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Faut-il quitter X ? Méfions-nous toujours des prêts à penser ‘moutonniers’. Souvent, les bons sentiments masquent une forme d’impuissance, voire d’autres sentiments moins nobles. Peut-on se donner bonne conscience, en ignorant que la vague Trump, Musk, Le Pen, antivax et autres complotistes a des racines plus profondes qu’un réseau social ? Peut-on dédouaner les médias classiques qui nourrissent les réseaux sociaux et s’y abreuvent, l’histoire de l’œuf et la poule des fake news ? Faudrait-il aussi quitter les médias ? Mon analyse fera certainement polémique. Mais pas en 280 signes !

Au moment où les entreprises américaines, et la recherche, règnent sur l’IA, le Financial Times nous apprend qu’une start-up chinoise, DeepSeek, « disrupte » le modèle américain d’OpenAI 1« DeepSeek-V3 offre des performances comparables à celles de ses rivaux américains mieux financés, tels que OpenAI. Cette semaine, il a de nouveau impressionné avec R1, son incursion dans le domaine du raisonnement par l’IA. (…) Pour réduire leur dépendance à l’égard des puces haut de gamme provenant de l’étranger, les entreprises chinoises spécialisées dans l’IA ont expérimenté de nouvelles approches en matière d’algorithmes, d’architecture et de stratégies d’entraînement. » et d’autres. La concurrence fait rage. Et en France, le débat se polarise dans le milieu académique sur une application pour quitter X 😒…

L’avenir nous dira si quitter X est un succès ou juste un effet de manche. Plus que sa désertion, c’est le modèle économique de X qui est sa plus grande fragilité ! Mais au fond, les arguments utilisés pour quitter ce réseau sont-ils pertinents ? Car, je ne peux m’empêcher de m’interroger : n’est-ce pas une nouvelle manifestation du décrochage du réel d’une partie de la gauche et particulièrement de la ‘gauche intellectuelle’ 2Même si le mouvement HelloquitteX, se réclame  d’apolitisme (une fake news 🤭?), il est clairement engagé à gauche et n’hésite pas à y entraîner, contre son gré ou pas, le CNRS. ? N’est-ce pas une nouvelle injonction comparable à « abandonnez votre voiture, faites du vélo » ? Avec le succès que l’on connaît…et l’irrésistible ascension de Marine Le Pen.

Une démarche franco-française ?

Le choix de quitter X est en tout cas un choix personnel, comme celui d’y rester. Je comprends tout à fait celles et ceux qui à titre personnel ‘migrent ». Cependant, j’ai fais une incursion sur Bluesky 3Bien sûr, on peut être sur plusieurs réseaux : mais qui a le temps ? Je vois effectivement des universitaires qui, et ça relève d’une forme d’addiction, postent des messages de façon compulsive… J’ai une pensée pour leurs étudiants., et ce dernier réseau véhicule, comme sur X, le même flot d’injures et de polémiques, et bien entendu de comptes anonymes : je l’ai testé sur la déclaration de politique général de F. Bayrou.

Avec un élément effectivement différent de X : vous y êtes entre vous, globalement de gauche puisque le but affiché est de ne plus fréquenter les complotistes et extrémistes de droite. Le bémol, c’est que, la gauche étant elle-même fragmentée, elle comprend aussi des antivax, des complotistes, des racistes et antisémites ! C’est donc l’occasion de s’entredéchirer mais dans une autre bulle…

Observons d’ailleurs que, pour le moment, cette démarche semble très franco-française. Curieux pour des scientifiques non ? Il suffit de parcourir X : enseignement supérieur et recherche, actualité internationale (Trump, Nord Kivu, Argentine, Syrie, Gaza, Soudan, guerre en Ukraine etc.) ou mes goûts personnels (musique, art, rugby) y ont toujours omniprésents. X reste une gigantesque source d’informations et de formation. Même l’immense majorité des députés reste sur X, y compris M. Tondelier et LFI. Et le monde entier, en Afrique, en Asie etc. n’est pas au courant d’HelloQuitteX

Chacun sait que toutes les institutions qui quittent X vont maintenir en cachette une veille … un peu comme les puritains qui regardent des sites interdits 🤭.

Des questions nombreuses

Lutter dans une ‘bulle’ ? « Il faut quitter X, pas en phase avec nos valeurs » : je partage la volonté de lutter contre la désinformation, l’extrême droite etc, ce que les algorithmes à la sauce Musk favorisent. Mais faut-il créer une bulle dans laquelle ne se retrouveront que celles et ceux qui partagent les mêmes idées ? Faut-il envisager une plate-forme pour chaque courant de pensée ? Peut-on d’ailleurs être pour la liberté d’expression sauf pour les fous, les platistes, les irrationnels, les désinformateurs, etc. ? Veut-on faire comme Trump qui a son propre réseau Truth ?

