No Comments

J’essaie régulièrement de regarder un peu en arrière pour prendre de la distance avec la dictature des réseaux sociaux et de l’immédiateté. Ces 2 fléaux modernes sont à la pensée rationnelle ce que les rebouteux sont aux médecins. Je me suis donc amusé à passer en revue l’année 1971, celle de la mise en place réelle de la loi Faure (Cneser, statuts et élection des présidents d’universités, création de la CPU etc.). Les polémiques sont beaucoup plus violentes qu’aujourd’hui, mais on arrive à percevoir l’esquisse de grandes ruptures. Il y a 50 ans, on y retrouve aussi les fantômes de certains débats actuels. Pour rire mais aussi parfois pleurer… 

Ce billet s’appuie sur les articles du Monde, véritables archives de l’enseignement supérieur, puisqu’à l’époque ses chroniques n’hésitaient pas à entrer dans le détail de son fonctionnement, y compris dans les UER, ancêtres des UFR 1Il ne s’agit pas d’un témoignage personnel, j’étais lycéen 🙂, contrairement à mes souvenirs des années Giscard.. Pour des raisons de commodité de lecture, j’ai abrégé et reformulé les citations, sans en altérer le contenu et le sens. Les jugements et commentaires ne sont donc pas de moi, mais les intertitres, oui.

La lecture de ces témoignages permet de relativiser la nostalgie du « c’était mieux avant ». A l’époque un ministre pouvait retirer à une université un diplôme national, un recteur tout décider sur les inscriptions et la rentrée universitaire s’étaler, faute de moyens, d’octobre à novembre… 😊 Et puis le statut des universitaires titulaires, c’était autre chose, y compris en termes de rémunération. Quant à la professionnalisation des formations, symbole de la main-mise du capital sur les universités, certes balbutiante hors des IUT, elle se mettait en place à bas bruit !

Les pics de violence (et ceux de Grenoble sont à lire !) 2Il est frappant de voir comment en 1971, peu d’établissements ou de disciplines échappent aux soubresauts de mai 68 et à l’agonie du maoïsme. allaient peu à peu disparaître sous les coups de boutoir du commencement d’autonomie des universités, de la (re) naissance d’un syndicalisme étudiant moins directement politisé et surtout d’une demande étudiante bouleversée par la crise pétrolière.

Mais le mal était fait : cette violence, physique et verbale au sein des universités, a précédé et accompagné le « décrochage » de l’université dans l’opinion publique, et par effet de loupe, masqué le reste du champ, à savoir le début des filières professionnalisantes par exemple. L’université française en paie encore chèrement le prix aujourd’hui en termes d’image, tant dans l’opinion publique que chez les décideurs (voir infra les articles du Monde sur les Grandes écoles).

Or, la cacophonie actuelle, avec la dernière polémique à l’IEP de Grenoble, est une alerte. En remettant sans cesse un euro dans la machine à perdre, la ministre, ses détracteurs et toutes celles et ceux qui gèrent leur petite entreprise académique personnelle fragilisent l’édifice. Un peu comme une vague de tsunami qui naît loin des côtes, mais finit par les atteindre et parfois les submerger, ces messages négatifs, dans un monde de communication exacerbée, pourraient renforcer l’écart entre la réalité et sa représentation médiatique.

Cependant, à la différence des années 70, les communautés académiques des sciences humaines et sociales au cœur des polémiques de 2021, apparaissent bien seules, voire isolées par rapport aux autre disciplines. Et surtout sans le soutien des étudiants ! Les résultats électoraux de l’Unef le confirment chaque jour. Notons que dans les années 70, même minoritaires, les mouvements réunissaient étudiants et enseignants, y compris en sciences (Voir Caen infra). Aujourd’hui, je me trompe peut-être, ils semblent bien microcosmiques.

C’est d’ailleurs toute la contradiction des protestations et polémiques actuelles sur la liberté de la recherche : elles peinent à intéresser les étudiants, peut-être parce que les enseignants concernés s’intéressent peu à eux !

Il demeure une question, si l’on revient à l’année idéologique 1971 : l’année cacophonique 2021 aura-t-elle les mêmes effets de long terme sur l’image de l’Université ?

Quelques moments d’histoire universitaire en 1971

Violences : ça ne plaisantait pas !

Grenoble en coups de feu. En mai, 2 étudiants sont blessés par arme à feu au cours d’une bagarre sur le campus opposant plusieurs dizaines d’étudiants « progressistes » à un groupe de Sud-Vietnamiens accompagnés de quelques militants d’extrême droite. Après un meeting sur le campus universitaire, rassemblant un millier d’étudiants, des groupes gauchistes  ont décidé de mener eux-mêmes une enquête, de procéder à l’interrogatoire des étudiants sud-vietnamiens qui ont été identifiés et de réunir toutes les preuves de l’agression dont ils disent avoir été les victimes.

