DUT et licence plus efficaces que les BTS et CPGE ? A rebours des idées reçues, c’est l’hypothèse d’Aurélien Lamy, Maître de conférences en Sciences de gestion à l’Université de Caen Normandie. On savait évidemment qu’étudier à l’université, vu la faible dépense par étudiant, est d’un bon rapport qualité-prix. Mais là où la démarche d’Aurélien Lamy est audacieuse, c’est qu’il compare 4 filières (DUT, Licence, BTS et CPGE) en termes d’efficacité, à savoir la réussite des étudiants. Une polémique en vue qui pourrait nourrir le débat sur l’organisation du système.
Ce qui est intéressant dès que l’on parle d’enseignement supérieur, c’est la force des représentations symboliques : au-delà du grand public, si vous écoutez, comme je le l’ai fait pendant des années, des décideurs (l’administration de l’éducation nationale, les dirigeants d’établissements d’enseignement supérieur, d’organismes de recherche, les journalistes, chefs d’entreprises, politiques etc.) sur l’éventuelle hiérarchie des filières, les classes prépas bénéficient d’un capital de reconnaissance incontestable, même quand elles sont contestées.
Et aussi, il faut le dire, chez de nombreux universitaires qui en viennent et qui y envoient leurs enfants… Car tout le système français repose sur ce tryptique : on a un bac avec mention (si possible en avance), on fait une prépa, et on passe les concours des grandes écoles, non pas d’ailleurs en fonction de ses aspirations, mais en fonction de son classement.
Les faits et les croyances
Ce qui est un fait, c’est que les bacs avec mention vont (allaient ?) ou cherchent à aller en classe prépa plutôt qu’à l’université, sauf en Droit et en études de santé. Derrière ce fait incontestable, s’est développée toute une symbolique dans laquelle figurent de nombreuses « croyances ».
Dans un article publié par The Conversation, Aurélien Lamy interroge l’efficacité en termes de réussite rapportée au coût des études de 4 filières : 2 universitaires (DUT et licence), 2 hors université, ce qui ne manquera pas d’être contesté.
En effet, il mesure une réussite et un rendement économique, sans aborder le débat permanent du niveau supposé supérieur des étudiants en prépa vs licence. Et de la facilité de réussir en licence, plutôt que dans une Grande école.
A ce sujet, je note que les études manquent (taux et niveau d’insertion, capacités d’adaptation des étudiants, parcours, etc.) pour mesurer l’apport des étudiants ayant fait une prépa vs licence, si ce n’est qu’ils sont scolairement meilleurs…à 18 ans.
Doit-on souligner que les élites françaises, quasiment toutes passées par des prépas et donc des parcours non atypiques, ont raté tous les tournants technologiques ou presque ? Il ne s’agit évidemment pas de celles et ceux qui ont poursuivi au-delà du fameux parchemin à bac + 5.
Bref, l’apport d’Aurélien Lamy est d’aller à l’encontre des idées reçues et de soulever des pistes pour un financement…à la performance, qui ne défavoriserait par forcément l’université.
Des CPGE faiblement efficaces ?
Prenant en compte la population étudiante accueillie au sein des différentes formations sélectives de premier cycle (DUT, BTS et CPGE), il note que l’efficacité du DUT (1/4 de bacheliers technologiques, qui réussissent dans 64,6 % des cas), « déjà supérieure à celle des autres diplômes de premier cycle, apparaît ainsi d’autant plus forte. »
Quant aux BTS, qui accueillent une proportion importante de bacheliers technologiques et de bacheliers professionnels, leur efficacité apparaît « plutôt correcte ».
