Les médiocres résultats du classement de Shanghai 2019 l’attestent : les politiques mises en place dès 2007/2010 (LRU et PIA) n’ont pas débouché sur les résultats escomptés, quoique l’on pense de ces objectifs. Le « big is beautiful » triomphant avait popularisé l’idée selon laquelle la concentration des moyens était la réponse aux faiblesses structurelles de notre système d’ESRI. Doit-on se contenter de cette énième « défaite encourageante » ou bien effectuer un virage radical ? C’est l’enjeu de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche face à un décrochage de l’ESR français qui rend les classements anecdotiques.
Ce nouveau classement a suscité une fois de plus de nombreux commentaires. C’est l’occasion pour moi de revenir sur LE présupposé de la politique des gouvernements successifs depuis 1998, avec le rapport Attali : bâtir quelques grands pôles d’excellence mondiale, correspondant peu ou prou à la carte de la présence des organismes de recherche (principalement le CNRS) dans les sites universitaires. L’outil de mesure devait être, en concentrant forces et moyens, la présence dans les classements, et évidemment d’abord celui de Shanghai, tant il avait marqué l’opinion publique.
Clairement, pour cet objectif de mieux figurer dans les classements, les résultats ne sont toujours pas là. Certes, la prise en compte des évolutions actuelles de PSL et Paris-Saclay changerait la donne, tandis que la faiblesse comparée des moyens rend la performance française honorable.
Mais doit-on comme dans la langue de bois sportive parler encore de « défaite encourageante » ? Comme en sport, il faut questionner les objectifs, les moyens à disposition, les méthodes d’entraînement et les équipes, et bien sûr les résultats. Car le thermomètre des classements 1Rappelons qu’il existe aussi Leiden, celui du THE, de QS etc. (et ils sont évidemment critiquables sur bien des aspects) révèle surtout les maux du système français.
Le premier classement de Shanghai en 2003 avait été un choc en montrant que la notion d’organisme de recherche ou de grande école restait une spécificité française, la référence internationale, la norme même, étant l’Université. Et que celles-ci étaient en France laissées à l’abandon 2Paris-VI était la première université française du classement, à la 65ème place, suivie de Paris-XI, à la 72ème, l’Ecole Normale Supérieure et Strasbourg I se situant dans la fourchette des 102 – 151ème places. Le Collège de France et Paris-VII entre la 152ème et la 200ème places. Ce classement était en 2003 basé sur 500 universités..
Surtout, les élites françaises, formées en dehors de l’université, découvraient avec stupeur que le monde entier ne nous enviait pas « nos pépites », qui, avec des moyens abondants, étaient encore plus mal classées que les universités françaises paupérisées 3Ainsi, l’école Polytechnique figurait en 2003 entre la 201 et la 300ème place. Elle navigue aujourd’hui entre la 301 et la 400ème place.…
Confiance ou défiance
Cette stratégie d’une dizaine de sites d’excellence bute toujours sur une vision française marquée par la séparation formation-recherche que symbolise le dualisme universités-organismes, sans parler des grandes écoles 4Je suis frappé, tant dans mes lectures de rapports européens ou de certains pays (USA, UK, Allemagne), dans mes voyages ou rencontres, par le fait qu’à chaque fois, recherche et innovation = enseignement supérieur. Dans aucun pays on ne pense comme les décideurs français et une partie importante des communautés académiques, qui séparent les 2.. Bien sûr, il n’est ni souhaitable ni possible de supprimer les organismes de recherche. Mais après les effets de la LRU, le MESRI ne semble pas avoir de boussole sur ce sujet et vogue au gré du vent : qu’attend-il d’eux désormais ?
Une anecdote, si l’on peut dire, résume cette absence de cohérence, ou plutôt cette ambivalence permanente : c’est le retard mis par la rue Descartes, qui faisait pourtant des classements une priorité, à exiger des organismes de recherche et principalement du CNRS, une signature scientifique donnant la priorité à l’appartenance universitaire. Ceci en dit long sur le tropisme grands organismes, jugés plus fiables, qui règne en maître au MESRI et ailleurs (académies, sociétés savantes etc.).
