Les prévisions du MESRI jusqu’en 2026 tempèrent l’idée d’un choc démographique, tel celui vécu entre 1968 et 1998. Dans un monde où même des universitaires réagissent sur tout sans analyser les données objectives, c’est l’occasion de se pencher sur les effectifs actuels de l’ESR et surtout sur ce que nous disent, ou pas, ces prévisions démographiques. En 20 ans, les inscriptions dans l’enseignement privé ont crû de 89% à dispositif équivalent tandis qu’elles n’ont augmenté que de 12% dans l’enseignement public ! Et les filières courtes stagnent ou baissent tandis que les universités ne connaîtront pas de rush. Croissance modérée il y aura, mais où ?
Le baby boom de l’an 2000 ne doit pas occulter des tendances bien plus nuancées, tant sur l’ESR que pour les universités. Rappelons d’abord que l’ethnocentrisme universitaire fait souvent croire que l’université, dans notre pays, est dominante. Elle l’est évidemment mais n’est plus toute seule. Une note du SIES (MESRI) le rappelle, avec des chiffres dont j’ai retranché les effets de double inscription universités-CPGE.
Les chiffres 2017-2018
Quelle hausse ? L’augmentation globale est de 1,4 % sur un an soit + 36 200 étudiants inscrits sur un total de 2 680 400.
Quelle répartition ? Les universités représentent 61,3 % de l’ensemble des inscriptions dans l’enseignement supérieur, les STS environ 10%, et le privé 19,4%.
Dans quelles régions/académies ? À dispositif équivalent, les effectifs augmentent par rapport à 2016 dans toutes les académies sauf à Reims, Rennes, Besançon, Caen et Rouen. Ils croissent de façon importante dans les académies de Strasbourg (+ 3,3 %), Nice (+ 3,2 %), Versailles (+ 3,1 %) et surtout Bordeaux (+ 3,5 %).
Pas d’afflux d’inscriptions à l’université !
Contrairement à ce qu’indique un intertitre de la note du SIES, la hausse n’y est que de + 1,0 % soit + 16 000 inscriptions, « confirmant le ralentissement de la progression observé l’année précédente : + 1,1 % en 2016 après + 4,0 % en 2015. » Cette progression pour la cinquième année consécutive « constitue néanmoins une inflexion de tendance par rapport au passé, alors que les effectifs universitaires étaient restés relativement stables (à champ constant) entre 2000 et 2012 (+ 0,4 % par an en moyenne) » selon le SIES.
Où à l’université ? Les IUT ont une augmentation « très modérée » (+ 0,2 % après + 0,3 % l’an dernier) avec 116 800 étudiants inscrits. Dans les disciplines de santé, les effectifs progressent depuis de nombreuses années : +1,4 % (+1,0% en 2016, +1,9% en 2015).
Disciplines générales scientifiques : toujours particulièrement dynamiques avec des effectifs en progression pour la 4ème année consécutive : + 2,3 % (+ 2,6 % en 2016, + 4,3 % en 2015). Qui se souvient encore des angoisses à propos de la désaffection pour les études scientifiques ?
Arts, lettres, langues et sciences humaines et sociales : +1,2% contre +1,8% en 2016 et 3,7% en 2015.
Droit : + 1,3 % après – 1,9 %.
Économie, gestion : – 1,1 % après une légère hausse de + 0,3 % en 2016-2017.
Où par cycle ? En cursus licence, les effectifs continuent à croître, mais à un rythme presque deux fois moindre que l’an dernier (+ 1,4 %). En cursus master, ils augmentent à nouveau (+ 0,5 %, après + 0,8 % en 2016) et diminuent à nouveau en cursus doctorat même si la baisse ralentit (- 0,7 % après – 2,3 %).
Et les autres secteurs ?
Les STS : une baisse de – 0,3 % contre + 0,4 % en 2016.
Les formations d’ingénieurs : + 4,1 %. En 25 ans, les effectifs ont été multipliés par 2,5. Sur les cinq dernières années, la progression s’est faite à un rythme moindre, avec une croissance totale de 18 %.
Les écoles de commerce, gestion et comptabilité (hors STS) : + 5,9 % (après une hausse de 8,1 % en 2016-2017).