Interdire ? Je passe sur l’idée qui consisterait à interdire ce réseau, à l’instar de la Chine ou du Myanmar ! Pourquoi pas demain interdire le contenu de tel ou tel média parce qu’il est détenu par un milliardaire de droite extrême (Vincent Bolloré), ou par un multimillionnaire de gauche (Matthieu Pigasse qui veut mettre les médias qu’il contrôle « au service d’une conception ouverte du monde, progressiste ») ? Faudrait-il interdire un média qui, par exemple, fait l’impasse sur un conflit meurtrier (Soudan) pour en privilégier un autre (Gaza) ? Ou un autre qui ne met en avant que certains faits divers pour relier insécurité et immigration ? Laissons la justice faire son travail, s’il y a lieu.

Polémiquer ou s’informer et débattre ? Le fonctionnement de X n’oblige pas en effet (pour l’instant) au complotisme et à la haine ! Selon D. Chavalarias, l’un des fondateurs d’HelloQuitteX, on ne pourrait voir que ce qu’Elon Musk veut que nous regardions. Sérieusement, c’est une caricature d’universitaire vivant dans sa bulle et dans un monde parallèle !!!!  Je fais une veille informationnelle sur X, publie peu sinon pour la promotion de ce blog. Et globalement le conspirationnisme poussé par les algorithmes, ou les insultes, je les vois si j’en ai envie, mais n’en suis pas destinataire.

Pour une raison : j’ai mes listes d’abonnements et de thèmes. Et puis même s’il n’y a plus de modération, il y a les notes de communautés : en sont ‘victimes’ les antivax, les complotistes, les ‘platistes’ mais aussi des ONG environnementales, des femmes et hommes politiques de droite et de gauche, des médias de droite et de gauche. Le Fact checking n’est pas interdit sur X, alors qu’une chaîne de TV va toujours traiter une semaine après la fake news (si elle la traite !), ce qui est débunké rapidement via les notes de la communauté, à l’image de ces scientifiques qui y corrigent toutes les fake news venant de tous les bords, en particulier sur les vaccins 4Doit-on rappeler que EELV soutient un prix Michèle Rivasi, aujourd’hui décédée, complotiste et antivax notoire ?.

Démission, désertion, duplicité

Démission. Alors, faut-il laisser l’espace numérique au rouleau compresseur de haine et désinformation d’une puissance sans précédent comme le dit l’historien @andreloez … sur X ? Le rôle des intellectuels et scientifiques est-il  d’abandonner ce terrain « pour créer une bulle et avoir encore moins d’influence sociale » ? C’est la raison pour laquelle, alors que l’offensive contre la science redouble aux États-Unis, mais pas que, il est consternant que l’Institut Pasteur quitte X et délaisse ce combat contre les antivax. Faut-il chercher à convaincre les convaincus ?

Désertion. Au-delà de raisons pratiques (information des étudiants, alertes diverses etc.), les institutions d’enseignement supérieur qui devraient occuper une place centrale dans la lutte contre la désinformation, peuvent-elles déserter ? Qu’est-ce qui motive le choix des universités de quitter X ? Les connaissant bien, c’est comme d’habitude une absence de réflexion sur leur usage de X, de prétentieux coups de com, et une faiblesse politique avec la peur de déplaire. Cette désertion, c’est l’inverse du nécessaire courage.

Duplicité. Que feront en effet les institutions françaises de l’ESR, absentes de X alors même que les principales universités étrangères y restent, ou l’EUA, ou l’Union européenne etc. ? Que vont-elles faire pour leurs étudiants et leur environnement qui y restent ?

Mais admettons que X disparaisse. Tik Tok, instagram, Facebook, Twitch, Whatsapp etc. toutes ces plateformes incarnent aussi le diable des algorithmes et des stratégies d’influence, celles des libertariens américains, du PC chinois etc. Et les alumnis sur Facebook ou Linkedin ? Vont-elles tout quitter parce qu’il s’agit des Gafam qui font alliance avec Trump ? Bref, on sait comment va se terminer : ces ligues de vertu vont, comme leurs historiques prédécesseurs qui lisaient des revues interdites en cachette, continuer à utiliser X sans le dire évidemment.

