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Qui n’a pas de tics de langage, ne pratique jamais la langue de bois ou n’utilise que rarement les poncifs de l’enseignement supérieur et la recherche jette la première pierre ! Je profite des (futures) vacances pour remuer un peu le couteau dans la plaie. Sans doute pourrait-on faire la même chose dans tous les secteurs, mais en écrivant ce papier, j’ai quand même l’impression que cela nous dit quelque chose sur l’ESR français. Diantre, un peu de créativité : on a l’impression de lire la réclame des années 50 ! 

Pour connaître (je la raconterai un jour !) l’histoire de la naissance des acronymes barbares en ex (idex, labex etc..), caricaturés désormais en bidulex, ce qui est le plus frappant c’est comment ils ont essaimé. Désormais on a algorithme ?.

Car si les mots ont un sens, ce que j’observe dans l’ESR, c’est l’usage d’un vocabulaire somme toute assez restreint, sauf en matière d’acronymes. C’est donc un défi insensé pour rendre compréhensible cette avalanche de sigles !

Ce que nous dit la langue de bois dont je donne quelques exemples, c’est l’expression d’un discours auto centré : autant la langue de bois et les poncifs des pouvoirs publics relèvent d’une stratégie de communication (peu efficace par ailleurs), autant la langue de bois universitaire exprime la difficulté à se tourner vers les autres, notamment l’opinion publique (étudiants, parents, entrepreneurs, médias, politiques etc.). On pourrait d’ailleurs dire la même chose de la langue de bois syndicale !

Résultat, côté universités, un territoire sémantique endogame, à destination d’initiés, ou, ce qui revient au même, complètement désuet et administratif.

Côté Business schools, on ferait bien de s’interroger sur les outrances marketing, qui à force de répétition, dégagent une image de superficialité : l’utilisation permanente de superlatifs ne change pas le réel.

Dans les 2 cas, on ne soupçonne pas je crois la capacité qu’a le lecteur quel qu’il soit à décoder la vérité implicite des messages délivrés. Dire en permanence, comme le font les universités ou les écoles qu’elles sont de haut niveau, d’excellence, innovante, optimisées etc., est totalement contre-productif : c’est un peu comme la Petite musique de nuit dans les aérogares, une fois oui, à la dixième écoute vous maudissez même Mozart !

C’est de la réclame des années 50, à l’heure où l’obésité informationnelle exige de l’originalité et un ton différents.

Je vous propose un petit tour d’horizon, non exhaustif évidemment !

Un rappel de la période Allègre

Il y a surtout les modes, qui évidemment sont remplacées par d’autres, mais qui génèrent leur lot de mots et d’expressions. Avec Claude Allègre, en plus du mammouth, des mots nouveaux font leur entrée par exemple rénovation, matière grise, nouvelles technologies, puis TICE. On les retrouve partout, tout le temps dans ses discours, ses communiqués, ses conférences de presse. Et ils vont essaimer ! Côté université à époque, on mutualise à tout va, avec l’Amue.

En 1998, il y avait déjà un Plan social étudiant (PSE),  tandis que la formation continue devait « prendre davantage de place dans les universités ». Et il fallait déjà  « relancer la politique contractuelle en donnant davantage d’autonomie aux universités. »

La langue de bois ministérielle

Ce qui est bien avec les pouvoirs publics, c’est que la langue de bois est pérenne. Le grand classique de l’effet d’annonce se conjugue souvent, sans aucune évaluation bien sûr, avec des formules suffisamment vagues pour perdre des journalistes déjà pas trop au fait des sujets :

  • coordination interministérielle quand le MESRI se fait doubler par Bercy ou la Santé ;
  • feuille de route pour le énième rapport sur le même sujet ;
  • plan pluriannuel, donc évidemment peu vérifiable, même la Cour des comptes peine à s’y retrouver ;
  • vagues de contractualisation dans lesquelles on peut se noyer, et surtout dont on ne tire jamais les conséquences des (éventuelles) évaluations.
  • plan étudiant, un must : dès 1998, Claude Allègre en annoncé un, et tous les ministres qui ont suivi ont succombé à cet exercice très fructueux en retombées médiatiques : il faut toujours réduire la « précarité étudiante » et faire que les étudiants soient en bonne santé.

Enfin, cette langue de bois ne serait rien sans l’annonce de « dispositifs » (donc des tonnes de bureaucratie probablement) pour mettre en œuvre de « nouveaux défis » (ils sont toujours nouveaux évidemment) qui feront « sens » dans « l’écosystème ».

La langue de bois des établissements

L’âme de l’établissement. Ancré dans l’Histoire, il favorise les synergies, anticipe les évolutions du monde tandis que dans son rapport au territoire, il est toujours au cœur de la cité. Il dispose d’ailleurs souvent d’un lieu emblématique.

La gestion quotidienne. On optimise, façon de dire qu’un problème est géré en dépit du bon sens. Et souvent pour optimiser, il faut construire des pôles de référence en France et à l’international, bien sûr en mutualisant.

Les formations. Concernant l’investissement pédagogique, il est indispensable de le valoriser, sous entendant ainsi que les profs ne s »occupent pas beaucoup de leurs étudiants. Il faut d’ailleurs rendre les parcours plus lisibles, ce qui signifie que en fait c’est le grand bazar.

Les formations sont évidemment de haut niveau parce qu’elles offrent de nouvelles opportunités. Mais attention : il faut se les approprier.

La recherche. Il est nécessaire de souligner l’importance de la recherche qui est toujours d’excellence, et, encore mieux, reconnue, car évidemment de très haut niveau. Le problème c’est qu’après, lorsque l’on parcourt les sites web des universités, l’organisation kafkaïenne et l’entrée par structures vous refroidit illico.

Les mots à toutes les sauces. Tout le monde est tellement innovant qu’à force de l’utiliser on a envie d’être conformiste. Une université conformiste, ça serait innovant non ? Le suffixe Tech, c’est le jackpot avec la French Tech  et ses déclinaisons, mais aussi CEA Tech, la Deep Tech etc.

Le mot à la mode. Désormais, plus d’étudiants, plus de salariés en reconversion, mais des apprenants. A croire qu’avant on désapprenait.

Les arguments imparables. C’est la tarte à la crème des ministres, premiers ministres et présidents : l’injonction est de devenir le Harvard de, le MIT de, le Stanford de.

Les plus pointus (les ministres) vont parler plus souvent de l’EPFL, du Technion, parfois de Singapour. Mais le miracle coréen, mal connu, est rarement utilisé comme référence. Pour dire l’absurdité communicante, on voit même des communiqués annonçant que 2 ou 3 étudiants d’une université américaine ont passé la tête, en général dans une petite école.

Autre argument imparable, utilisé par les universités, les écoles petites ou grandes : la publication dans une « prestigieuse revue ». Ce qui signifie en creux que les autres…

L’expression favorite des débats. « Je voudrais rebondir sur ce qu’a dit l’intervenant précédent » : à force de rebondir dans les débats (moi le premier !), on finit par se lasser et avoir un léger mal au crâne.

Les noms ridicules en anglais. Bon là je vous laisse le choix. Mais les universités commencent à suivre le chemin des business schools qui confondent parfois marketing et ridicule !

Il y a les noms d’écoles, mais aussi les initiatives internes en recherche et pédagogie rebaptisées à toutes les sauces de la langue de Shakespeare, qui n’en peut mais… Gardons pour la fin New deal et les concours de pitchs ?.

 

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