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La publication de mon article sur les « vérités alternatives » m’a valu quelques insultes mais aussi des incompréhensions. Je note d’ailleurs que les chiffres que j’ai cités ne sont pas contestés. Par contre des universitaires m’ont interpellé, dénonçant les problèmes de locaux ou tout simplement de gestion efficace dans leur établissement. Ce qui est frappant dans ces réactions (problèmes de logiciels, de salles non adaptées ou spécialisées, contraintes de dates d’examens etc.), c’est que loin des débats idéologiques dont l’université française est si friande, elles illustrent une faiblesse majeure de pilotage et d’organisation, qui nourrit un mal-être des enseignants-chercheurs. Avec encore une fois, un « impensé » du monde universitaire français : les personnels Biatss.

Parce que je lis les rapports (il est vrai très techniques) faits par l’IGF, l’IGAENR, la Cour des comptes, le Parlement etc. sur l’immobilier, j’ai été beaucoup interpellé sur la « vraie vie » autour de la question des locaux, essentiellement, ce qui n’étonnera pas, par des universitaires parisiens. Au passage, le rapport que je citais examinait, sur un panel d’universités, les effets de la pleine propriété. Personne n’a jamais plaidé pour des taux d’occupation de 100 %, impossibles à tenir !

Donc, loin de moi l’idée de nier leurs difficultés, que tous ces rapports justement soulignent, mais je souhaitais simplement revenir sur une situation générale, dont les taux d’occupation ne sont qu’un symptôme. Je pourrais d’ailleurs faire une analogie avec le logement étudiant : le « marronnier » annuel larmoyant a conduit à construire en masse des logements (là encore Paris est un cas à part), qui dès janvier rencontrent quelques difficultés d’occupation : stages, abandons, durée de l’année universitaire etc. On est donc confronté à des besoins réels mais aussi à des problèmes de pilotage et d’organisation. Et l’Université française et surtout ses universitaires, devrait tenir les 2 bouts.

Les mêmes questions partout

Car s’il y a évidemment des réalités très diverses (au vu des réactions, certaines universités parisiennes apparaissent en filigrane), les difficultés qui sont les mêmes partout. Et avec une série de questions qui méritent un débat dépassionné.

Les assemblées de département « premier arrivé, premier servi » pour les emplois du temps sont-elles encore la norme ? Les années universitaires en 2 semestres sont-elles une réalité ? Le développement de la formation continue peut-il permettre d’utiliser les locaux toute l’année ? Quelles influences ont les organisations pédagogiques et les volumes horaires, l’usage du numérique, les stages sur l’utilisation des locaux ? Les logiciels de gestion de salles et d’emplois du temps utilisés sont-ils adaptés ? Le phénomène des enseignants-chercheurs en région, en attente d’un poste sur Paris, ne contribue-t-il pas à une forme de concentration des cours ?

Je peux y ajouter ce que l’on peut constater en voyageant : des bâtiments construits par les régions ou les métropoles sans étude préalable réelle sur les besoins, tant quantitativement que qualitativement (ah ces grands amphis ou ces salles sans prises…). Ces quelques questions que je soulève (non exhaustives) suppose une approche rigoureuse et professionnelle. Piloter et gérer une université sans indicateurs, c’est desservir ses usagers et ses communautés. Et pour cela, il faut que les enseignants-chercheurs acceptent la culture de gestion qui est l’inverse de la culture de l’oppression…

La question-clé du professionnalisme

Pour répondre aux lecteurs qui ont mis en cause ma compétence sur la emplois du temps, j’avoue que je n’en ai aucune. Mais en sillonnant la France universitaire depuis des années, un constat saute aux yeux, surtout si on se compare avec les universités étrangères. Certes, les taux d’encadrement moyens enseignants (17,3 contre 15,8) sont légèrement plus élevés que dans l’OCDE, et surtout très différenciés selon les disciplines. Le véritable problème est le manque de personnels de soutien, les fameux Biatss (quel terme horrible…). Parce qu’à force de voir des universitaires réclamer des postes…d’universitaires, on en oublie que c’est la faiblesse de Biatss en quantité et en qualification (trop de catégorie C) qui est LE manque criant en France, quel que soit le débat sur leur temps de travail (Cf. Toulouse Jean-Jaurès).

A quand une manifestation d’enseignants-chercheurs réclamant d’abord des moyens en Biatss ? Car chacun sait que les universités scandinaves, suisses, sans parler des britanniques et américaines, mettent de gros moyens sur ce personnel, libérant ainsi énergie et temps pour les enseignants-chercheurs. Oui, la culture de la gestion efficace est une alliée du métier d’enseignant-chercheur.