Une parodie de tribunal, institué par des étudiants gauchistes et de gauche a ‘entendu’ trois personnes qui avaient été amenées de force. Il s’agit de deux ressortissants sud-vietnamiens, l’un étudiant, l’autre se déclarant journaliste saïgonnais, qui avaient été enlevés, dans le courant de l’après-midi, à la poste centrale de Grenoble par plusieurs militants gauchistes proche du Secours rouge et d’un étudiant français soupçonné d’appartenir au mouvement d’extrême droite Ordre nouveau,  » appréhendé  » sur le campus. L’étudiant sud-vietnamien était toujours prisonnier de ses ravisseurs ce jeudi en début d’après-midi.

Nanterre et ses bagarres. Plusieurs étudiants gauchistes étaient intervenus pendant le cours de M. Bertrand pour faire une « communication » aux étudiants. Le professeur s’y était vivement opposé et avait même lancé un tableau noir sur les perturbateurs, qui avaient répondu à coups de chaises. Resté finalement maître du terrain, M. Bertrand s’était entendu dire par les gauchistes qu’il serait désormais « interdit de parole à Nanterre ». Ceux-ci sont donc revenus, résolus à empêcher M. Bertrand de donner son cours. Plusieurs enseignants du département d’allemand ayant décidé de protéger leur collègue, de brèves mais violentes bagarres les ont opposés aux gauchistes.

Caen, agresssion à la peinture. Un mouvement local d’extrême droite, s’intitulant Défense des valeurs et renouveau de l’Université, s’est emparé pendant son cours, d’un professeur de physique, l’a dévêtu et barbouillé de peinture rouge. Une manifestation de protestation s’est terminée par des affrontements violents entre les forces de l’ordre et plusieurs centaines d’étudiants. Et plusieurs cours ont été perturbés par des militants gauchistes, notamment en droit et en lettres, visant notamment le directeur de l’U.E.R. d’histoire.

Bordeaux et le tribunal populaire. L’Union des comités d’action des étudiants bordelais a érigé sur le campus universitaire de Pessac, un ‘tribunal populaire’ pour faire le procès des organisations estudiantines de droite et d’extrême droite. Ce ‘procès’ faisait suite à des incidents où une quarantaine de gauchistes et des étudiants modérés et de droite s’étaient affrontés devant l’U.E.R. de droit. Il y avait eu 200 000 Francs de dégâts.

Le ‘tribunal’ a rappelé les ‘provocations fascistes’ et ‘dénoncé la collusion des forces de police, de l’administration universitaire et des fascistes ». Il a demandé aux étudiants de se réunir mercredi devant un restaurant universitaire afin de se rendre en cortège auprès du président de l’université de Bordeaux-I, à qui ils demanderont de retirer sa plainte contre les onze étudiants inculpés.

Poitiers-La Rochelle : les entreprises inquiètes de la violence. Face à la permanence des violences et des manifestations, la CCI accorde une subvention de 30 000 F à l’IUT situé à la Rochelle 3A l’époque au sein de l’université de Poitiers mais elle a accompagné cette subvention d’une protestation contre les désordres ‘scandaleux et insupportables’ dont cette université a été le théâtre. Dans une lettre au recteur de l’académie, M. Brisson, président de la chambre de commerce et d’industrie, estime qu’ ‘il est devenu nécessaire d’exprimer l’exaspération des commerçants et industriels, et sans doute de bien d’autres catégories professionnelles, [dont] le travail sert à réparer la violence destructrice de certains, assurément très minoritaires’.

Débats sur l' »islamogauchisme » version 1971

Politisation de l’Université, crise et violence. Tout en reconnaissant que la crise subsistait encore, M. Rémond, doyen de Nanterre a souligné à nouveau que l’agitation représente statistiquement quelque chose d’infime. Selon lui, la remise en ordre ne peut se faire que par les enseignants.

Jacques Rueff de l’Académie des sciences morales et politiques s’était étonné que l’Etat puisse confier la formation de la jeunesse à des maîtres, notamment à des professeurs de sociologie, dont on sait qu’ils ont pour objectif de détruire la société actuelle. M. Grappin, le prédécesseur de R. Rémond, a reconnu que ce problème est un de ceux que les lois ne permettent pas de résoudre. ‘Je suis effrayé, a dit M. Grappin, par ce que j’entends enseigner depuis dix ans en philosophie.’ ‘Nous sommes désarmés a précisé de son côté M. Rémond, devant ceux des enseignants qui transforment leur enseignement en machine de guerre.’

