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Dans un pays où la population, y compris universitaire, déteste ou ignore les comparaisons internationales, sauf si elles vont dans son sens, l’édition 2025 de Regards sur l’éducation (OCDE) soulève de bonnes questions sur l’enseignement supérieur. En comparant, elle pointe, ou pas, les spécificités françaises. Penchons-nous donc sur les chiffres et données en 11 questions-réponses que j’ai sélectionnées, de la réussite au financement en passant par les compétences et l’insertion professionnelle. Surprise, loin du catastrophisme ambiant, la France s’en sort plutôt bien comparativement sur quelques sujets, plutôt mal sur d’autres. De la nuance, encore de la nuance pour agir efficacement !

Dans un prochain billet, je reviendrai sur le fait qu’être titulaire d’un diplôme de l’enseignement supérieur « n’est pas toujours synonyme de compétences solides » alors que certains s’interrogent sur la nécessité de conduire les jeunes vers des études longues.

Des tendances générales

Pénurie d’enseignants dans le primaire et le secondaire ou inégalités d’accès et de réussite, les données de l’étude annuelle de l’OCDE permettent d’éviter l’auto-flagellation franco-française en montrant comment cela concerne ses 30 membres. Certes il s’agit à chaque fois d’une moyenne, avec donc des pays très différents. Mais elle cible des points faibles, potentiellement à risque, pour les pays membres et souligne le problème majeur « des compétences attendues ». Elle montre en particulier que celles en littéracie et numératie déclinent, pas seulement chez nous. Ce qui est inquiétant, couplée à la pénurie généralisée d’enseignants.

Dans cette édition 2025 de Regards sur l’éducation (OCDE), on constate des problématiques très largement partagées et pas réservées exclusivement à la France. Prenons 2 exemples. Dans les 30 pays étudiés, seuls 42 % des nouveaux inscrits en licence obtiennent leur diplôme dans le délai théorique, ce pourcentage passant à 58 % après une année supplémentaire et à 68 % après trois années supplémentaires. La France est certes en dessous, mais paradoxalement chez nous, 53 % des jeunes possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur, au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE qui est de 48 %.

L’étude pour la France approfondit ainsi ces questions, même si, parfois, le mélange entre éducation et ESR complique et la lecture et les comparaisons. Notons que l’OCDE ne reconnait pas le génie français et donc ne sépare pas enseignement supérieur et R&D : incroyable non 🤭?

11 questions-réponses

1- Les compétences en littératie et en numératie sont-elles au rendez-vous ? Non. Malgré l’amélioration du niveau de formation, entre 2012 et 2023 les compétences des adultes en littératie (compétences en lecture/écriture/compréhension de textes) et numératie (compétences en calcul/raisonnement/chiffres) ont stagné ou diminué dans la plupart des pays de l’OCDE. La baisse parmi les adultes diplômés de l’enseignement supérieur a été de 9 points (passant de 294 à 286). En France, la baisse a été plus modérée dans les deux cas : néanmoins, le score moyen en littératie des adultes diplômés de l’enseignement supérieur a diminué de 5 points (de 293 à 287). Dans l’ensemble, 13 % de ceux diplômés de l’enseignement supérieur obtiennent un score au niveau 1 ou en dessous en 2023. En France, c’est 8 %.

Pour l’OCDE, « ces résultats mettent en évidence un défi majeur : élargir l’accès à l’éducation ne suffit pas — les systèmes éducatifs doivent aussi veiller à ce que tous les apprenants acquièrent de solides compétences fondamentales. » Il faudrait pour cela « appliquer des normes rigoureuses tout en élargissant l’accès à l’enseignement supérieur. » Cela suppose de « s’adapter à un ensemble plus diversifié d’apprenants ayant des niveaux d’études et des perspectives professionnelles différents. »  Comment ? En proposant « un éventail plus large de compétences, y compris des compétences appliquées avancées. » 

2- La France est-elle un pays plus inégalitaire que les autres dans l’accès à l’enseignement supérieur ? Clairement non. Certes les inégalités éducatives persistent entre les générations mais la France ne se distingue pas négativement. En France, 75 % des 25-34 ans dont au moins un parent est diplômé de l’enseignement supérieur ont eux-mêmes obtenu un tel diplôme, contre seulement 32 % parmi ceux dont les parents n’ont pas achevé l’enseignement secondaire. Mais cet écart de 43 points de pourcentage dans l’accès à l’enseignement supérieur est similaire à la moyenne de l’OCDE (44 points).

3- Être diplômé du supérieur donne-t-il un avantage salarial plus fort en France ? Oui, clairement. Elles/ils gagnent en moyenne 54 % de plus que ceux uniquement diplômés de l’enseignement secondaire. C’est 60 % chez nous. Et l’avantage financier moyen pendant toute la durée de vie lié à l’obtention d’un diplôme de l’enseignement supérieur dépasse 300 000 US Dollars. L’avantage salarial est particulièrement important pour les titulaires d’un master ou d’un doctorat, qui gagnent en moyenne 83 % de plus que les diplômés de l’enseignement secondaire.