5 Responses to “« Vérités alternatives » suites : plaidoyer pour les personnels non-universitaires”

  1. D’accord avec Jean-Michel Catin : nous manquons cruellement de soutien administratif, allant du cadre supérieur aux secrétaires et assistant.e.s de gestion (laissons de côté l’aspect recherche).
    Nous avons surtout besoin de cadres administratifs.

    Ne négligeons pas les problèmes culturels : pour les universitaires, souvent masculins, les « biatts » constituent une masse de « secrétaires », le plus souvent féminines, sans distinction entre cadres et personnels d’exécution. Ceci est assez décourageant pour les cadres administratifs, qui du coup préfèrent des affectations ailleurs.

    En ce qui concerne les emplois du temps, problème complexe, outre les dérives qui peuvent exister (éviter 8h le matin, ou après 16h éviter lundi, éviter vendredi), il y a aussi des questions d’organisation générale. 1° Nous avons tendance à avoir beaucoup d’heures d’enseignement par semaine (par rapport à la moyenne internationale : 22h au lieu de 15h par semaine). 2° Au lieu d’offrir des enseignements (UE) avec horaires indiqués à l »avance, nous demandons aux étudiants de s’inscrire sans connaître les horaires, dans des maquettes avec beaucoup d’obligatoire. Résultat : nous devons vérifier toutes les incompatibilités imaginables. Si nous faisons confiance aux étudiants, c’est eux qui vérifieraient les incompatibilités, et décideraient du choix des UE et des groupes.

  2. Il est peut-être bon de préciser que le « taux d’occupation » tel que normé pour la documentation annuelle de la performance (PAP et RAP) sur la base des déclarations des établissements est calculé sur 35h ouvrées, et sur les seuls jours ouvrés également.
    Par ailleurs, il masque de forte disparités hebdomadaires (lundi matin, vendredi après midi, il y a davantage de locaux disponibles) et géographique (Paris intramuros est effectivement plus en tension)

  3. Je partage entièrement et sans réserve les constats de JMC. Mais pour moi situer l’origine des difficultés signalées dans une dramatique absence de culture managériale chez les universitaires est en partie un faux problème.
    Une très grande différence entre les universités françaises et leurs homologues étrangères est cette espèce d’autogestion molle et assez inefficace des universités françaises par les universitaires. En France on n’a jamais accepté cette séparation entre l’instance qui administre les universités et celle qui définit leurs politiques scientifiques. Dans les universités anglo-saxonnes, ce que l’on appelle en France la communauté universitaire n’est pratiquement jamais représentée, ou très marginalement dans leurs conseils administration ou dans ce qui en tient lieu. On trouve dans ces conseils, souvent de taille réduite, de « vrais » administrateurs, extérieurs à l’université, alors que la communauté universitaire, dans les Sénats académiques, a le monopole des choix scientifiques et pédagogiques.
    La loi Fioraso d 2013 a créé des conseils académiques, ce qui est une excellente chose, mais en gardant des conseils administration trop larges et surtout majoritairement composés de représentants élus de la communauté universitaire. La confusion des genres a été maintenue, alors que la création des conseils académiques était une occasion d’y mettre fin.
    Corrélat aussi de cette confusion: les universitaires, souvent suivis par des étudiants peut au fait de la réalité de leurs intérêts, défendent toujours des demandes de création de postes d’ universitaires et font passer au second plan les demandes de créations de postes pour les personnels administratifs. Beaucoup d’universitaires pensent qu’ils feront mieux que de vrais professionnels pour administrer leurs universités, alors qu’eux sont vraiment des amateurs dans ce domaine!
    Mais tout ceci est bien la conséquence d’un état de fait où les universités sont très refermés sur elles-mêmes et peu ouvertes à la société civile qui est pourtant, à travers l’État leur principal financeur et donc leur principal actionnaire.
    Les universitaires n’ont aucune raison d’acquérir une culture de gestion. Ils n’ont pas été formés à cela et ce n’est pas leur métier. Mais il faut qu’ils acceptent que la mise en œuvre des politiques scientifiques et pédagogiques dont la conception leur revient soit le fait de vrais professionnels.

  4. Simon,
    Quand un BIATSS reçoit d’un EC un mail sans objet, sans message ni même la moindre expression de politesse, avec juste sa signature automatique de mail et un fichier joint à partir duquel le BIATSS en question est censé comprendre ce qu’il doit faire, tu réalises à quel point de mépris certains EC nous tiennent… Et c’est un BIATSS marseillais proche de la sortie qui te le dis ! Tu me reconnaîtra donc…

  5. J’admire votre liberté de ton, pour une fois qu’on parle des universités en essayant d’approcher la réalité, merci, continuez,
    Pomerol

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