Pour les deux doyens, la recherche désintéressée du vrai n’existe plus dans l’Université actuelle, qui devient de plus en plus une école professionnelle. Ce qui intéresse l’étudiant, ce sont les débouchés. Pour les autres qui veulent changer la société, la connaissance n’est qu’une arme dans un combat.

Philosophie : marxiste ou pas ? Le ministre de l’éducation nationale Olivier Guichard a annoncé qu’il retirait à la licence de philosophie décernée à Vincennes la qualité de diplôme national et pour deux raisons : ‘les conditions dans lesquelles le contrôle des connaissances a eu lieu l’an dernier’, et le fait que la liste des unités de valeur adoptées pour 1970 ne couvre pas l’ensemble des connaissances qu’on est en droit d’attendre de licences d’enseignement. Le Conseil d’Etat confirmait cette décision.

Répondant aux auditeurs d’Europe 1, O. Guichard, présentant une série d’unités de valeur consacrées à l’étude de la doctrine politique marxiste, avait estimé que ce programme trop ‘orienté’ et ‘spécialisé’ ‘ne pouvait donner à quelqu’un une connaissance de la philosophie telle qu’il puisse ensuite l’enseigner de manière valable et complète’.

Michel Foucault, qui anime le département de philosophie, a réagi en soulignant que la liste donnée par le ministre était ‘partielle’ et qu’on aurait pu en composer une différente. Surtout, il a fait valoir que l’enseignement de philosophie à Vincennes ne doit pas consister seulement en un commentaire de textes ‘canoniques et scolastiques’, mais être ‘une réflexion sur le monde contemporain, donc nécessairement sur la politique. Cette optique est, selon M. Foucault, au moins aussi valable que la conception traditionnelle.

Et la recherche en SHS ?

La sociologie déjà interpellée. A Amiens, lors d’un colloque sur ce thème de ‘l’aliénation industrielle’, les tables rondes sur le tiers-monde soulevèrent de vives polémiques. Les exposés sur la situation des travailleurs étrangers dans les pays industrialisés avaient souligné l’absence de recherches sociologiques globales sur cette question

Une partie de la salle refusa d’admettre que l’origine de cette immigration pût ne pas être uniquement ‘capitaliste’ ou ‘colonialiste’, et qu’un certain ‘transfert de valeurs économiques et culturelles’ pût se faire ainsi de pays en voie de développement à pays développés. Pour ces étudiants, parmi lesquels un certain nombre d’Africains, l’aliénation des ressortissants du tiers-monde en Occident est comparable, qu’ils soient travailleurs manuels ou intellectuels.

Un chercheur estima qu’il était peut-être plus constructif de rechercher les causes de l’ostracisme dont les travailleurs étrangers sont l’objet même dans une bonne partie de la classe ouvrière. L’origine de ce sentiment lui paraît être dans la façon dont les auteurs marxistes ont dépeint ces travailleurs, à la fois nouveau ‘lumpen prolétariat’ et armée de réserve du patronat.

À voir la passion avec laquelle l’auditoire contesta cette thèse (alors qu’une question précise sur la possibilité d’une scolarisation des Africains dans les diverses langues autochtones, au lieu de l’anglais ou du français, qui sont couramment utilisés, ne soulevait qu’une attention polie), on pouvait se demander si les idéologies ne sont pas aujourd’hui l’un des aspects les plus vigoureux de l’aliénation, et si elles n’expliquent pas aussi en grande partie les difficultés de la recherche sociologique française.

L’influence américaine et les nudistes. Aux États-Unis on compte déjà plusieurs thèses de doctorat sur le nudisme. En France, la première vient d’être soutenue en Sorbonne (Université René-Descartes – Paris V) par M. Marc-Alain Descamps, assistant en psychologie : le Vêtement et le nu. On y découvre d’abord, s’il en est besoin, que les nudistes ne sont ni des inadaptés ni des gens bizarres, un peu pervers. Après avoir lu l’ouvrage de M.-A. Descamps, on est obligé de reconnaître que ces précurseurs du naturisme, de la lutte anti-pollution et de la défense de l’environnement bénéficient pour la plupart d’une santé physique et mentale que bien des non-nudistes (on les appelle ici les  » textiles « ), pourraient leur envier.

