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Juste après l’annonce par Édouard Philippe d’une loi de programmation sur la recherche, j’avais souligné le bras de fer qui avait commencé avec Bercy. Mais celui-ci, à la lumière de l’histoire récente n’est sans doute pas le plus important. La séparation historique dans notre pays entre universités et organismes, et surtout sa conséquence, la coupure enseignement-recherche sont des écueils autrement plus essentiels.

Commençons ce billet par une question iconoclaste : faut-il absolument faire des lois, qui sont en général bavardes et surtout dépendantes de leurs décrets d’application ? Je n’ai ni légitimité, ni qualité particulière sur ce sujet, mais le Conseil d’État a souligné en 2016 la logorrhée normative si spécifique à la France.

Ces lois sont surtout l’occasion d’un débat, parfois aussi d’un défouloir, tant pour les parlementaires que pour les acteurs concernés. Elles permettent de mesurer les rapports de force et à beaucoup de connaître leur quart d’heure de gloire, aussi vite oublié : en 2006, le député UMP Jean-Michel Dubernard (PU-PH) faisait ainsi feu de tout bois…

Pour ce qui concerne l’enseignement supérieur et la recherche, revient en permanence la question non tranchée de l’organisation du système, les places respectives des universités et des organismes. Notons d’ailleurs que le PIA, qui a bousculé les lignes de ce système a été mis en place par une loi de finances rectificative…

On se souviendra donc, à propos des lois de programmation sur la recherche (voir mon billet sur ce sujet) que la loi de 1982 de Jean-Pierre Chevènement fut suivie de celle d’Alain Savary sur l’enseignement supérieur en 1984 tandis que celle de François Goulard en 2006 fut suivie de celle de Valérie Pécresse en 2007. Ouf ? !

Quels étaient les objectifs de la loi de 2006 ? François Goulard, alors ministre délégué à l’Enseignement supérieur et à la Recherche, lors du Conseil des ministres du mercredi 26 avril 2006 expliquait les ambitions de la réforme : « renforcement des capacités d’orientation de la politique de recherche, rénovation des modes de coopération scientifique qui conféreront notamment aux universités un rôle de premier plan, incitations en faveur de la recherche partenariale et de la recherche privée ; renforcement de l’attractivité des carrières scientifiques et incitations au recrutement de jeunes chercheurs ».

Quels sont ceux de la future loi de programmation prévue en 2020 ? Dans un communiqué le MESRI souligne 3 enjeux : « garantir les moyens d’un financement efficace de nos projets, nos programmes et nos laboratoires », « veiller à assurer l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques, tant au niveau national qu’à l’échelle mondiale »,  et « consolider la recherche partenariale » pour que le modèle d’innovation français « tire le meilleur parti de la recherche publique ».

On le voit, il y a des  questions qui reviennent en permanence, comme ces films rediffusés à l’infini sur les grandes chaines de TV !

Pourquoi une loi Recherche plutôt qu’une loi de programmation ESR ?

Alors que les chiffres et les rapports (nombreux) montrent que la recherche souffre de son organisation déficiente et surtout de la faiblesse de la R&D privée, c’est curieusement la recherche publique qui est au cœur des priorités. Le retard français, qui fait l’objet d’un consensus, en matière de financements des universités aurait pu suggérer une priorité pour elles.

On peut donc s’interroger sur les ressorts d’un tel choix. J’en vois 2 principaux.

Le premier, et mes échanges avec des responsables de tous horizons me le confirment chaque jour, c’est le manque de confiance dans les universités. Leur fonctionnement, la faiblesse des mécanismes d’évaluation, de la traçabilité des financements y sont souvent pointés sans d’ailleurs que, symétriquement, le fonctionnement des organismes de recherche ne soit interrogé. Leurs divisions actuelles n’arrangent évidemment pas leur image.

Le second, c’est tout simplement l’influence culturelle dans notre pays de la déconnexion enseignement-recherche. La question de l’enseignement supérieur n’est vue qu’au travers de Parcoursup, sans comprendre comment un vivier large, comme dans le sport professionnel, est la condition d’une élite performante. Car la recherche ce ne sont pas que des moyens : c’est cette diversité des talents indispensables qui ne se résume ni à des bacs mention TB, ni à des L1 reconfigurées.

Des sujets à effet domino

Pourtant, à chaque fois, ces lois ont dépassé leur objet propre et traité de l’enseignement supérieur et de la recherche malgré l’accent mis un coup sur les organismes, un autre sur les universités. Conséquences ? Le système navigue par à-coups selon les groupes de pression.

Les thèmes des 3 groupes de travail illustrent d’ailleurs cette imbrication universités-organismes tandis que la composition des groupes et les noms des rapporteurs envoient quelques signaux : un équilibre organismes-universités (essentiellement des universités de recherche), des grandes écoles zappées (seul Eric Labaye y siègera), pas de syndicats.

Sur ces 3 thèmes, j’ai pris quelques exemples de sujets à effet domino évident sur le lien enseignement supérieur-recherche. Ce n’est évidemment pas exhaustif ? !

Recherche sur projet, financement compétitif et financement des laboratoires (Cédric Villani, mathématicien et député LREM de l’Essonne, Antoine Petit, président du CNRS, Sylvie Retailleau, présidente de l’université Paris-Saclay) : la traçabilité des financements n’implique-t-elle pas une évolution radicale des UMR ? Mais alors quid de leur pilotage et de leur tutelle ?

Attractivité des emplois et des carrières scientifiques (Philippe Berta, professeur des universités en biologie, député MDA du Gard, Philippe Mauguin, président de l’Inra, Manuel Tunon de Lara, PU-PH, président de l’université de Bordeaux) : traiter la GRH de la recherche est-il possible sans faire converger enseignants-chercheurs et chercheurs (recrutement, évaluation, régime indemnitaire, statut) ? Gestion de proximité ou gestion nationale ? Quid des écoles universitaires de recherche censées « nourrir » les écoles doctorales et les labos ?

Innovation et recherche partenariale (Isabelle Marey-Semper, docteure en biologie, ancienne directrice générale de la communication, du développement durable et des affaires publiques de L’Oréal, Amélie de Montchalin, députée LREM de l’Essonne, Dominique Vernay, vice-président de l’Académie des technologies) : ce MIT à la française, tellement à la mode, suppose-t-il que l’on confie aux universités la maîtrise totale de leur stratégie de valorisation et d’innovation ? Quid des recommandations non suivies du rapport Lewiner ?

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