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Sauf si les publications du MESRI étaient truquées (option complot), on y découvre des données qui valent la peine qu’on les lise. Loin du descriptif apocalyptique des inégalités dans l’ESR, qui s’aggraveraient chaque année (et depuis le temps, on se demande où on en serait !), les chiffres sont clairs : cette assertion est totalement fausse. Non pas qu’il n’y ait pas d’inégalités, mais elles régressent, et sont surtout concentrées dans certains secteurs. 

A longueur de colonnes dans la presse, sur twitter, des appels/pétitions dénoncent l’aggravation des inégalités dans l’ESR. C’est ce que j’ai déjà qualifié maintes fois de comportement de dames patronnesses, un grand nombre des signataires n’ayant que de lointains rapports avec l’enseignement en L1. Certains d’entre eux réclame d’ailleurs sans cesse que les pauvres de banlieue puissent aller étudier à Paris.

Clarifions tout de suite une chose : le débat n’est pas de savoir s’il y a des inégalités mais si elles s’aggravent ou si elles se réduisent, et où. A force, comme dans la fable d’Esope, de crier au loup, les Cassandre risquent de n’être pas crus, même lorsqu’ils disent la vérité, par exemple sur les véritables risques.

Car si elles se réduisent, le débat porte plus sur la géographie globale de ces inégalités. Partons donc des faits et des chiffres, ceux de l’état de l’enseignement supérieur et de la recherche 2018. Si l’on prend par exemple la question de l’accès au logement, il est évident que la situation des petites villes n’est absolument pas comparable aux métropoles (oui il y a des étudiants qui ne sont pas région parisienne ?). Ou encore que la nature des études varie considérablement selon l’origine sociale, mais sans déterminisme absolu.

Que nous apprennent donc les données collectées depuis des années ? “Les enseignements secondaires puis supérieurs se sont fortement développés jusqu’au milieu des années 1990. Cela s’est traduit par leur ouverture croissante à l’ensemble des milieux sociaux. Pour autant, des différences entre milieux sociaux demeurent.

Démocratisation de l’enseignement supérieur

Baccalauréat. Désormais, 60 % des enfants d’ouvriers ou d’employés âgés de 20 à 24 ans ont le baccalauréat : “c’est presque deux fois plus que ce qui était observé dans les anciennes générations : seuls 33 % des enfants d’ouvriers ou d’employés âgés aujourd’hui de 45 à 49 ans possèdent ce diplôme.”

Il n’en reste pas moins que “malgré la baisse des écarts entre milieux sociaux, les enfants ayant des parents cadres, de professions intermédiaires ou indépendants restent, à tous les âges, plus nombreux à être bacheliers.”

Accès à l’enseignement supérieur. La progression de l’accès à l’enseignement supérieur est là “plus forte pour les enfants issus des milieux sociaux les moins favorisés, de sorte que les différences entre milieux sociaux se sont réduites.”

Si 73 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants étudient ou ont étudié dans le supérieur, contre 44 % des enfants d’ouvriers ou d’employés (soit 1,6 fois plus), “ce rapport est de 2,1 pour les personnes âgées de 45 à 49 ans (52 % contre 24 %)”.

Diplômes. En moyenne de 2014 à 2016, parmi les jeunes âgés de 25 à 29 ans, 60 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants sont diplômés du supérieur, contre 31 % des enfants d’ouvriers ou d’employés. Le fait marquant est que les premiers possèdent un diplôme de niveau plus élevé.

Ainsi, en 2014-2016, 31 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants sont diplômés d’un Master, d’un Doctorat ou d’une grande école, contre seulement 9 % des enfants d’ouvriers ou d’employés.

Par contre, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur court professionnalisant “varie peu selon le milieu social” : 13 % des enfants de cadres, de professions intermédiaires ou d’indépendants ont obtenu un BTS, DUT ou équivalent contre 11 % des enfants d’ouvriers ou d’employés.

Si entre 2003- 2005 et 2014-2016, “dans un contexte de montée en charge de la réforme LMD”, le taux de diplômés de l’enseignement supérieur des jeunes âgés de 25 à 29 ans est resté quasiment stable quelle que soit la catégorie sociale, la part de diplômés de Master, DEA, DESS et Doctorat a doublé, pour chacune des catégories sociales.

Le véritable problème reste que les enfants issus de milieu moins aisé “quittent plus souvent l’enseignement supérieur sans avoir obtenu un diplôme” (12 % des enfants de cadres, professions intermédiaires ou indépendants contre 21 % des enfants d’ouvriers ou d’employés).

Amélioration très nette pour les étudiants handicapés

L’analyse des données sur les étudiants handicapés marque un progrès considérable, que curieusement personne ne relève. Il est vrai que cela ne s’accorde pas au misérabilisme ambiant.

À la rentrée 2016, on compte dans l’ESR public 25 942 étudiants en situation de handicap, soit 1,34 % de la population étudiante, soit une multiplication par 3,5 en 11 ans.

Surtout, c’est l’université qui les accueille dans une proportion écrasante à 91,2 %, le secteur privé et les écoles de commerce n’ayant visiblement aucune politique volontariste dans ce domaine. “Ils se concentrent en Licence et deviennent moins nombreux au fil du cursus universitaire” note le MESRI, qui souligne que l’on observe “tout au long du parcours de formation une réduction de l’écart de la répartition des étudiants handicapés avec celle de la population totale” et ce depuis plusieurs années.

Des inégalités

En conclusion, il est indéniable que l’accès des catégories populaires à l’enseignement supérieur progresse : l’augmentation de la proportion de boursiers, l’impact de l’allocation de logement social, les rénovation des cités universitaires etc. symbolisent notamment cette évolution.

La faible part des enfants des catégories populaires dans les cursus les plus sélectifs reste le problème essentiel. Le plébiscite de ces filières sur Parcoursup montre une demande de plus en plus forte, sans que l’on puisse définir précisément les catégories sociales les plus concernées.

Mais ceci relève-t-il d’un problème lié aux moyens financiers ou d’un plafond de verre ?

Ce qui m’a toujours frappé, au fil des rentrées universitaires, c’est la façon dont la “vie étudiante” est trop souvent traitée, comme si l’étudiant devait se réduire à sa bourse, son logement, sa santé et le prix du ticket de restau U.

La réponse pour faire régresser les inégalités, encore une fois, ne peut être binaire : ce qu’il se passe avec la pédagogie en L1 n’est-il pas aussi important ? Et les heures d’ouverture des BU ? Et le contenu des cours ? etc.

 

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