Mes billets sur l’échec de la politique contractuelle et le HCERES m’ont valu de nombreuses réactions publiques ou privées, sur ce blog ou sur linkedin. Mes réactions aux commentaires notamment de Christine Musselin, Bernard Belloc, Christophe Strassel.
Christine Musselin attire mon attention, comme Bernard Belloc sur les conséquences positives de la contractualisation sur les stratégies d’établissement même s’ils indiquent partager mon constat sur les contrats eux-mêmes. Je leur laisse cet optimisme même si je n’en conteste pas les vertus pédagogiques. En tout cas, Pierre Dubois souligne justement le coût effarant du temps passé, surtout si on le ramène aux dotations !
Je crois aussi que plusieurs facteurs bien plus profonds ont joué un rôle dans cette prise de conscience, que la contractualisation n’a fait qu’entériner. Ce sont les plans U2000 et U3M de Claude Allègre qui font entrer les collectivités locales, en particulier les régions, dans l’ESR au travers de la question immobilière. Or ceci bouleverse les établissement : rénover et/ou construire pour quoi faire ? Quels lieux d’enseignements, quels bâtiments de recherche ? Quelles relations avec ces collectivités ?
Ces plans arrivent au moment où le recrutement massif d’enseignants-chercheurs, conséquence de la massification, a modifié une partie de la donne dans les UMR, débouchant sur une prise de conscience du poids et de la qualité croissante de la « recherche universitaire ».
Enfin, le développement d’une offre de formation diversifiée, répondant à une demande sociale que la réforme de 1976 avait esquissée, trouve son aboutissement dans le LMD. La LRU a donc conforté et amplifié des tendances lourdes déjà à l’œuvre en mettant au centre le projet d’autonomie des universités.
Tous les ingrédients étaient ainsi réunis pour que les établissements, sans avoir besoin d’une quelconque contractualisation, réfléchissent à leur stratégie. Il me semble qu’on a là cette tendance bien française à surestimer les procédures. L’État peut et doit avoir un rôle incitatif, mais ce qui s’est passé depuis des années à Saclay (Cf. le commentaire de Michel Bessière sur le contrat de site 2015-2019) fait réfléchir sur son efficacité !
L’ancien directeur de cabinet de Geneviève Fioraso et Thierry Mandon, Christophe Strassel est très sévère : « Comme souvent, c’est la théorie des apparences (apparence de l’autonomie, d’une vision stratégique, d’une évaluation…) qui prévaut sur le fond (une gestion avant tout contrainte par la faiblesse des moyens). »
Pas faux ! Car une véritable stratégie devrait être gagnante-gagnante. Or, et c’est là la limite, les présidents d’universités, à l’image de nombreux acteurs du système, sont tiraillés, tentés par l’autonomie mais effrayés par ses conséquences potentielles. On vient de le voir sur les frais d’inscription des étudiants étrangers extracommunautaires : le MESRI peut interpréter, avec Bercy, les recettes nouvelles potentielles comme déductibles des dotations État !
Ce qui manque c’est la confiance, qui suppose une évaluation ex post forte et sans compromis.
Osons encore 3 questions iconoclastes :
- et si la politique contractuelle, sans véritable moyens, n’était qu’une énième version de la volonté de l’administration centrale de ne pas perdre le contrôle, en freinant l’émancipation des établissements par un processus totalement bureaucratique ?
- et si les communautés universitaires qui se plaignent sans cesse de la lourdeur de la machine d’État n’y trouvaient pas un parapluie utile ?
- et si le PIA n’était qu’un mauvais compromis passé entre les différents acteurs pour contourner l’émergence d’universités réellement autonomes, jugées faibles et déficientes ?
Cela expliquerait en partie pourquoi l’on n’arrive pas à évaluer et à allouer des moyens en conséquence à des universités qui ne sont pas le cœur du système.
Je répondrais oui sans hésiter aux deux premières questions.
Pour la troisième, je ne sais pas répondre car les choses sont bien plus compliquées. Je pense que pour la partie ESR des PIA, au moins du premier, nous avons commis l’erreur de ne pas avoir davantage réfléchi et fait réfléchir dès son lancement au nouvel équilibre qui était souhaitable entre autonomie et projets impliquant plusieurs établissements, ouvrant la porte à une contradiction certaine. Mais je ne crois pas qu’il s’agissait de contourner l’émergence d’universités réellement autonomes.
Juste un mot pour terminer: tout le monde a de toute façon complètement sous-estimé à quel point la plupart des universités étaient peu préparées à assumer les conséquences d’une autonomie même très partielle, pourtant réclamée depuis des années par les présidents d’universités.
Bonjour, quand j’évoque le contournement de l’université, ce n’est évidemment pas pour parler d’un complot quelconque. Mais les élites françaises, aidées en cela par le comportement d’une partie des universitaires, estiment qu’on ne peut pas faire confiance aux universités. Et tout le système du millefeuille s’est quand même emballé à partir de la LRU, avec le PIA autour de cette contradiction : on met au centre les universités, mais la multiplication des structures périphériques les déstabilise plus qu’elle ne les aide.
Sur la question 3, le PIA est la résultante d’un combat très vieux au sein des différents gouvernements. Toutes les analyses montrent que l’ESR n’est pas assez financé. Mais Bercy considère que la répartition égalitaire qui prévaut chez tous les ministres en charge de l’ESR est innefficiente. D’où le deal, plus d’argent si et seulement si cela sert à soutenir la différenciation entre les établissements avec le recours massif à l’appel à projets généralisé.
Avec comme espoir que cela mettra en avant l’excellence.
Mais l’oubli majeur c’est que l’excellence n’est pas unique et singulière, elle est plurielle. Et réaliser cela à conduit à multiplier les appels à projets, à ne plus rien y comprendre, pour qu’in fine tout le monde soit servi !
Assez d’accord avec les réponses de Jean Michel Catin et Jean Michel Jolion. C’était intéressant que le principe du PIA ne soit pas enterré en 2012, mais il aurait été mieux qu’en même temps un mécanisme de consolidation-simplification soit mis en marche.
Ceci étant, lorsqu’on lit les échanges de courrier récents entre le MESRI et ses établissements au sujet des moyens 2019, on est tout de même assez étonné par l’illisibilité globale de l’affectation des moyens aux établissements et par conséquent la quasi impossibilité pour eux de traduire ces moyens en mise en œuvre de vraies stratégies de moyen-long terme.
Je pense que pour améliorer les choses, il faudrait:
-globaliser les moyens attribués à chaque établissement (mais combien seraient capables d’assumer; même moi je doute) et d’en gager une partie, même faible, sur des indicateurs de performance conjointement définis par les établissements et le ministère;
-attribuer tous les moyens pluri-annuellement (mais on se heurte au principe de l’annualité budgétaire, d’où ma suggestion de financer par des agences et pas directement par le ministère);
-de tout faire pour développer les ressources propres des établissements et les aider à les développer.
En tout cas le système actuel d’allocation des subventions publiques aux universités et grandes écoles, de même que le mécanisme du PIA sont arrivés au bout de ce qu’il était possible de faire sans en changer.