La véritable raison, c’est évidemment la défiance persistante vis-à-vis des universités, y compris « de recherche ». Je peux en témoigner à titre personnel grâce aux « off » dont je suis depuis des années le réceptacle et qui en disent plus long que le « on ». Il est en effet facile d’accuser les universités et leurs présidents de tous les maux. Pris un à un les arguments peuvent s’entendre : stratégies d’établissement souvent faibles, processus de décision complexes, culture de gestion perfectible etc.. Sans parler de la crise de confiance réciproque sur les frais d’inscription des étudiants étrangers extra-communautaires.
Un Yalta mortifère
Mais qui veut noyer son chien l’accuse de la rage dit le proverbe… Car aucun gouvernement n’a pris à bras-le-corps l’évaluation ou mis en place des réformes de gouvernance efficaces, assorties de financements corrects et incitatifs. Je dois être un des rares en France à m’infliger la lecture de nombreux rapports HCERES sur les établissements : leur bienveillance n’aide vraiment pas les dirigeants.
Pire, en séparant universités « de recherche » et universités de « proximité », on a ouvert la voie à tous les corporatismes, chacun cherchant à défendre logiquement ses intérêts. Il y a de bonnes et mauvaises universités de « recherche » ou de « proximité », ce qui ne se décrète pas mais s’évalue. Malheureusement, une partie des acteurs universitaires a cru pouvoir jouer sa carte, ne se rendant pas compte que dans un système dans lequel la noblesse était incarnée par les organismes et les écoles, les universités quelles qu’elles soient seraient perdantes.
Car, comme je l’ai souvent écrit, aucun gouvernement n’a durablement choisi de faire de l’Université le cœur de l’ESRI. Si Valérie Pécresse et Nicolas Sarkozy ont eu l’immense mérite d’enclencher une réforme visant à aligner l’ESR français sur les standards internationaux avec la LRU, la crise financière de 2008 a rapidement enterré la promesse d’1 milliard d’€ en plus chaque année, et réorienté de facto la politique sur le Grand emprunt devenu PIA, avec une définition restrictive de l’excellence. Le Yalta perdure pour les gouvernants et une partie de la communauté académique : aux universités la formation, aux organismes, et éventuellement quelques universités, la recherche.
Concentration des moyens ou diversité des excellences
Avec le recul, on peut estimer que la politique de regroupement voulue à l’époque aurait très bien pu faire l’objet d’une décision politique forte 5Quand l’Etat veut prendre des décisions, pour l’X et New Uni par exemple, il sait le faire… : tout miser sur les universités, avec comme contrepartie une évaluation favorisant la diversité des excellences, et donc les spécialisations. Au lieu de cela, on a assisté à la création d’une myriade de structures autour du PIA et on a étalé les financements sur des années en arrosant le sable (ah ces plans !). Pendant que les établissements français ont des souliers de plomb, les pays du monde entier se sont mis à sprinter.
Surtout, le débat, légitime, de la concentration des moyens a toujours été faussé par le retard français en matière de financements : il est apparu trop souvent comme un jeu consistant à déshabiller Pierre pour habiller Paul.
Jean-Pierre Bourguignon le rappelait récemment : le système américain, que l’on voit au travers de ses 50 universités à la notoriété mondiale comprend près de 4 000 établissements. Et les financements des agences (NSF, NIH ou encore DARPA) sont très concentrés. Ce débat est donc présent dans tous les pays. Mais la différence est que, dans tous les pays, le choix historique et stratégique s’est porté sur les universités, que les financements y sont supérieurs et que l’évaluation a des conséquences sur les moyens.