Autonomie des universités

Une seule femme présidente d’université. Les élections de présidents ont été bien plus tardives que ne l’avait escompté le ministère de l’éducation nationale – la date limite en avait été fixée successivement à juin 1970 puis au 1er janvier 1971 ; or elles se sont déroulées le plus souvent dans le premier trimestre de cette année. Ces retards ont tenu essentiellement aux difficultés rencontrées dans la mise en place des conseils d’université. On ne peut pas dire, en effet, que le choix des présidents ait été excessivement douloureux. Mis à part quelques cas difficiles comme à Lyon-II Paris-VI ou Paris-XI où les conseils ont dû se réunir plusieurs fois avant de trouver un candidat, les résultats ont été acquis le plus souvent au premier tour.

Comme on pouvait s’y attendre pour une fonction essentiellement administrative et gestionnaire, un grand nombre d’élus (dix-neuf) sont des juristes ou des économistes. Mais ils sont suivis de près par les scientifiques (dix-sept). Les littéraires sont quatorze et les médecins onze. (Le fait qu’un nombre relativement important de médecins ont été élus a prouvé que malgré la virulence de certaines déclarations ils n’ont pas tous boudé les institutions créées par la loi d’orientation, du moins lorsqu’ils ont eu la possibilité d’accéder à des postes de responsabilités…) Il n’y a pas de président pharmacien ou dentiste. En revanche, l’université de Strasbourg-II a élu un professeur de théologie protestante. Une seule femme fait partie du ‘club des présidents’ : Mme Moret-Bailly – professeur de mathématiques à Dijon.

Plusieurs des présidents élus ont déjà donné des preuves de leurs qualités d’administrateurs dans le cadre d’activités liées à leur profession (direction d’instituts, d’organisations professionnelles…). D’autres ont eu des activités politiques : on trouve parmi eux deux anciens députés : MM. Pascal Arrighi (Toulon) et Michel Devèze (Reims) ; l’ancien directeur de cabinet de M. Edgar Faure : M. Michel Alliot (Paris-VII) ; un membre du comité directeur du parti socialiste : M. Dominique Taddei (Amiens).

C’était comme ça avant Parcoursup en Île-de-France… Le rectorat (un seul à l’époque) a défini les ‘circonscriptions géographiques’ des universités périphériques de l’académie de Paris. Les étudiants domiciliés dans ces circonscriptions sont tenus de s’inscrire dans l’université dont ils relèvent. Ceux qui habitent dans le centre de Paris peuvent s’inscrire dans n’importe laquelle des sept universités de Paris-Centre.

Un exemple pour l’université de Paris-Sud (Orsay, Sceaux). – Etudes juridiques et scientifiques. – Treizième, quatorzième, quinzième arrondissements ; communes du Val-de-Marne desservies par la ligne de Sceaux; communes du sud des Hauts-de-Seine ; communes de l’Essonne, à l’exclusion de la partie nord-est ; communes du sud des Yvelines. Toutefois des dérogations pourront être accordées pour ce qui concerne Paris-Sud et uniquement pour cette université, d’une part, aux étudiants désirant s’inscrire dans les universités de Paris VI ou de Paris VII, d’autre part aux étudiants ne relevant pas du ressort de l’université de Paris-Sud et désirant s’y inscrire.

Fini la dîme des recteurs pour les droits d’inscription. Fixée depuis des années à 95 F, la totalité des droits est désormais perçue par les universités qui affectent obligatoirement 15 francs par étudiant aux bibliothèques. Jusqu’à présent, ils étaient perçus par les rectorats et ventilés de la manière suivante : 20 francs pour le rectorat, 60 francs pour les anciennes facultés et 15 francs pour les bibliothèques. Le fait que cette mise à jour n’ait pas été déjà faite pour la dernière année universitaire a souvent mis les universités dans des situations financières difficiles.

Le défi de la (bonne) gestion des universités autonomes. Les ancêtres des actuels DGS, les secrétaires généraux, affirment qu’ils n’ont qu’une arme efficace : la publication des statistiques. Ils devaient dans les anciennes facultés appliquer strictement les dispositions réglementaires et budgétaires prises par l’administration centrale ; ils auront maintenant à gérer des universités autonomes. Ils ont dorénavant à exécuter les directives de conseils élus et fort nombreux où siègent les représentants de tous les enseignants, des étudiants et de toutes les autres catégories de personnels.

Rentrée universitaire 1971 : de début octobre à la mi-novembre. Des locaux pas prêts, des crédits insuffisants, une organisation pas optimisée en sont les raisons, surtout dans les universités littéraires comme Paris-III et Paris-IV, dont les enseignements ne commenceront qu’au début de novembre. À Paris-I et Paris-II (droit et sciences économiques), les travaux dirigés ne reprendront que le 15 novembre, deux ou trois semaines après les cours proprement dits.

