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Les universités ont la réputation, pas toujours imméritée, d’une gouvernance perfectible ?. Mais l’instabilité semble gagner peu à peu la planète « école », grandes et petites. C’est que désormais les enjeux financiers sont énormes pour les « business schools », qui ont procédé à des recrutements souvent coûteux et développé une expansion internationale. Et pour le modèle écoles d’ingénieurs comme l’X, l’insertion dans l’univers mondialisé de recherche est source de tensions. Compétition exacerbée, tutelle même allégée des CCI ou des ministères, poids des associations d’anciens, rôle des enseignants vont-ils « universitariser » les écoles ? Car si ces dernières ont des dirigeants nommés, contrairement aux universités, ce modèle n’est pas à l’abri de turbulences.

Il a toujours été de bon ton, dans les dîners en ville des « élites », de jaser sur les mésaventures des universités, sur la faiblesse de certains de leurs dirigeants. Les événements de Tolbiac ou bien Toulouse Jean-Jaurès ne vont pas les faire changer d’avis, confortant le regard globalement négatif de la société sur nos universités.

Pourtant, il faudrait plutôt s’attarder sur une tendance qui me semble forte. On se souvient encore de la faillite retentissante en 2015 de « France Business school », pour le privé, ou il y a plus longtemps, en 1999, du bras de fer qui opposa Claude Allègre à Daniel Gourisse, directeur de l’Ecole Centrale, pour le public. Si globalement le paysage est resté longtemps calme, désormais, on entre dans la zone des tempêtes, en particulier avec le statut d’EESC. Le groupe Audencia business school de Nantes, après s’être séparé de son DG Frank Vidal en 2016, se sépare de son successeur Emeric Peyredieu du Charlat. A l’Essca, c’est le DG qui vient d’être déchu. On se rappelle de Kedge, avec le départ de Bernard Belletante pour l’EM Lyon, puis la nomination de Thomas Frohlicher, lui-même remplacé par José Milano. Je pourrais ajouter d’autres exemples évidemment.

Ainsi, les Business schools, censées enseigner la gestion d’entreprises, se retrouvent maintenant face à un cas … d’école : nécessité d’avoir des résultats, avec des comptes financiers sains pour investir, disposer d’une image forte, indispensable pour recruter des étudiants et figurer dans les classements, et enfin, dimension de plus en plus importante, avoir un management adapté, pour ses personnels mais aussi pour son CA…

La raison en est l’exacerbation de la concurrence, désormais mondiale. Même l’X, école publique, entre dans une bataille féroce pour la succession, ou non, de Jacques Biot, avec pour toile de fond son existence face au projet de l’université Paris-Saclay. Ce qu’explique le candidat Alexandre Moatti sur le blog de Sylvestre Huet avec l’orientation de l' »ingénieur scientifique ».

La stabilité dont se revendiquaient les écoles, par opposition aux universités, était somme toute fragile. Tel un château de cartes, tout peut désormais s’effriter au moindre coup de vent venu d’Asie. Il est surtout intéressant de voir comment dans certaines écoles, on a l’impression d’assister à la reprise de ce dont certaines universités essaient de se déprendre :

  • la tutelle reste très présente (les CCI ou ministères)
  • les « associations d’anciens » ont un poids qui rappelle celui des élus syndicaux dans les CA d’université, contestant la légitimité des directions, quand elles ne vont pas dans leur sens.
  • Et enfin, les enseignants arguent de plus en plus souvent de leur indépendance académique…

Géopolitique

Faut-il y voir une période de convergence entre écoles et universités, véritables organismes vivants devant s’adapter aux facteurs exogènes ? Sur son blog, Jean-François Fiorina, directeur adjoint de Grenoble école de management, pointe de façon très pertinente un « avis de tempête géopolitique sur l’enseignement supérieur ». Car le fond est avant tout cette mondialisation qui frappe tous les systèmes d’ESR.

Les classes prépas si longtemps à l’abri ne sont pas concurrencées (pas encore ?) par les universités françaises, mais par les universités étrangères de renom. Les étudiants deviennent des voyageurs-consommateurs éclairés : les capter et les retenir devient de plus en plus complexe, de même que pour le corps enseignant.

Une forme de convergence

Dans ce contexte, une chose me frappe : c’est la difficulté qu’ont les institutions d’enseignement supérieur françaises, quelles qu’elles soient (universités, écoles) à disposer d’un vivier de dirigeants. Les profils disponibles pour le « mercato » de dirigeants restent limités.

Ceci n’est pas une question anodine. Car comme pour les entreprises, la qualité du ou des dirigeants est un facteur majeur. Qui va sortir Toulouse Jean-Jaurès de l’ornière dans laquelle elle se trouve ? Quelle va être la prochaine école à se séparer de son ou sa dirigeante ? La solution peut-elle venir des talents étrangers, ou pour le moins européens ? A l’exception de Peter Todd à HEC (Vincenzo Esposito Vinzi est lui à l’Essec depuis 2007), qui a en plus été (est ?) sur la sellette, quel talent étranger se risquerait à gérer les spécificités baroques de notre système ?

Place de la tutelle, autonomie des établissements, marges de manœuvre des dirigeants, rôle et composition des CA, place des personnels : il y a là une convergence écoles-universités !

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