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La tarte à la crème de la diversité, c’est reparti ! Combien de fois a-t-on entendu ces serments sur “vous allez voir ce que vous allez voir”, ou bien “nous ne sommes pas pires que les autres” ! Il est vrai que l’enseignement supérieur ne peut pas, à lui tout seul, corriger les lacunes pointées par les études PISA. Mais l’enjeu actuel de la diversité est tout autre : pendant que l’on cloue au pilori ou que l’on encense quelques grandes écoles (soit quelques centaines d’étudiants !), la diversité sociale est incarnée par les universités. Cherchez l’erreur !

Médias et leaders d’opinion divers n’ont d’yeux que pour la diversité sociale au sein des grandes écoles. Il faudrait “ouvrir” ces dernières pour régénérer les “élites”. Et bien sûr, il faut verser une larme sur ces étudiants qui ne peuvent accéder au saint des saints. Le problème est que les écoles visées sont structurellement malthusiennes (vision négative) ou hyper sélectives (vision positive). Courageusement, les “élites parlent aux élites” ?.

Et donc, il s’agit en définitive, et dans le meilleur des cas, de quelques centaines d’étudiants concernés… Un peu comme si les dirigeants du football français concentraient leurs efforts sur quelques jeunes intégrant le centre de formation du PSG (oui je sais, l’exemple est facile ?), pendant que l’immense majorité des jeunes des quartiers intègre des dizaines d’autres centres de formation et en plus rêve du Real Madrid, de Liverpool et de Barcelone ? !

L’aveuglement continue donc, ignorant délibérément la réelle diversité et les véritables élites : qui s’intéresse aux 74 000 doctorants, ces bacs + 8 regardés avec envie dans le monde entier sauf en France ? Qui s’intéresse à ces milliers de “jeunes des quartiers” que l’on retrouve dans les universités ? Qui s’intéresse à ces presque 40% de boursiers ? Ou encore à ces dizaines de milliers de diplômés de masters à l’université ?

Anticipant le discours de F. Vidal lors du congrès de la CGE, sa présidente Anne-Lucie Wack jugeait que la question de l’ouverture sociale dans les Grandes écoles est souvent mal posée” car le débat est concentré “sur certaines Grandes écoles, certes emblématiques et prestigieuses, mais non représentatives de la diversité des 216 Grandes écoles françaises de la Conférence des grandes écoles”, on ne peut lui donner complètement tort…ni complètement raison ?.

D’abord parce que des dirigeants d’écoles ont réellement pris conscience et tentent de faire bouger les lignes. Ensuite parce que l’on peut se demander ce qu’il y a de commun effectivement entre l’X ou HEC et la petite école visant l’insertion de ses étudiants dans un secteur de niche (design, art, mode) par exemple. Il faut d’ailleurs relever que si le nombre de boursiers est très faible dans les business schools (14%), de nombreuses familles de la classe moyenne se “saignent” aussi pour y inscrire leurs enfants.

Mais quoi qu’en dise la CGE, l’ascenseur social fonctionne mieux dans les universités et dans une volumétrie incomparable. Certes, à l’université aussi, les étudiants issus de milieux défavorisés accèdent moins au master. Mais les chiffres de boursiers en master d’université sont incontestables, sans parler évidemment de ses IUT et de ses licences. Alors, pourquoi polariser les efforts sur 216 écoles, voire 7, qui regroupent une part marginale de l’enseignement supérieur et une part encore plus marginale des catégories les plus défavorisées ?

Je conseille, par exemple, à celles et ceux qui parlent de diversité d’aller faire un tour sur des campus comme ceux de Paris XIII, Evry, Valenciennes et bien d’autres.

Un mépris social bien ancré

Bien sûr, il serait absurde de comparer un élève de BTS à celui de Normale sup ou de l’X : personne n’imagine que les exigences soient les mêmes. Mais cette vision hiérarchisée qui veut que les bons soient dans les grandes écoles et les moins bons à l’université ou ailleurs est-elle encore pertinente ? Je n’aurai pas la cruauté de faire une liste, à l’échelle de l’histoire, des normaliens ou des X très mauvais ! Le talent, ce n’est pas seulement un concours réussi, y compris en recherche.

Pourquoi un X avec une thèse vaudrait-il plus qu’un docteur d’université ? Ces raisonnements coupent la France du reste du monde, et notamment ses entreprises : ce n’est pas la qualité de l’individu qui prime mais son école. Je souhaite du plaisir à celles et ceux qui doivent expliquer à un étranger PhD qu’il vaut moins qu’un X…

Car cette vision nous prive de talents potentiels qui s’expriment différemment, et/ou plus lentement. Est-ce que la faible présence de jeunes issus des milieux défavorisés dans ces filières dites d’élite prouve qu’ils n’ont pas le niveau intellectuel suffisant ? Question provocatrice mais légitime vu ce que j’ai pu entendre et que j’entends encore mezzo voce

Il faut le dire : un courant important des “élites” françaises pense plus ou moins explicitement que puisque ces jeunes viennent de milieux dans lesquels il n’y avait pas forcément des livres eh bien, comment dire… euh, ils sont moins bons”. La preuve ? Ils ne sont pas capables de se présenter à “nos” concours, a fortiori d’y réussir. Et en plus, ils vont en BTS ou à l’université !

Ces arguments servis à n’en plus finir, et qui d’ailleurs pointent parfois à juste titre des lacunes scolaires, semblent incontestables. Pourtant, ils rappellent fâcheusement le cas des Nobel : la rareté des lauréates femmes s’explique-t-elle par des capacités intellectuelles limitées ?

Ces “élites” oublient 3 choses : la capacité à progresser, l’autocensure et les stéréotypes. Elles occultent aussi les “soft skills” et les temps de maturation intellectuelle variés.

Pour résumer, ces débats actuels sur l’ouverture sociale me font furieusement penser à ceux du XIX ème siècle à propos des ouvriers qu’il fallait sauver du vice… Simplement, pour certains, l’alcool de l’époque, c’est l’université aujourd’hui !

Dernière remarque : les boursiers des échelons les plus élevés, qui sont en master à l’université, méritent-ils une bourse ridicule ? Évidemment, cette question de stricte équité par rapport à l’indemnité des normaliens ou X, personne ne se la pose.

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