Par contre, les CPGE, qui accueillent une population étudiante très majoritairement composée de bacheliers généraux ayant reçu de meilleures mentions au baccalauréat, leur efficacité, « déjà inférieure à celle des autres formations de premier cycle, apparaît ainsi particulièrement faible. »
Ainsi, la prise en compte de la réussite tend « à augmenter les écarts : avec une dépense par étudiant relativement limitée et le taux de réussite le plus élevé, le DUT affiche une dépense par année réussie de 14 893 euros, plus faible que dans les autres formations de premier cycle, et donc signe d’une efficacité plus forte. Le BTS affiche une dépense par année réussie de 17 583 euros, légèrement supérieure à celle de la licence, signe d’une efficacité plutôt moyenne. »
Et les CPGE « affichent une dépense par année réussie de 20 016 euros, nettement supérieure à celle des autres formations de premier cycle, signe d’une plus faible efficacité. »
Sa conclusion est tranchée : « sachant que la dépense par étudiant à l’université intègre l’ensemble des coûts de la recherche, l’intégration des seuls moyens consacrés à la formation montrerait une efficacité encore plus marquée en faveur des formations universitaires que sont le DUT et la licence. »
Avant toute chose il faut s assurer de la robustesse
des indicateurs coût étudiant et là
Il y a un sérieux travail d analyse à faire car si la dépense est connue assez précisément il n en va pas de même pour les effectifs concernés par les dépenses . Pour les effectifs en CPGE et STS
Ceux ci sont connus précisément et leur évolution au cours d une année scolaire est faible. Par contre
les effectifs des L1 sont à examiner avec prudence et rigueur !
Entre septembre et novembre certaines formations
perdent plus de 20% des inscrits…qui pour certains restent inscrits administrativement.
Alors le coût moyen d un étudiant de L1 est largement
sous évalué car les étudiants non assidus
ne doivent pas être pris en compte.
Voir les remarques de la Depp ou du sies sur les effectifs pris en compte.
Voir aussi les heures d enseignement et de travail personnel dans les différentes formations!!!
Avant de faire des commentaires il faut être sûr
des données fussent elles ministérielles….
Bon courage !
J’abonde dans le sens de Claude Boichot. Les chiffres de monsieur Lamy sont pour le moins fantaisistes. Pour comprendre la supercherie il faut faire un distinguo entre la « mise » et le « coût économique » d’un étudiant.
Prenons un étudiant de première année à l’université. L’Etat mise 11000 € sur lui. Mais quand seulement 25% des primo entrants réussissent en un an l’examen, le coût économique réel de chacun d’eux est mutiplié par 4 ! C’est ainsi me semble-t-il que les entreprises calculent le coût réel de fabrication d’un produit. Fabriquer un objet suppose une certaine mise de fond. Si celle-ci est de 8 euros mais que 20% d’entre eux sont défectueux et ne peuvent donc être mis sur le marché, le coût réel d’un produit vendable est de 8 x 10/8 = 10€.
Par ailleurs le coût (au sens de la mise) d’un élève de première année de CPGE n’est pas du tout celui indiqué. Il est de l’ordre de 14500 € et la perte en ligne est infinitésimale. Contrairement à ce qui se passe à l’université, l’assiduité des étudiants est obligatoire et les moyens sont calculés en fonction des effectifs réels arrêtés plus de deux mois après la rentrée. Les élèves qui démissionnent le font généralement dans les premières semaines et ne coûtent donc rien à la puissance publique. Enfin, le taux de passage en seconde année de CPGE ou d’université, via le système ECTS et les nombreuses conventions passées entre CPGE et universités, avoisine les 100%.
C’est sans doute en cela que le fait de se fonder sur l’année réussie, ce qui est l’hypothèse de l’article, est une analyse pertinente. Même si pour mesurer une performance -mais c’est évoqué dans l’article de référence- il faudrait aussi prendre en compte le caractère sélectif ou non de la formation et les type et niveaux des bacheliers recrutés parce que plus les étudiants sont sélectionnés sur leur niveau, plus il est facile de les faire réussir particulièrement quand il s’agit de bacheliers généraux. Cela accroîtrait nécessairement la performance des licences.
Ce qui interroge cependant profondément notre système est la conclusion : « Il ressort que la dépense par année réussie est plus élevée pour les formations en lycée (BTS et CPGE) que pour les formations de premier cycle à l’université (licence et DUT). Sachant que la dépense par étudiant à l’université intègre l’ensemble des coûts de la recherche, l’intégration des seuls moyens consacrés à la formation montrerait une efficacité encore plus marquée en faveur des formations universitaires que sont le DUT et la licence. »
Mais cela montrerait aussi un investissement d’autant plus faible de l’Etat dans la réussite des étudiants en université et la nécessité d’une réévaluation urgente de celui-ci pour répondre aux enjeux et aux ambitions. Parce que l’équité de considération des étudiants conditionne l’égalité des chances qui aujourd’hui malheureusement reste plus un discours qu’elle n’est une réalité.