Parcourir la presse, c’est mesurer le fossé qui règne entre le poids sociétal, économique et scientifique des universités et leur poids dans les médias. Je me suis livré à une petite étude sur une semaine. Dans les médias nationaux non spécialisés, la balance penche clairement du côté des organismes de recherche et des écoles, grandes ou petites. Pire, la majorité des mentions a une connotation négative à propos des universités. Bien sûr, ces dernières sont plus présentes dans la PQR. Mais l’influence média, décisive pour reconstruire une image auprès des décideurs économiques et politiques est proche de zéro.
Sans être exhaustive, ma veille permet de cerner immédiatement une tendance : les organismes de recherche captent l’information sur la science, tandis que les écoles petites et grandes chroniquent l’actualité heureuse. Et pour les universités, c’est encore la facture médiatique des blocages/occupations.
Je parle évidemment de la presse qui fait l’opinion des décideurs, les quotidiens, les magazines, mais aussi les télévisions. Même quand on parle d’une université, il n’est jamais sûr que lui soit attribuée ce qui est positif.
Quel contraste ainsi avec ce reportage sur Oxford et Cambridge sur FTV 2, où l’on parle par exemple de leurs labos sans…acronymes barbare : il y a Oxford ou Cambridge, point, pas de Satt, d’IRT, de labo multitutelle, de labex. Facile pour le journaliste non ?
C »est le grand défi des universités françaises. Si la PQR et FTV3 connaissent à peu près son périmètre (encore que…), la presse nationale l’ignore complètement. Quelqu’un connaît-il une institution, une entreprise obligée de communiquer à 3 ou 4 ? C’est le cas caricatural des universités : je reçois par exemple des communiqués des organismes de recherche, puis celui de la ou des universités concernées. Ou l’inverse ?!
Résultat, le CNRS fait la course en tête, ce qui n’aurait aucune importance si la politique des pouvoirs publics n’était l’émergence de marques universitaires. Et je ne parle pas de toutes les institutions satellites qui cannibalisent l’image et la lisibilité de l’université. Le PDG du CNRS (et ses collègues des autres organismes) qui plaide pour 2 tutelles plaidera-t-il pour imposer un seul communiqué de presse ??
Bien sûr, des établissements valorisent leurs points positifs : mais tant que les universités joueront en solo, leur stratégie d’image restera fragile. On l’a vu avec les blocages.
Conséquence ? La plupart du temps, ce qui est positif est attribué aux autres (la valorisation par exemple, une découverte scientifique etc.) tandis que l’université se voit affectée les pertes : dégâts, problèmes sur Parcoursup. Le problème ? Les décideurs se forgent une partie de leur opinion et de l’image qu’ils ont de l’université française à travers les médias.
Je partage très largement le constat fait par JMC.
Les universités sont redevenues invisibles, comme avant 2007, sauf pour des évènements négatifs. Elles y ont mis souvent beaucoup du leur, mais à leur corps défendant, les rassemblements rendus obligatoires par la loi de 2013 les ont plombés et ont pris toute leur énergie, pour un résultat que l’on peut qualifier de nul. Aucune COMUE n’a à ce jour réussi. Et j’ajoute qu’il est normal que les COMUE ne soient pas reconnues comme universités à l’étranger , car elles ne sont pas des universités: empilement et duplication des structures, pas d’équipes de recherche affiliées, pas de profs affiliés, pas d’étudiants affiliés, offre de formation propre illisible et très étroite eu égard à la taille des COMUE etc… Je souhaite que PSL et autre UCA arrivent à sortir vite du cadre COMUE et à trouver leurs modèles.
Les seules choses qui surnagent sont les fusions d’universités, mais à quel coût en temps et énergie.
Toute cette énergie aurai du être consacrée à consolider tout l’empilement créé par les PIA, et à l’émergence d’universités de recherche, sélectives et élitistes, les seules qui devraient être épaulées par les organismes de recherche, et intégrant toutes les fonctions, de la formation à la valo en passant par la recherche fondamentale.
S’ajoute à cela une stratégie illisible de la part du MESRI, pour lequel il semble que Parcoursup, réforme certes importante mais qui ne peut tenir lieu de stratégie, soit l’alpha et l’oméga de toute la politique de l’ESRI du gouvernement. Résultat, tout ce qui est un peu cohérent, un peu homogène et un peu général occupe toute la place médiatique: le CNRS pour la recherche (et heureusement, sinon rien!), et Bercy pour l’innovation (même remarque!). Cela fait au moins sérieux et compréhensible, face à un monde universitaire épuisé par les tentatives de mise en route de bidules qui ne peuvent pas fonctionner et ne peuvent pas être des universités, comme les COMUE et autres rassemblements. Et je pense aussi aux grandes écoles, dont les péripéties des nominations de certains dirigeants ou encore le turnover des directeurs pour les écoles de commerce ne donnent tout de même pas l’impression d’une sérénité à toute épreuve…
Et pourtant le candidat Macron avait bien un programme pour les universités, élaboré par des experts brillants, comme Philippe Aghion! Dans quelle trappe à papier est passé ce programme?