Le titre de la thèse du gagnant grenoblois de MT180s (« la mesure de la propagation des ondes sismiques dans la terre », et plus particulièrement « l’approche eulérienne de l’équation de Hamilton-Jacobi par une méthode Galerkin discontinue en milieu hétérogène anisotrope ») est vraiment d’une simplicité biblique par rapport au système français d’ESR. Cette superbe opération de promotion de l’ESR français se heurte toujours au peu d’appétence des élites françaises pour la recherche mais aussi à son inextricable organisation qui empêche la France de faire émerger rapidement ses champions.
Le succès remarquable de Ma Thèse en 180 secondes (organisée par CPU-CNRS) est une promesse tenue de stratégie offensive en direction de la société. On peut en tirer une première leçon : les jeunes doctorants secouent les labos, souvent aussi leur directeur/rice de thèse, et donnent une image rénovée de la recherche, accessible et efficace. Ils contribuent à des dynamiques internes, à une forme d’émulation.
Mais on peut en tirer une seconde : ce dynamisme et cette énergie contrastent avec un système illisible et risquent de s’y perdre. Rien ne va dans le sens de sa simplification comme en témoigne ce schéma de la Cour des comptes à propos de la valorisation de la recherche et du PIA. Et ce n’est que la valorisation…
Un succès remarquable pollué par le grand bazar institutionnel français
3 mn pour expliquer la science, mais l’infini pour expliquer l’ESR français ! Rapport après rapport, la stratification du système est pointée. Ma Thèse en 180 secondes n’y échappe pas.
Un exemple : ce tweet du CNRS Alpes @CnrsAlpes : #MT180 Félicitations à Philippe Le Bouteiller en thèse @u_grenoblealpes au laboratoire ISTerre (@CNRS @UGrenobleAlpes @Univ_Savoie @ird_fr @Ifsttar) qui emmène une fois de plus #Grenoble en finale internationale !!! RdV avec @PhilLebout le 27 sept à Lausanne !! Et il manque la Comue…
C’est évidemment la même chose pour quasiment tous les participants. Dans ce contexte, le vœu du gagnant Philippe Bouteiller (« Les enjeux de la recherche doivent être partagés avec le grand public ») est un immense défi ! Chez les Québécois ou les Suisses, c’est plus simple, il y a l’université, point barre…
Pourquoi cette dérive ?
Tous les acteurs conviennent pourtant que ça ne peut pas durer : le grand public, les entreprises et encore moins les PME, les universités étrangères, personne ne comprend notre système.
Pourquoi fondamentalement a-t-on laissé dériver un système générant des dizaines de structures sur l’ESRI ?
La première raison c’est ce génie français de la technostructure (même les écoles ne peuvent y échapper).
La deuxième c’est surtout une stratégie implicite : puisque les universités ne sont pas à la hauteur (en recherche, en matière de gouvernance etc..), bâtissons des structures autour pour les contourner !
Les organismes de recherche devaient se coordonner entre eux et avec les universités sur des thématiques ? On crée des alliances de recherche qui sont un échec patent. Les dispositifs d’innovation et de valorisation ? Illisible au sens littéral du terme (cf. le schéma supra), ils donnent le tournis. Tout est organisé non sur des logiques de projet mais sur des logiques de structures.
Tous ces schémas pouvaient s’entendre à un moment où les universités végétaient sous la coupe d’un ministère tout puissant. Pourquoi des universités autonomes devraient-elles à chaque fois composer avec entité juridique nouvelle ? Regardons le Technion, le MIT, Stanford mais aussi l’EPFL ! L’émergence de marques universitaires, classées et qui cherchent à construire une image forte, n’est plus compatible avec ces myriades de structures.
Qui est capable d’expliquer en 180 secondes la différence entre Satt, Saic, incubateurs, Instituts Carnot, les IRT etc. ? Les lauréats 2018 MT180s ont en tout cas ce talent ! Mais je crains qu’il leur faille 80 jours pour en faire le tour.
Laisser un commentaire