Cette obsession de la concentration des moyens 6Notons d’ailleurs, que la concentration des moyens est un argument sauf lorsqu’il faut rationaliser et mutualiser entre organismes et universités., sans changer le système lui-même, est à mon sens une profonde erreur : non pas qu’il faille disperser les moyens évidemment en construisant, par exemple, une université dans chaque département, et en implantant des laboratoires dans chaque ville moyenne. Car bien sûr, il faut des « champions ».
Mais cette obsession a favorisé une forme de conservatisme, les « rentes » scientifiques étant rarement remises en cause, et l’émergence de « challengers » quasi impossible. Peut-on garantir par exemple que les appels à projet soient calibrés pour cela ? L’exemple des femmes scientifiques, rarement nobélisées, témoigne que les visions de la science ne sont pas neutres non plus, comme le montre également cette étude sur les petites équipes.
Pire, cette obsession a masqué 2 véritables priorités, celle du budget de l’ESR et des financements liés à une évaluation (ce que font en partie les appels à projets, mais pas les contrats de site). Il semble nécessaire aujourd’hui de rebattre les cartes et de mettre à plat ce que signifie pour la science, mais aussi pour la société, l’excellence.
Le décrochage français et les bonnes questions
Demain peut-être, pour des raisons technico-politiques (grâce aux effets mécaniques de regroupements et des signatures scientifiques mieux gérées), des universités françaises progresseront dans les classements. Cependant, la véritable alerte réside dans les signaux qui ne sont plus du tout faibles, du décrochage de notre pays : viviers de doctorants en baisse, attractivité du doctorat pour les étudiants étrangers faibles, incapacité à attirer et garder de jeunes chercheurs brillants, diminution de l’impact des publications françaises, absence des SHS françaises en Europe etc.
Le sous-financement est évidemment une donnée essentielle, mais ce sont surtout les modèles d’allocation des moyens qui sont obsolètes. Et de ce point de vue, la séparation formation-recherche est de plus en plus en décalage avec les nécessités de la société française (formation de techniciens et cadres, détection des talents etc.).
Pourra-t-on continuer à ne pas accéder à la transparence sur l’évaluation des laboratoires ? Pourquoi par exemple telle université ayant un taux de boursiers de 60 % ne recevrait-elle pas un « bonus », sur le modèle de ce qui se fait dans le scolaire avec le dédoublement des classes dans le primaire ? Pourquoi telle autre université ayant un impact territorial avéré en matière de recherche et d’innovation ne bénéficierait-elle pas d’un bonus « innovation » ?
On pourrait multiplier les items qui permettraient de mieux cerner les excellences, en formation, en recherche et en innovation. Une grille de lecture et des indicateurs moins monolithiques, y compris sur la recherche (à l’image du REF britannique sur lequel j’aurai l’occasion de revenir), ouvriraient une saine émulation au sein du service public.
Références
↑1 | Rappelons qu’il existe aussi Leiden, celui du THE, de QS etc. |
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↑2 | Paris-VI était la première université française du classement, à la 65ème place, suivie de Paris-XI, à la 72ème, l’Ecole Normale Supérieure et Strasbourg I se situant dans la fourchette des 102 – 151ème places. Le Collège de France et Paris-VII entre la 152ème et la 200ème places. Ce classement était en 2003 basé sur 500 universités. |
↑3 | Ainsi, l’école Polytechnique figurait en 2003 entre la 201 et la 300ème place. Elle navigue aujourd’hui entre la 301 et la 400ème place. |
↑4 | Je suis frappé, tant dans mes lectures de rapports européens ou de certains pays (USA, UK, Allemagne), dans mes voyages ou rencontres, par le fait qu’à chaque fois, recherche et innovation = enseignement supérieur. Dans aucun pays on ne pense comme les décideurs français et une partie importante des communautés académiques, qui séparent les 2. |
↑5 | Quand l’Etat veut prendre des décisions, pour l’X et New Uni par exemple, il sait le faire… |
↑6 | Notons d’ailleurs, que la concentration des moyens est un argument sauf lorsqu’il faut rationaliser et mutualiser entre organismes et universités. |
Analyse très pertinente du manque de vision et d’objectifs clairs des gouvernements successifs depuis 2009, ce qui a commencé par la reculade de 2009 sur le financement différencié des universités en fonction des évaluations.