Les CPGE : les effectifs des classes scientifiques augmentent de 0,3 %, tandis que ceux de la filière économique et de la filière littéraire sont en baisse de respectivement 0,6 % et 0,4 %. Sur les cinq dernières années, la croissance est de + 3,5 % (+ 10% dans l’enseignement supérieur).
Et le privé ? Avec + 2,9 % et 520 200 étudiants, l’enseignement privé, la hausse de cette année est nettement supérieure à celle des inscriptions dans l’enseignement public. Depuis 1998, les inscriptions dans l’enseignement privé ont crû de 89% à dispositif équivalent tandis qu’elles n’ont augmenté que de 12% dans l’enseignement public !
Des projections à 2026
Le MESRI a livré en avril 2018 ses prévisions/projections concernant les effectifs de l’ESR jusqu’en 2026. Notons qu’il peut se tromper (c’est arrivé dans les années 2000 quand une baisse des effectifs avait été prévue…), comme c’est arrivé à l’INSEE.
Si je compare ces projections avec les différents chocs que notre pays a encaissé, dans les années 45, 60, 68 et qui ont plus ou moins duré, nous entrons dans une période relativement calme ! « Si les tendances en termes d’orientation, de poursuite d’études et de démographie se prolongent, l’enseignement supérieur pourrait rassembler, en 2021, 2,8 millions d’étudiants et, en 2026, 2,9 millions d’étudiants, soit respectivement 216 000 et 327 000 étudiants de plus qu’en 2016 » indique le SIES.
En 10 ans, les universités devraient accueillir 179 000 étudiants supplémentaires (sur 327 000 en plus). La progression serait de la même ampleur pour le cursus licence et pour le cursus master (+ 12,7 et + 13,1 %). Mais, les effectifs de doctorants baisseraient de 13% entre 2016 et 2026. C’est bien là la projection la plus inquiétante pour les universités, sur ce qui fait leur haute valeur ajoutée.
Pour être précis, le SIES souligne dans ses hypothèses et simulations l’influence des capacités d’accueil des universités, aujourd’hui limitées.
Les difficultés de la prévision
Car la difficulté de la prévision, c’est que la démographie en est un des éléments mais qui se combine à des tas d’autres paramètres : des aspects comportementaux, influencés par exemple par des courants dominants et nouveaux dans la société, des actions volontaristes (Cf. les études scientifiques ou encore le dynamisme du privé), des décisions politiques (quel impact pour la hausse des frais d’inscription des extra-communautaires ?), la situation économique, les ruptures et innovations technologiques.
Il faut y ajouter la nature de l’offre de formation avec une demande sociétale de plus en plus exigeante rapidement, ce qui souvent défavorise le secteur public, moins réactif. Et puis sur certaines niches et certains milieux sociaux, la concurrence internationale.
Et enfin, le cadre de vie comme ces problèmes de logement étudiant qui pèsent sur certaines métropoles comme Bordeaux et qui peuvent un jour avoir un effet dissuasif.
De plus, la prévision « macro » nous dit peu de choses sur les disciplines que les jeunes vont choisir. Or, l’allocation des moyens, telle qu’elle est conçue aujourd’hui est « rigide » : les chiffres 2018/2019 nous éclaireront sur l’attractivité non seulement des universités, mais de leurs filières.
On en revient au dynamisme du secteur privé mais aussi de certains acteurs publics : connaître les attentes, être attractif dans un univers très concurrentiel sont désormais incontournables.
Un petit rappel historique
1898 : 27 000 étudiants réparties dans 15 universités et 7 écoles de médecine
1948 : 129 000 étudiants
1968 : 700 000 étudiants
1998 : 2 100 000 étudiants
2018 : 2 700 000 étudiants
2021 : 2 800 000 (prévisions)
2026 : 2 900 000 (prévisions)
Selon l’INSEE (Insee Analyse, n° 71, décembre 2018) sur le nbre d’écoliers en 2030, c’est la région AuRA qui va avoir la plus forte croissance avec du +3.4% (vs 2017). Ce qui est plus important c’est que dès le collège et a fortiori le lycée et l’ens sup, on constate une surmétropolisation.
Lyon Croit très fortement. Clermont s’en sort en finissant de vider les autres départements de l’ex Auvergne et le bassin Genevois garde sa dynamique. Le grand perdant : Grenoble.
cet effet métropole sera une des tendances fortes des années à venir pour l’ens sup (surtout si ca commence dès le collège !).