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Puisque le président de la République a annoncé un grand débat, suite au mouvement des “gilets jaunes”, je vais apporter ma contribution concernant un point particulier de l’ESR. Tout le monde est d’accord : les salaires des enseignants-chercheurs et chercheurs dans notre pays sont déconnectés de leur niveau de qualification. Mais c’est surtout leur régime indemnitaire qui a décroché. Alors je propose modestement un cadeau de Noël. Suivez-moi… 

On parle toujours de la compétition internationale et des salaires des chercheurs à l’étranger. L’attractivité des carrières demeure le point noir de l’ESR en France, quasiment le seul point qui n’a pas vu de changements significatifs. Or, ce que l’on oublie, c’est que leurs rémunérations ont été “déconnectées” des autres catégories comparables de la fonction publique.

Le rapport Rémy Schwartz, dès juin 2008, alertait sur ce point, par exemple comparativement aux magistrats. La différence se fait essentiellement sur le régime indemnitaire : selon le bilan social du MESRI, la part des primes et indemnités dans le salaire brut s’établit en moyenne à 22,5 % pour les fonctionnaires. Les enseignants-chercheurs sont en-dessous avec un taux moyen de 17,4%.

Mais si l’on compare avec les catégories comparables, à savoir A+, selon les informations que j’ai pu recueillir, ils sont complètement distancés car la moyenne y est de…61,3% ! Pire, au CNRS (chaque EPST a son propre régime), le taux moyen de primes n’est que de 5%.

Le tableau des primes de la fonction publique révèle donc des inégalités incroyables (on connaît l’histoire des primes de Bercy que même la Cour des comptes a du mal à documenter…), mais aussi de l’ESR, selon la tutelle ministérielle.

Des pistes possibles ?

En cette période de Noël, il semble que l’ESR ne sera pas à la fête budgétairement. Dans un pays qui n’en a jamais fait une priorité, les marges de manœuvre sont faibles. Une manifestation étudiante ? Un plan social. Une manifestation d’agriculteurs ? Des aides nouvelles. Etc. Une manifestation d’enseignants-chercheurs ? Ça n’existe pas, car il est plus facile d’inciter ses étudiants à le faire. Mauvais calcul, car ces derniers ne demanderont jamais une revalorisation de leur régime indemnitaire ? !

N’étant pas en charge des revendications de ces catégories de personnel ?, je remarque seulement que malgré tous les discours la France est décrochée (voir infra). Les viviers de doctorants s’assèchent et la jeune génération commence à être tentée d’aller voir ailleurs, dans le privé ou à l’étranger.

Quant aux “stars” recrutées, elles ont du mal…à rester. De nombreux hauts responsables sont en privé très pessimistes sur une politique d’attractivité qui va bientôt voir les jeunes entrant dans la carrière pas loin du fameux Smic.

Comme j’ai le droit de rêver, j’imagine un alignement de l’ESR sur les autres ministères, ce qui serait au passage un coup porté aux corporatismes divers. Et puis des gains potentiels d’efficience existent, qui pourraient gager ce coût budgétaire.

D’un côté on a la réduction du millefeuille, la suppression des doublons ou encore la simplification. Sans parler, j’y reviendrai prochainement, du coût colossal de la dualité de statut avec des chercheurs qi n’enseignent pas. Confions à des chercheurs le soin de chiffrer ce coût !

De l’autre, même si 2 études sont en cours sur l’efficacité réelle du Crédit d’impôt recherche, il est évident qu’au minimum des ajustements s’imposent. Idem pour le système de soutien à l’innovation qui a montré toutes ses limites.

Vous voyez, j’ai commencé à trouver des solutions ? !


Dans le rapport de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur l’évaluation du financement public de la recherche dans les universités (Danièle HÉRIN, M. Patrick HETZEL, Amélie de MONTCHALIN)

“Concernant les personnels, l’autre élément marquant est la faiblesse relative de la rémunération des chercheurs statutaires français par rapport aux autres pays, confirmée par plusieurs exercices de comparaison, même si l’ampleur de l’écart varie avec la méthodologie retenue. Par exemple, la comparaison réalisée pour le compte de la Commission européenne (enquête EKTIS) montre qu’un maître de conférences (rang 3) percevait en 2011 un salaire annuel brut d’entrée de 21 711 euros (en parité de pouvoir d’achat), soit 63 % du salaire d’entrée moyen perçu par les chercheurs en Europe et dans les pays de l’OCDE. Le salaire maximum auquel peut prétendre un chercheur en France (46 056 euros) correspond à 91 % du salaire annuel maximal moyen européen et à 84 % du salaire maximal moyen des pays de l’OCDE.”

4 Responses to “Chercheurs/enseignants-chercheurs : les perdants du régime indemnitaire”

  1. Oui pour revaloriser les salaires ds l’ESR mais attention au système des primes qui est aussi un attrape couillon car pas de cotisation à la retraite!
    Et en tant que retraité je peux témoigner de la chute occasionnée entre des revenus constitués de salaires et primes et la retraite. Mais bon je ne vais pas me plaindre qd on voit la situation de nombreuses personnes comme le montre le mouvement social en cours.
    D’une façon générale c’est tout le système de primes de la fonction publique qu’il faut revoir.
    Pour l’anecdote regardez ce qui se passe en interne au CNRS entre les catégories chercheurs et ingénieurs: pour arriver à des revenus équivalents sur des fonctions comparables les ingénieurs ont un salaire plus faible et de bcp mais des primes bien plus fortes!! Pourquoi ce double système stupide? Au CEA pas le même souci par exemple! Pour comprendre il faut remonter assez loin et voir le choix de certains syndicats!

    • Je montre simplement qu’au sein de la fonction publique, le régime indemnitaire est désormais totalement en défaveur des chercheurs/enseignants-chercheurs.

  2. Il y a encore des jeunes qui veulent faire enseignant-chercheur ou chercheur ? C’est surprenant ! Pourquoi de très longues études pour être recruté à plus de 35 ans en moyenne, et pour un salaire d’employé. Il faut être maso !

    Les primes, ce n’est pas important. Ce sont la valeur du point d’indice et son évolution qui le sont. La dégradation du pouvoir d’achat depuis 50 ans est phénoménale et bien sûr irréversible.

    Je suis recruté au CNRS en octobre 1969 ; j’avais 25 ans. Mon salaire mensuel net : 3 fois et demi le SMIG de 1968 après les grèves (500 francs).

    Quand on parviendra en universités_2024, ce sera encore pire qu’aujourd’hui. On n’a même pas besoin de parier !

  3. Par parenthèse, ce sont tous les salaires dans l’éducation nationale (de la maternelle à l’université, pour reprendre un vieux slogan syndical) et la recherche qui sont en France nettement en dessous de leurs niveaux dans les pays comparables, notamment en Europe, comme le montrent toutes les comparaisons internationales (au moins en termes de salaires de début; il faudrait voir sur toute une carrière).
    Comme l’a montré Robert Gary Bobo il y a quelques années dans une étude très bien documentée, il y a toujours eu en France un arbitrage en faveur du nombre de postes créés dans l’éducation nationale, au détriment du niveau des rémunérations. A tous les niveaux. Grave erreur dont nous payons aujourd’hui le prix en termes d’attractivité des métiers d’enseignement. Le statut de la fonction publique, qui de facto rend quasi impossible tout glissement indiciaire d’une catégorie de personnels sans ajuster toutes les autres n’y est tout de même pas étranger. Appelons tout de même un chat un chat!

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