Indignations sélectives

C’est sans doute la chose la plus dérangeante, que j’observe en permanence dans le monde universitaire : de grands principes et des comportements au quotidien qui rappellent plutôt certains puritains américains !

Amnésie collective. Ainsi, les dénonciateurs de X sont frappés d’amnésie sur ce qui se passait avant le rachat par Musk et son alliance avec Trump. Il faudrait décerner un brevet de respectabilité à Tik Tok, Facebook, Instagram etc., en occultant les dérives de ces plateformes dites ‘alternatives’ avec leurs algorithmes, l’utilisation des données personnelles, les comptes anonymes et le complotisme à tous les étages etc. ? Et qui utilise le moteur de recherche français Qwant supposé « vertueux », mais complètement nul 5Essayez de faire une recherche sur le site du Monde 😒 ! ?  Et faudrait-il recommander d’acheter Apple parce que son PDG Tim Cook semble prendre quelques distances avec D. Trump ? Absurde !

Tartufferie. Je n’ai d’ailleurs pas souvenir que l’indignation ait été la même quand les armées de Poutine ont envahi non seulement l’Ukraine mais aussi X/twitter avec des trolls ou quand Facebook a été utilisé à grande échelle par le GRU/FSB pour faire battre Hillary Clinton. D’ailleurs, qui demande d’interdire ou quitter Wikipedia parce que de nombreuses pages sont « trollées » par des groupes spécialisés ?

Depuis quand en effet la diffusion d’idées nauséabondes, les fake news sont-elles l’apanage de x/twitter version Musk ? Croit-on vraiment qu’avant son arrivée cela n’existait pas ? Croit-on vraiment que les médias sont exempts de tout reproche, en particulier en France ? Le pompon, c’est le journal Le Monde : il quitte X mais passe un accord avec OpenAI ! 

Postures et coups de menton

En France, on aime les combats radicaux … mais jusqu’à une certaine limite. Les milieux intellectuels, la plupart du temps d’origine déjà favorisée, s’indignent du séparatisme scolaire mais envoient leurs enfants dans le privé ou contournent la carte scolaire, dénoncent la sélection à l’université mais se précipitent pour conseiller à leurs enfants les petites et grandes écoles. Et bien sûr pointent les inégalités sociales dans l’enseignement supérieur tout en refusant de toucher à un système qui donne 2 fois plus aux familles privilégiées.

Et donc, il faut expier ce sentiment latent de culpabilité. Comment ? Avec cette spécialité bien française : la posture. On en a d’ailleurs un exemple affligeant avec le cinéma français et ses actrices et acteurs signataires permanents de pétitions. Mais elles/ils sont incroyablement silencieux sur Bolloré, Canal + les finançant largement... On se dope aux effets de manche et à l’euphorisant du verbe. Avec le résultat que l’on connait, une impuissance qui nous conduit lentement mais sûrement à l’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen.

Quand l’un des fondateurs d’HelloQuitteX affirme dans Libération que « C’est nous qui donnons son pouvoir à Elon Musk. On peut le lui retirer », on hésite entre la bêtise ou le « melon » du personnage, peut-être les deux. Musk et Trump vont trembler c’est sûr ! C’est malheureusement habituel chez de nombreux ‘intellectuels’ en mal de reconnaissance.

Médias : l’excuse Bolloré

Au fond, toute cette effervescence micorocosmique pourrait nous fait oublier la question essentielle : ce sont les médias classiques qui se sont alignés sur le complotisme et les visions apocalyptiques. La copie ne valant pas l’original, la perte de confiance des Français dans les médias se traduit désormais par la quête d’informations sur les réseaux sociaux, quels qu’ils soient.

Croit-on sérieusement qu’il n’y aurait que les médias Bolloré pour véhiculer des thèses complotistes ou extrêmes, et entretenir les peurs ? C’est une vaste blague ! De fait, fake news et positions anti science ont envahi l’espace public : les « bonnes » librairies françaises alignent nombre d’ouvrages complotistes ou anti-sciences, car l’imprimerie peut aussi désinformer.

Les complotistes des réseaux sociaux, lorsqu’ils ont atteint une visibilité suffisante, passent dans les médias classiques, qui les « valident » et les font passer à une plus grande échelle. Et pas seulement sur les chaines d’information en continu. J’éviterai donc la litanie des fake news relayées par les médias dits ‘respectables’, leur propension à toujours jouer sur les peurs (ah les alertes du Monde qui donnent envie de se jeter dans la Seine !), en résumé des visions apocalyptiques … que ne dénierait pas Trump.

