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Un reportage jeudi 12 mai au JT de 20h de France 2 m’a interpellé avec le témoignage de 3 étudiants sur les conséquences financières pour eux du blocage de Nanterre. Il était évident que ce n’était pas des étudiants lambda, ce que la France Insoumise n’a pas manqué de dénoncer, s’agissant de militants LR et/ou UNI, ce que le journaliste ne mentionnait pas. Soulignons par souci d’équité que de nombreux reportages mettent en scène des militants de la France Insoumise, sans les nommer non plus, comme la désormais célèbre Leïla qui avait vu sans l’avoir vu un étudiant grièvement blessé à Tolbiac. Ou Victor de Nanterre, militant NPA ☺️. Mais pourquoi les télévisions usent-elles et abusent-elles de ces témoignages non spontanés ?

Ayant milité dans ma jeunesse à l’UNEF et au sein de l’extrême-gauche, je peux dire que rien n’a changé pour les télévisions : des journalistes non-spécialisés, devant produire sur ordre des reportages illustrant une thèse. Et nous fournissions à la demande des “témoins étudiants”… La montée en puissance des chaînes d’info en continu n’a rien changé de ce point de vue.

Car les journalistes spécialisés (qu’ils soient bon ou pas est un autre sujet) sont en contact quotidiennement avec les acteurs essentiels du secteur de l’ESR. Et parmi eux il y a évidemment les syndicalistes. S’il existe une forme de routine (les médias ont longtemps pris pour argent comptant le slogan de l’UNEF “1ère organisation étudiante” pourtant factuellement faux depuis longtemps), globalement ils font une veille qui sert de “nourrice” aux rédactions qui n’ont pas de journalistes réellement spécialisés. C’est le cas globalement des télévisions.

C’est ainsi que ces dernières multiplient les sujets (un sujet parmi d’autres, ce qu’il ne faut pas oublier dans un JT) qu’il faut angler. Ces rédactions le font grâce à la lecture des quotidiens, à Twitter, aux contacts avec les services communication (MESRI, CPU, universités) ou directement avec les dirigeants.

Illustrer une thèse

Résultat, on part d’une thèse qu’il faut illustrer avec des témoignages, la rédaction en chef ne se souciant pas d’un travail d’enquête, qui relève d’un autre format. C’est ainsi qu’après avoir assisté à des séquences d’actualité pure (AG, blocages, etc.), peu à peu a émergé la nécessité de “prendre du recul”. Cela a été l’occasion de donner d’autres angles (d’autres points de vue si on veut aussi), avec des traitements divers : examens, qualité du diplôme et, pour le sujet que j’évoquais, les conséquences financières pour des étudiants boursiers qui travaillent.

Rares sont donc ces reportages censés illustrés une problématique de vie quotidienne (les difficultés financières) pour lesquels on cite l’appartenance, contrairement aux reportages dits “plus politiques”. Il faut donner l’impression de la “vraie vie”, de l’authentique.

Car les temps de réalisation de ce type de sujet étant extrêmement courts, la recherche de témoins doit être rapide et efficace : on active donc des réseaux pour illustrer une thèse, en l’occurrence celle des difficultés des boursiers. Remarquons que c’est le cas des journalistes qui posent une question de 5 mn contenant la réponse attendue… Le hasard fait ensuite la différence. Les intermédiaires peuvent être des militants de l’UNEF, de la FAGE, de l’UNI, d’En Marche, de la France Insoumise etc. avec des “suggestions” venant, selon le relationnel existant, de tous les horizons.

Tout l’art des “influenceurs” est de tomber au bon moment, finement. Mais avec le risque d’être démasqué évidemment, à l’heure du “check news”. La leçon : vous ne voyez quasiment jamais des étudiants lambda à la télévision. Sauf si les universités anticipent, ce qui reste complexe en période agitée, et qui au vu de leur retard et leur naïveté en matière de stratégie d’influence apparaît utopique !

 

One Response to “Les témoignages “téléguidés” d’étudiants à la télévision : le pourquoi du comment”

  1. Tout à fait d’accord ! Les poncifs concernant les universités françaises ont la vie dure et j’enrage de les voir ressortir à chaque “crise” universitaire comme celle que nous vivons. Université = bazar, foyer de contestation, insécurité, vétusté, pauvreté, etc… Rien ne change sur la manière dont les journalistes de l’audiovisuel français abordent l’enseignement supérieur depuis des décennies ! C’est une spécificité de la presse française (hors media spécialisés comme AEF ou NewsTank), je peux en témoigner.
    Lorsque j’étais aux commandes de la communication de la CPU pendant les événements (grèves, blocages, prise en otage de présidents, …) liés à la loi LRU (2007), je me souviens de la “pauvreté” des échanges avec la presse française, uniquement polarisée sur le “comptage” des blocages alors que les rares journalistes étrangers réalisaient de véritables enquêtes, de”fond”, comparant les systèmes d’ESR dans le monde, recherchant des angles inédits, interviewant de véritables étudiants (si, si !). Il me revient à l’esprit un long papier dans un quotidien anglosaxon de renom, nourri de réflexion et d’argumentation sur la LRU : les journalistes français ont juste pointé le fait que la presse étrangère s’intéressait “aux grèves universitaires” !
    Autre exemple, plus récent, à Versailles. Une journaliste me demande où pouvait-on filmer les “queues” pour les inscriptions à l’Université. Répondant que tout se faisait en ligne depuis une dizaine d’années, mais que je me proposais de présenter les nouvelles formations de l’année qui démarrait et commenter les bons chiffres concernant l’insertion professionnelle de nos diplômés, voilà la journaliste fort dépourvue, incapable de contrer la bise venue de son rédacteur en chef. Car effectivement, son supérieur lui ayant fait cette commande le matin même en conférence de rédaction, il fallait qu’elle revienne avec des images de “foules” devant des guichets, assorties sans doute de quelques commentaires excédés des étudiants…
    En revanche, lorsque les directeurs de la communication tentent de valoriser auprès de cette même presse une réussite nationale ou même mondiale, en recherche ou en formation, il n’y a plus personne (à de rares exceptions près).
    Quelle est la raison ? Où et comment sont formés nos journalistes ?
    Pas dans les universités apparemment (au fait, les “facultés” n’existent plus depuis la loi Faure de 1968 !), alors même que celles-ci forment la GRANDE majorité de la jeunesse française, quasiment gratuitement, et est attractive pour de très nombreux jeunes étrangers. Permettez-moi de rappeler aussi que les fameux tirages au sort de l’ancien système APB ne concernaient qu’une TRES FAIBLE proportion d’étudiants, dans des filières spécifiques (santé, STAPS). La TRES GRANDE MAJORITE des bacheliers suivent les études universitaires dans la filière de leur choix !

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