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La Cour des comptes dit tout haut ce que beaucoup d’acteurs de la recherche publique constatent tous les jours : la valorisation de la recherche est freinée par la faiblesse de la R&D privée ! N’est-ce pas d’ailleurs le problème majeur du retard français en matière d’innovation, masqué par la bulle et la mode des start-up ?

La Cour des comptes appuie là où ça fait mal dans son rapport sur les outils du PIA lundi 26 mars : “la politique de valorisation de la recherche publique, et plus largement la politique de la recherche, ne disposent pas de toutes les clés pour faire évoluer une situation qui relève de politiques économiques et industrielles plus larges comme de l’engagement des entreprises privées.”  Et enfonce le clou : “La mise en place d’instruments en faveur de la valorisation de la recherche publique ne doit pas occulter le fait que celle-ci est aujourd’hui limitée par la faiblesse de la R&D privée. Pour produire pleinement les effets attendus, ces outils, qui s’ajoutent à d’autres dispositifs publics tels que le crédit impôt recherche, supposent donc également une implication suffisante des entreprises.”

2 études qui vont dans le même sens

Dans une étude (sur un panel représentatif de près de 600 ingénieurs, entrepreneurs et dirigeants d’entreprises) passée inaperçue et publiée en décembre 2017, le Medef et l’Association des Centraliens soulignent cette question majeure de l’innovation à la française, qui corrobore les constats de la Cour. Pour 76 % des personnes interrogées, le “management est un frein à l’innovation”. Suivent le “manque de lien entre le marché et la recherche (70 %)” et la “culture de l’innovation (66 %)”. Selon cette étude, l’aversion au risque est portée par la culture du management en France.

Et dans une autre étude réalisée par l’ANRT, il apparaît que les freins au recours à une Cifre sont moins nombreux pour la communauté académique (aucun frein à 58 % contre 20 % pour les entreprises) ! Il est évident que le monde de l’entreprise en France, par son positionnement moyen de gamme, et par l’origine de ses principaux dirigeants, non formés à la recherche, est culturellement décalé par rapport à ce que signifie l’innovation. Il s’agit d’une véritable langue étrangère, rarement pratiquée.

10 milliards pour quoi faire ?

Quiconque va dans les labos publics peut mesurer que les freins dans la relation à l’entreprise, à de rares exception près, ne relèvent pas du refus de travailler avec les entreprises. Certes, leur temporalité (les publications scientifiques),  et surtout l’organisation de la recherche illisible pour les entreprises, notamment les PME/ETI, pèsent. Mais la dynamique est de leur côté tandis que les pouvoirs publics continuent de subventionner l’innovation des entreprises avec un plan de 10 milliards d’euros… Comme si ceci allait changer la culture d’un capitalisme français biberonné aux fonds publics.

Car ces effets d’affichage, sans parler de la bonne utilisation des fonds publics (Cf. l’excellente note de blog d’Olivier Ezratty), continuent d’ignorer ce fait majeur : c’est la déconnexion de l’innovation par rapport à la recherche publique qui est le principal problème, en raison du manque d’appétence des entreprises françaises ! Ainsi, Pascal Werner, directeur du programme financements, investissements et amorçage au SGPI regrette que le capital innovation soit dominé par 3 silos thématiques : la santé, le numérique et les technologies propres. Et  il constate que toutes les innovations technologiques “qui n’entrent pas dans ces trois domaines, y compris les très bonnes, ne trouvent pas leurs financements (la mécanique, les sciences de l’ingénieur, les sciences des matériaux, etc.)”.

Miser sur le capital humain

L’inventivité de la technostructure française est sans bornes (il faut “déguster” les schémas incompréhensibles dans le rapport de la Cour des comptes !) : dès qu’il y a une question à résoudre, on créé une structure. Or qu’est-ce qui fait la force du Technion, de Boston ou encore de la Silicon Valley ? Des dispositifs ? Des structures ? Non, une recherche de pointe, appuyée sur des universités de rang mondial, avec des concentrations de Ph D. Bref, l’investissement dans le capital humain !

Où est ce capital humain ? Dans les universités, écoles et organismes de recherche. Le retrouve-t-on dans les entreprises françaises ? Pas vraiment comme le montre par exemple la baisse du nombre de Cifre. Du point de vue des Ph D, le crédit d’impôt recherche n’a clairement pas joué son rôle.

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