J Ch Pomerol
Comme très souvent, sinon toujours, je partage vos vues, Jean Michel.
Nous en sommes à la nième « défaite encourageante » avec la dernière édition du classement de Shanghai. En soi ce ne serait pas très grave car le classement de Shanghai n’est pas l’alpha et l’oméga de toute chose en matière d’ESRI, mais il y a d’autres « défaites encourageantes » : notre glissement au palmarès des publications scientifiques, notre quasi disparition comme partenaire scientifique de premier plan pour la Chine, derrière le Canada et Singapour, loin derrière les pays anglo-saxons et l’Allemagne, comme le montre le rang de la France dans les co-publications franco-chinoises, le fait qu’en matière d’attractivité pour les étudiants nous soyons en train de passer derrière l’Allemagne comme premier pays d’accueil non anglophone pour les étudiants et que nous soyons en plus talonnés par d’autres pays européens, Pays-Bas notamment, alors que depuis des années Campus France s’accrochait au fait que nous étions le premier pays d’accueil non anglophone pour les étudiants. Le glissement est lent mais nous glissons, dans le mauvais sens bien sûr ! Il y a bien longtemps, une dizaine d’années je crois, j’avais publié dans Les Echos un papier intitulé « Education : la France est passée du deuxième au troisième wagon ». Je crains que de « défaites encourageantes » en « défaites encourageantes », nous ne nous préparions à sauter dans le quatrième !
Dans un tout récent point de vue publié toujours dans Les Echos, je suggère de concentrer non pas les institutions, mais les moyens. Je crois que c’était une des préconisations de Jean Pierre Bourguignon, au moment où il quitte la tête de l’ERC. On peut ne pas être d’accord, et cela pose de toute façon la question de l’évaluation, trop édulcorée, je suis d’accord avec vous, dans les rapports du HCERES. Il y aurait là aussi beaucoup à dire, mais l’évaluation académique est une des choses les plus compliquées à organiser, comme me le disait souvent mon regretté ami Jean Jacques Laffont.
Et je répète que les concentrations en cours, même dans des cadres expérimentaux, ainsi que la loi de programmation de la recherche en cours de préparation, ne changeront rien à l’évolution, tout simplement parce que nous continuons à ne même pas nommer les problèmes et à nous complaire dans nos contresens habituels et notre vision franco-française de l’ESRI.
Oui excellente analyse posant une fois de plus les bonnes questions. Mais une remarque qd il est écrit: « C’est l’enjeu de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche face à un décrochage de l’ESR français qui rend les classements anecdotiques. » n’y a-t-il pas un souci car les sujets traités et annoncés ne concerne pas la formation mais que la recherche? Je regrette cela et le relaie fortement auprès de mes collègues encore aux affaires. On va être encore ds les mesurettes sans vision et objectifs pour l’ensemble de l’ESRI.
En plus les contributions à la préparation de cette LPPR ne parle en gros que de moyens avec un chiffre mythique autour de 6Md€/an tandis que le projet de budget MIRES pour 2020 avance +500M€!
N’a-t-on pas aussi comme feuille de route une STRANES d’un côté et une SNRI de l’autre? Bonjour le lien formation/recherche.
Il est clair que les résultats 2019 du classement de Shanghai ne sont pas à la hauteur des espérances. C’est le moins qu’on puisse en dire. Du coup – de façon parfaitement légitime – Jean-Michel Catin interroge les politiques publiques qui ont été conduites depuis deux décennies.