Nouvelle maîtrise de sciences et techniques. Ce nouveau diplôme sanctionne une formation théorique et technologique de quatre années d’études supérieures. Il pourra vraisemblablement être complété par une cinquième année donnant à l’étudiant une formation comparable à celle d’ingénieur. Cette filière de formation a été ‘expérimentée’ depuis deux ans dans les universités de Montpellier-II, Lille-I et Clermont-Ferrand. Elle est actuellement suivie par sept cent trente-six étudiants.

L’invention des stages universitaires ? Une expérience visant à familiariser les étudiants en cours d’études avec la vie des entreprises industrielles va être tentée simultanément dans les régions de Toulouse, Bordeaux et Orléans. Lancée par le comité interministériel de la formation professionnelle et de la promotion sociale cette initiative, intitulée ‘première chance professionnelle’, est destinée aux étudiants qui, après un an ou deux d’études universitaires, se rendent compte que la poursuite de leurs études ne leur offrirait guère de débouchés.

Ces étudiants seront accueillis pendant un an dans une entreprise. Rémunérés par elle, ils pourront consacrer le quart de leur temps à acquérir une formation générale. Après cette première année de stage l’étudiant pourra soit reprendre à temps plein ses études universitaires, soit les abandonner pour entrer définitivement dans l’entreprise où il aura fait son stage.

Et les Grandes écoles ?

Le contraste avec les universités. Depuis trois ans, l »image de marque’ des grandes écoles d’ingénieurs s’est affermie. Face aux universités, elles paraissent, plus que jamais, incarner les valeurs reconnues par la majorité des cadres et des dirigeants de l’industrie française : la discipline, l’ordre ; le sens du concret et de l’efficacité, l’adaptation aux constantes et aux évolutions de l’économie. En mai 1968, les candidats ont passé leurs concours, les élèves leurs examens : les grèves ont été limitées, les directeurs ont conservé leurs bureaux et leurs téléphones, les locaux n’ont pas été occupés. Les élèves ont soumis aux autorités constituées les projets de réforme qu’ils avaient préparée.

Depuis, le calme des grandes écoles contraste avec l’agitation des universités. Les élèves réclament une participation aux décisions, avec peut-être plus d’insistance qu’autrefois, mais les grèves y sont demeurées rares, partielles et brèves ; elles n’ont jamais été ‘entachées’ de considérations politiques. On y voit peu de cheveux longs ; le vêtement y reste discret ; les dirigeants d’entreprise invités peuvent s’y rendre sans risques ; ils y seront accueillis avec politesse, au pire avec indifférence.

Cependant, des directeurs d’écoles ne cachent pas une certaine insatisfaction, et même une certaine amertume, à l’égard des pouvoirs publics et demandent, selon la formule de Nietzsche, que ‘l’on protège les forts contre les faibles’. Les universités occupant depuis deux ans le devant de la scène, ils ont le sentiment que les problèmes des écoles sont ignorés.

Les frais d’inscription des écoles de commerce déjà contestés. Les élèves de trois écoles de la chambre de commerce de Paris – H.E.C., H.E.C. jeunes filles et l’École supérieure de commerce, – protestent contre la décision de relever les frais de scolarité à partir de la prochaine rentrée scolaire. Ceux-ci passeront de 2 000 F à 2 200 F. Ceux de l’Institut supérieur des affaires de Jouy-en-Josas passeront de 5 000 à 5 200 F. D’autre part, le prix mensuel de la chambre avec petit déjeuner, à la résidence de Jouy-en-Josas, sera porté, à la rentrée 1971, de 180 à 200 F. Ces augmentations ont été décidées par la chambre de commerce en raison du relèvement des salaires du personnel et ‘en tenant compte de l’indice des 259 articles’.

Il semble, en effet, que la chambre de commerce de Paris soit attachée au principe d’un montant relativement élevé des frais de scolarité, tandis que les élèves demandent la gratuité de l’enseignement, estimant ‘qu’un nombre sans cesse croissant d’étudiants ont des difficultés à subvenir à leurs frais d’études, particulièrement élevés dans le cas de l’enseignement de la gestion’. D’autre part, les écoles consacrent 12 % des frais de scolarités payés par les élèves à l’attribution de bourses d’études. Or les élèves demandent que ce pourcentage soit augmenté.

Références

Références
1 Il ne s’agit pas d’un témoignage personnel, j’étais lycéen 🙂, contrairement à mes souvenirs des années Giscard.
2 Il est frappant de voir comment en 1971, peu d’établissements ou de disciplines échappent aux soubresauts de mai 68 et à l’agonie du maoïsme.
3 A l’époque au sein de l’université de Poitiers

Laisser un commentaire