mise en place « d’une véritable capacité d’attraction et d’accueil des meilleurs chercheurs étrangers en SHS ». Il soulignait que si certaines disciplines obtiennent des résultats satisfaisants (l’économie, les sciences cognitives ou la linguistique), d’autres figurent parmi « les plus décevantes » : la sociologie, la géographie, la démographie, les sciences de l’éducation, la philosophie et les études culturelles dont les chiffres sont « catastrophiques ». Et « un très petit nombre d’établissements concentre la très grande majorité des boursiers ERC : le CNRS (32 %), TSE (13 %), la FNSP (12 %), l’ EHESS (6 %), l’ ENS et PSE (chacune 5 %) ».
Une recherche franco-française ?
Pire, les candidats français aux bourses de mobilité Marie Sklodowska Curie sont rares et ne savent pas remplir leurs dossiers… Le HCERES et l’OST font le même constat : les analyses de la participation aux projets des programmes cadres européens « soulignent le faible taux de candidatures françaises en sciences humaines et sociales. » Ils en rajoutent dans ce constat pessimiste sur l’état de la recherche en SHS en France. Car, horreur, les pays dits « ultra-libéraux » n’ont pas jeté les SHS aux orties : « la spécialisation du Royaume-Uni est encore plus forte que celle des États-Unis en sciences sociales et surtout en sciences humaines. »
Certains chercheurs rétorquent qu’ils sont contre le principe des appels à projet. Une vision que leurs collègues européens visiblement ne partagent pas. Car c’est dans le domaine international que les SHS françaises pèchent le plus et l’hypothèse est qu’il est possible « que la non-spécialisation française en sciences humaines et sociales, combinée à un impact relativement faible de ses publications dans ces disciplines, pèse sur l’attractivité de la France comme partenaire. » Et « symétriquement, les chercheurs français dans ces disciplines pourraient avoir un engagement limité dans des coopérations internationales. »
Ce constat d’enseignants-chercheurs de SHS ne captant pas les moyens disponibles est conforté par cette anecdote : assistant aux travaux préparatoires du schéma régional ESRI de la région Nouvelle-Aquitaine, le vice-président Gérard Blanchard avait indiqué qu’il avait été interpellé à Poitiers sur la place des SHS. Et il fit remarquer qu’il n’avait aucune demande de financement des chercheurs en SHS sur ce site…
Un problème de moyens ou un problème culturel ?
C’est un beau sujet pour les chercheurs : y a-t-il seulement un problème de moyens ou un problème d’ordre culturel ? Je leur laisse la réponse mais je voudrais livrer 2 constats :
- 1) concernant les moyens, sans évidemment clore le sujet, il faut lire le post de blog de Guillaume Miquelard-Garnier à propos du nombre d’étudiants en LSHS en 2017 : il dépasse selon lui « à peine celui de 2001 (l’augmentation des dernières années compensant à peine la baisse substantielle de la fin des années 2000). »
- 2) les 2 véritables problèmes de moyens à l’université française, si on la compare aux pays développés, c’est d’un côté le personnel de soutien et pas globalement les taux d’encadrement, de l’autre les BU.
Mais peut-être n’est-il pas noble de réclamer d’abord le renforcement des moyens en Biatss ?.
Un constat personnel
Ayant eu l’occasion de suivre dans mes fonctions de directeur de la rédaction d’AEF les travaux de recherche sur l’enseignement supérieur et la recherche, j’ai toujours été frappé sur ces sujets par une recherche en sociologie et en sciences politiques complètement duale.
D’un côté une recherche portée notamment par Christine Musselin (elle-même anglophone et germanophone) attachée à la rigueur, évitant les postures militantes. Ce qui ne l’a pas empêché de dresser un réquisitoire accablant sur la façon dont les pouvoirs publics ont conduit en particulier les politiques de regroupement.
De l’autre, une recherche ouvertement militante (au nom de l‘ »observation participante »), souvent fâchée avec les chiffres, et qui illustre le localisme dénoncé par Michel Wievorka. Avec il faut le dire, des contenus de thèse qui laissent perplexes.
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