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Le choix d’un mot à la place d’un autre n’est jamais neutre. Alors que les hôpitaux font appel à des personnalités qualifiées, comme d’ailleurs le CNRS, pourquoi les universités françaises les nomment-elles personnalités extérieures ?

Vous avez dit personnalité qualifiée comme dans les conseils de surveillance des hôpitaux (les anciens CA) ? Non, l’enseignement supérieur se distingue par un mot et un concept différent. Tant la LRU de 2007 que la loi Fioraso de 2013 ont maintenu le mot personnalité extérieure.

Il doit bien y avoir quelques raisons que je vais essayer de vous faire découvrir !

Extérieur à quoi ? Si l’on est extérieur, c’est toujours par rapport à quelque chose. Cette formule ne définit-elle pas en creux le fonctionnement universitaire, tourné vers lui-même, consacré constitutionnellement par la reconnaissance de l’indépendance des enseignants-chercheurs ?

L’argument majeur est que la recherche ne peut être régulée que par les chercheurs eux-mêmes. Et il est vrai que c’est le modèle dominant dans le monde entier, celui de la liberté scientifique.

Avec un bémol car un Conseil d’administration ne s’occupe pas que de science, et d’ailleurs souvent très peu de la science directement, mais plus des statuts, des moyens, des postes etc.

Derrière ce substantif “extérieur” qu’aucun législateur n’a voulu remplacer, se dessine donc une approche de la gouvernance, celle des universitaires par les universitaires.

Notons cependant que, depuis 1968, elle a été bien entamée, avec la représentation des Biatss et des étudiants, mais toujours dans une relation de communauté, les proportions de représentation des uns et des autres variant selon les lois.

Or ce modèle n’est pas un modèle unique, la “société civile” jouant un rôle beaucoup plus important dans d’autres pays (les “boards anglo-saxons”), le Sénat académique étant l’organe propre des universitaires.

Des personnalités extérieures pas qualifiées ?

Ces personnalités extérieures peuvent être des syndicalistes, des chefs d’entreprises, des proviseurs. Notons au passage que la loi range les collectivités territoriales…et les organismes de recherche parmi elles.

Mais ne pas leur reconnaître de jure la qualité de “qualifiée” (le mot qualification signifiant beaucoup chez les enseignants-chercheurs ? !) jette un doute sur leur légitimité à s’intéresser aux affaires universitaires : comment comprendre ces dernières si l’on est extérieur ?

C’est bien d’ailleurs la difficulté à laquelle sont souvent confrontés les services administratifs, chargés comme ailleurs dans les services de l’État de faire respecter quelques règles, procédures pas toujours agréables et parfois compliquées.

Vous me direz, le chercheur est aussi souvent extérieur…aux règles et formalités.

Un peu comme le “cher(e) collègue”, la “personnalité extérieure” est un totem universitaire qui reflète une époque en grande partie révolue.

Il reste que ces personnalités doivent se sentir vraiment extérieure au vu de la teneur des débats de certains CA ? !

One Response to ““Personnalité extérieure” : le mot qui veut dire beaucoup”

  1. Bonjour,
    je profite de ce billet (ancien) pour une question: d’un point de vue juridique, qu’appelle-t-on une personnalité extérieure ?

    Suffit-il de ne pas être agent de l’établissement ?
    (alors un chercheur d’une unité de recherche mixte pourrait être considéré comme personnalité extérieure ce qui semble abusif).

    on a aussi cette notion d’extérieur pour les comités de sélection. C’est étonnant de voir qu’on peut y nommer des personnes membres du laboratoire dans lequel on fait le recrutement à condition qu’ils ne soient pas agents de l’établissement recruteur.
    cordialement
    Pascal Petit

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