Toute politique de l’ESR combine quatre facteurs : une Parole publique plus ou moins ambitieuse énonçant finalités, missions, objectifs ; des Normes (législatives et réglementaires) favorisant plus ou moins l’initiative et l’autonomie ; des modes d’allocation des Moyens prenant plus ou moins en compte la pertinence des stratégies retenues par les établissements et les résultats obtenus dans les diverses missions ; des processus (collectifs ou individuels) de Reconnaissance de la Qualité et de Légitimation plus ou moins distinctifs. Toutes les politiques menées depuis 20 ans peuvent se lire avec cette grille d’analyse : LMD, politique contractuelle, LRU de 2007, Loi Recherche de 2006, PIA, Loi de 2013… Chacune de ces politiques articule de façon spécifique ces quatre facteurs et donc les couples : Recherche/Formation, Universités/Organismes, Centralisme/Autonomie, Dirigisme/Incitations, Uniformisation/Différenciation, Evaluation objective de la qualité/ «Accompagnement bienveillant» des établissements, Répartition « égalitaire » des moyens /Allocation des moyens sur évaluation des résultats et/ou par appels à projets compétitifs…
Jean-Michel Catin s’interroge d’abord sur la pertinence de la politique des regroupements. Elle part d’une idée ancienne. Déjà Jules ferry disait en novembre 1883 (!) : « Nous aurions obtenu un grand résultat s’il nous était possible de constituer un jour des Universités rapprochant les enseignements les plus variés, pour qu’ils se prêtent un mutuel concours, gérant elles-mêmes leurs affaires, pénétrées de leurs devoirs et de leur valeur, s’inspirant des idées propres à chaque partie de la France, dans la variété que comporte l’unité du pays, rivales des Universités voisines, associant dans ces rivalités l’intérêt de leur prospérité au désir qu’ont les grandes villes de faire mieux que les autres… ». L’université « complète » est toujours le modèle mondialement dominant. Désormais avec les nouveaux outils offerts par la récente ordonnance, les acteurs peuvent réellement s’organiser comme ils le souhaitent, notamment dans leurs modes de gouvernance. De nouvelles universités peuvent aujourd’hui voir le jour, créées par des universités, des écoles et des organismes…s’ils le veulent…Même le problème soulevé du « gigantisme » peut trouver des solutions innovantes, comme l’a montré l’Université de Paris-Saclay et son collège de premier cycle.
Pour ma part, je suis convaincu que les organismes, et en premier lieu le CNRS, vont jouer le jeu de ces nouvelles universités dès qu’il y aura des projets consistants et que la qualité de la recherche sera préservée. Ils s’impliquent déjà fortement, notamment dans la constitution des écoles universitaires de recherche. On peut être plus inquiets sur le sujet des écoles avec néanmoins de beaux succès en région parisienne comme à Grenoble par exemple. Mais il faut bien dire que les vieux réflexes corporatifs ont la vie dure et que la vision « long terme » est ce qui demeure le moins bien partagé… Dès lors on peut être tenté de suggérer, pur l’avenir de nos écoles supérieures, trois scénarios possibles : les nouvelles universités intégrant un pôle fort d’ingénierie, un regroupement d’écoles (ingénieurs, commerce, autre écoles professionnelles…) sur site dans des « universités de technologie » new look, des écoles restées « solitaires » pour préserver une identité professionnelle particulière… Après tout, chacun de ces scénarios peut être justifié, mais ces trois modes d’organisation devraient avoir chacun un modèle économique spécifique articulant de façon différenciée aide de l’Etat et appui direct des milieux économiques directement concernés…
En tous les cas, la politique des regroupements, si elle n’est pas la panacée, a clairement réussi à faire bouger les choses et les mentalités… C’est déjà ça…
De nouveau Jean-Michel Catin pointe le sujet de l’évaluation… Il a bien entendu raison. Certes avec Bernard Belloc on peut rappeler que le sujet n’est pas trivial…mais il n’en reste pas moins que, dans la perspective d’une autonomie renforcée des établissements et dans un système financé par la puissance publique, on ne voit pas comment se passer d’une régulation par l’évaluation. C’est évidemment ce qui a été compris depuis longtemps au plan européen et international et c’est ce que le législateur de 2006 avait voulu faire. Malheureusement Jean-Michel Catin note qu’au fil du temps le système s’est « émoussé » et que la bienveillance des évaluations n’aide pas in fine les établissements. En particulier, l’interdiction de toute « cotation/notation » introduite en 2013 est une aberration qu’il conviendra de corriger au plus vite (en améliorant le système précédent) tant elle désavantage ceux qui se « défoncent ».