Le service public, qui assume à bas bruit son positionnement à gauche ne laisse pas sa part aux chiens. Rien que ces derniers jours, on a une photo truquée d’O. Scholtz/A. Barbok reprise sans vérification sur le service public, France Bleu Auvergne qui publie, sous l’influence d’une militante antivax d’extrême droite, une information fausse, sans vérification, sur le lien maladie de Charcot-vaccin anti Covid, la radio faisant son mea culpa et dépubliant son article. Et on le sait, la grande Prêtresse du service public Léa Salamé l’avait déjà théorisé sur Kombini: « Mon obsession c’est pas d’aller chercher et déceler la vérité, c’est qu’il y ait un ‘moment’ et que l’auditeur soit surpris. » Après son « moment de grâce » face à N. Hulot.

Réseaux sociaux et médias : l’œuf et la poule des fake news

Deux exemples récents sont révélateurs, de deux bords opposés des sources de fake news : Marine Tondelier qui affirme sur une chaine d’infos qu’il y a eu 800 000 morts à Gaza, sans que le journaliste ne la corrige. Un tweet sur X de la chaine avec l’extrait, une note de communauté rétablissant les faits, et Marine Tondelier doit s’excuser sur…X de cette fausse information diffusée sur une chaine TV.

Quant à Jean Quatremer, correspondant européen de Libération, chroniqueur LCI ‘24h Pujadas’ et ‘Arte 28’, il affirme sur LCI, toujours sans être corrigé, que « la France diplôme chaque année quasiment autant de sociologues que le reste de la planète. » Diantre ! Alors que le nombre d’inscrits en sociologie-démographie est selon data ESR, de 24 064 inscrits en 2023 (moins qu’en 2019, 24 802) en sociologie-démographie… Quand LCI relaie tout ceci sur X, est-ce la faute de Musk ? Sous une forme certes plus policée, le commerce permanent de la peur et du buzz distille son venin, exactement comme Trump/Musk le font.

Le Monde n’est pas en reste avec une rubrique science qui est le refuge des ‘peurs millénaristes’ (jusqu’à faire la promotion de l’anthroposophie) tandis que France Television, Radio France, Mediapart ou le Canard Enchaîné diffusent sans vergogne des informations fausses sur le nucléaire ou la pureté de l’eau, toutes démenties par les scientifiques. Un dernier exemple tout récent : Le Canard affirme que « l’eau du robinet est assaisonnée de tritium, de l’hydrogène radioactif rejeté par les centrales nucléaires. Une pollution que les usines de traitement d’eau potable n’arrivent pas à éliminer. » François-Marie Bréon, physicien-climatologue à l’ENS-PSL, doit rappeler que les concentrations mesurées sont 100 fois inférieures au seuil de potabilité ! Et que le tritium est présent naturellement partout… Alors, faudrait-il aussi quitter les médias ?

Références

Références
1 « DeepSeek-V3 offre des performances comparables à celles de ses rivaux américains mieux financés, tels que OpenAI. Cette semaine, il a de nouveau impressionné avec R1, son incursion dans le domaine du raisonnement par l’IA. (…) Pour réduire leur dépendance à l’égard des puces haut de gamme provenant de l’étranger, les entreprises chinoises spécialisées dans l’IA ont expérimenté de nouvelles approches en matière d’algorithmes, d’architecture et de stratégies d’entraînement. »
2 Même si le mouvement HelloquitteX, se réclame  d’apolitisme (une fake news 🤭?), il est clairement engagé à gauche et n’hésite pas à y entraîner, contre son gré ou pas, le CNRS.
3 Bien sûr, on peut être sur plusieurs réseaux : mais qui a le temps ? Je vois effectivement des universitaires qui, et ça relève d’une forme d’addiction, postent des messages de façon compulsive… J’ai une pensée pour leurs étudiants.
4 Doit-on rappeler que EELV soutient un prix Michèle Rivasi, aujourd’hui décédée, complotiste et antivax notoire ?
5 Essayez de faire une recherche sur le site du Monde 😒 !

2 Responses to “Quitter X ? Une injonction qui interroge”

    • Merci, oui j’ai vu le papier de Nature : il faut être prudent même s’il est probable que les communautés académiques soient plus favorables à Bluesky (Nature précise également que son sondage n’est pas statistiquement représentatif de ses lecteurs ou de la communauté scientifique au sens large). Admettons surtout qu’aucune plateforme n’est « vertueuse » sur les algorithmes, le complotisme et/ou le RGPD etc. etc. Observant Bluesky et X, ce dernier réseau me semble permettre toujours une ouverture sur le monde, pas seulement académique, qu’on ne trouve nulle par ailleurs.

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