4- Quel est l’impact du diplôme sur l’insertion professionnelle ? Indéniable, mais plus faible en France. En moyenne, 4,9 % des jeunes adultes diplômés de l’enseignement supérieur sont au chômage dans l’OCDE. Cette tendance est similaire en France, mais à un niveau plus élevé : 6,3 % de ceux diplômés du supérieur. Cela est probablement étroitement lié aux taux de chômage des pays concernés.

5- La proportion de diplômés de master en France est-elle atypique ? Oui. En France, 26 % des 25-34 ans détiennent un master ou un diplôme équivalent, soit un niveau nettement supérieur à la moyenne de l’OCDE (16 %). Cela représente même une hausse significative depuis 2019, année où cette proportion était de 20 %. Cela relativise les cris d’orfraie à propos de la sélection en master ! Ce sujet pose surtout une question : faut-il encore plus de diplômés à bac + 5 ?

6- Les diplômés français sont-ils satisfaits ? Oui. Question en apparence curieuse mais que de nombreuses études européennes scrutent. A rebours de toutes les analyses sur le pessimisme structurel des Français, la satisfaction de vie déclarée  en France, selon le baromètre de l’OCDE, est systématiquement élevée à tous les niveaux d’éducation : 89 % des adultes diplômés de l’enseignement supérieur disent avoir apprécié la vie presque tout le temps ou la plupart du temps, contre 83 % de ceux ayant un diplôme du deuxième cycle du secondaire et 82 % de ceux n’ayant pas atteint ce niveau. Sur ces chiffres et cette enquête, je sors cependant mon joker…😳🤔

7- Y a-t-il chez nous plus de laissés pour compte dans l’accès au supérieur ? Non. La France affiche en 2024 le taux d’acceptation le plus élevé dans l’enseignement supérieur parmi 20 pays, avec 95 % des candidats se voyant proposer une place dans un programme du supérieur. Pourtant, à lire ou écouter les médias, avec la dénonciation pavlovienne de Parcoursup/Linky, on a l’impression que la France est le pire des pays…

8- Les taux de réussite sont-ils plus mauvais chez nous ? Oui. En France, seuls 34 % des nouveaux inscrits dans les universités publiques obtiennent leur licence dans la durée théorique du programme en 2023. Cette proportion atteint 46 % un an après la durée attendue. En comparaison, le taux moyen d’obtention dans les établissements publics et privés de l’OCDE est de 43 % dans la durée théorique, pour atteindre 59 % après une année supplémentaire. Mais cela reste malgré tout un problème très partagé dans tous les pays (à lire d’ailleurs dans le détail).

9- La France se distingue-t-elle au niveau des grands domaines d’études ? Oui. Dans l’ensemble des pays, les deux grands domaines d’études les plus populaires sont les sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (STIM) ainsi que le commerce, l’administration et le droit, représentant chacun en moyenne 23 % des diplômés de licence. Vient ensuite de près « le vaste domaine des arts et sciences humaines, sciences sociales, journalisme et information », qui regroupe en moyenne 22 % des diplômés. Mais la France suit un schéma différent : le commerce, l’administration et le droit arrivent en tête avec 34 % des diplômés, suivis des arts et sciences humaines, sciences sociales, journalisme et information (26 %), tandis qu’une part plus faible que la moyenne de l’OCDE est diplômée dans les domaines STIM (19 %). Un résumé saisissant des difficultés françaises ?

10- Les dépenses publiques française pour l’enseignement supérieur sont-elles dans la moyenne ? Non. Comme dans la plupart des autres pays, les dépenses publiques en France sont plus élevées dans l’enseignement supérieur que dans l’enseignement élémentaire ou secondaire, incluant il faut le préciser, la recherche et développement (R-D),  En 2022, les dépenses publiques en France s’élèvent à 14 238 USD par étudiant de l’enseignement supérieur, contre une moyenne de 15 102 USD dans l’OCDE. Rappelons que l’OCDE ne prend pas en compte l’impact du CAS Pensions : après l’IPP, c’est désormais le Conseil d’analyse économique qui met en cause les conventions comptables de l’Etat français. Peut-être un jour, syndicats de l’ESR et France Universités auront l’information 🤭.

11- Les rémunérations des personnels académiques français sont-elles faibles ? Oui, doublement. L’étude compare les rémunérations des académiques avec la moyenne de celles des diplômés de l’enseignement supérieur en France. Le personnel académique ‘junior’ (Cf la copieuse note de méthodologie !) gagne ainsi 9 % de moins que ces derniers, tandis que le personnel académique ‘senior’ gagne 28 % de plus. Mais en comparaison, les moyennes pour l’ensemble des pays répondants sont de 11 % de moins pour les juniors et de 59 % de plus pour les seniors. Si l’on prend en compte les effets négatifs du CAS Pensions, l’écart est abyssal. Rien de nouveau, mais une confirmation. Allo Bercy ?

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