Au nom d’un appui supposé au développement des politiques d’assurance-qualité internes aux établissements, le HCERES reste dans le déni et justifie de n’en rester qu’à une évaluation « accompagnante ». Cela le conduit officiellement à repousser les critiques sur « l’eau tiède » des rapports d’évaluation et à ne reconnaître qu’une lacune : celle du manque d’une synthèse des rapports … que les décideurs n’auraient pas le temps de lire dans leur intégralité ! Peut-être est-il vrai après tout qu’en concentrant de l’eau tiède, on peut obtenir de l’eau chaude…
Ce constat fait, deux circonstances amènent à espérer que la question de l’évaluation soit mise prochainement sur le tapis : la préparation de la loi de programmation pluriannuelle de la recherche et le renouvellement des instances et de la direction du HCERES. C’est là que les choix décisifs devront être faits. Ils peuvent aujourd’hui être faits, car des signes récents sont particulièrement encourageants. Ainsi l’AUREF au début de l’été comme la CPU lors de son colloque de fin août formulent des propositions très intéressantes. L’AUREF a compris que si elle voulait voir reconnue la diversité des missions, il fallait une évaluation qui tienne la route et qui soit capable d’identifier l’excellence là où elle se trouve. Quant à la CPU, des voix s’entendent désormais qui appellent à un changement de modèle, à concevoir de nouvelles façons de penser …. Autant de facteurs favorables à une action déterminée pour rendre plus efficace notre système d’évaluation.
Cette efficacité nouvelle passe effectivement par la reconnaissance de la diversité des excellences et par la reconnaissance de champions dans toutes les catégories. On pourrait parfaitement imaginer que les établissements définissent librement leur stratégie et se fixent quelques objectifs stratégiques à la seule condition que l’atteinte de ces objectifs soit mesurable et que le dialogue contractuel en ait acté la pertinence partagée. Ce serait cette stratégie et ces objectifs qui seraient évalués. Reconnaître la diversité des excellences, c’est se prémunir contre un modèle unique, c’est valoriser les différenciations réussies, c’est permettre d’éclairer les politiques d’allocation de moyens pour l’Etat, les Régions, les acteurs économiques, c’est mieux informer les jeunes et les familles et, in fine, mieux répondre à la diversité des besoins. C’est pour tout cela que la question de l’évaluation est une question-clé.
Aujourd’hui chacun est prêt à soutenir cette diversité. Pour la petite histoire et pour sourire, on peut raconter qu’en 2012, le CGI avait proposé que l’action IDEX soit transformée en une action « Initiatives d’excellenceS » et que ce pluriel…avait été refusé par le ministère de l’époque qui, il est vrai, croyait à la disparition rapide du CGI et du PIA… Notons qu’aujourd’hui – malgré les quelques réserves de Jean-Michel Catin – aussi bien le CNRS que l’AUREF appellent à un PIA 4… un PIA qui doit donc avoir quelques vertus…
…Et l’on peut rêver d’une politique publique qui, fondée sur un système efficace d’évaluation, libèrerait pleinement les initiatives, valoriserait par les divers modes de reconnaissance et l’allocation des moyens les résultats obtenus et définirait des actions incitatives de type PIA pour permettre, dans le cadre d’une stratégie nationale intégrée recherche-formation-innovation, à notre système d’enseignement supérieur e de recherche de s’adapter aux besoins nationaux et aux enjeux internationaux.