Premières réponses aux vœux Parcoursup 2019 ce mercredi 15 mai à 19h. Comme c’était prévisible, parents et lycéens se sont appropriés, non sans difficultés mais dans le calme, le processus (plus que la procédure elle-même !) Et comme d’habitude, à l’hystérisation des débats médiatiques de l’an dernier succède un conformisme mou. Pourtant, une approche rationnelle autorise des questionnements inattendus et forcément politiquement incorrects : et si avec Parcoursup 2018 les abandons avaient été moins nombreux ? Et si ce constat bouleversait l’économie du système ?
« Si l’on ne peut pas encore mesurer précisément les effets du nouveau dispositif Parcoursup sur les inscriptions à l’université, on peut néanmoins alerter sur les conséquences d’une admission conditionnée désormais de plus en plus par des attendus censés être déjà maîtrisés (…). Ce changement de paradigme conduit à remettre en cause le rôle de l’université comme institution ouverte, facilitant les réorientations et les essais, permettant de rebattre les cartes. En renforçant les contrôles à l’entrée, le risque est d’accroître encore les effets d’auto-exclusion chez un certain nombre de bacheliers et de contribuer à limiter fortement la mixité scolaire et sociale en licence » écrivent en conclusion d’une note pour le conseil scientifique de la FCPE, Romuald Bodin, maître de conférences en sociologie, université de Poitiers et Sophie Orange, maître de conférences en sociologie, université de Nantes.
Alors qu’année après année les chiffres démentent justement ces risques, ces chercheurs ayant de toutes façons décrété que Parcoursup c’est le mal, préfèrent suggérer qu’il serait possible que, dans certaines conditions…une catastrophe arrive ! Mais ce qui est étonnant, c’est qu’ils passent à côté d’un sujet essentiel : et si ça marche, quelles seront les conséquences ?
Plus intéressante, et surtout plus rigoureuse, la note du SIES/MESRI sur les vœux 2019 nous livre justement quelques indications sur les réorientations (plus nombreuses avec 133 057 étudiants) et sur la demande forte de reprise d’études (109 224 candidats).
La rigueur oblige à attendre la fin de l’épisode 2 de Parcoursup pour en mesurer les effets (ce que l’avis circonstancié du comité d’éthique pour 2018 laisse espérer ?), mais une question se pose déjà : et si en 2018/2019 les taux de réussite s’améliorent et que les taux d’abandons diminuent, quelles seront les conséquences pour les établissements ?
Car même si le bilan des effets de Parcoursup 2018 n’est pas encore possible pour les universités, et pour cause, on peut émettre 2 hypothèses.
2 conséquences possibles de Parcoursup 2018
Les chiffres n’étant pas disponibles, en tout cas pas suffisamment représentatifs, est-ce que mes échanges, ici ou là le sont ? Je ne sais pas mais ils montrent cependant quelques réflexions de terrain, voire quelques alertes, qui m’ont semblé pertinentes.
La première, avérée dans les quelques cas que je connais, mais pas dans d’autres, est un taux d’abandon moins fort, et des taux de réussite améliorés avec des étudiants plus motivés. Les équipes pédagogiques disposent désormais de nombreuses informations sur leurs étudiants, avant même que ceux-ci arrivent en première année. Ces données aident certaines d’entre elles à réfléchir sur leurs propres méthodes pédagogiques et à les adapter selon les différents profils.
Or, chacun sait, pour qui connait un peu le fonctionnement d’une université que les schémas prévisionnels intègrent un fort taux d’abandon au 1er trimestre, ce qui permet après un fonctionnement sinon confortable du moins supportable. Évidemment, personne ne l’écrira…
Or, s’il y a moins d’abandon en cours d’année, ce schéma vole en éclat, avec des conséquences internes fortes. Car des étudiants plus motivés sont par exemple demandeurs en matière d’efficacité pédagogique, à la hauteur de leur investissement personnel.
La seconde est l’effet domino de meilleurs taux de réussite : si plus d’étudiants passent en L2, le stock d’étudiants réels augmentera alors même qu’il n’est pas établi du tout que les établissements y soient préparés, organisationnellement et budgétairement. La question des volumes horaires disponibles en L2 puis en L3 (nombre de groupes, horaires, salles etc.) se posera. Là encore chacun sait que la déperdition était telle que très souvent, la situation était facilement gérable pour des universités (et des universitaires) habitués à jongler, ou encore bien contents de créer des masters avec quelques étudiants…
Ces hypothèses pas saugrenues ont le mérite de mettre sur la table, de façon positive cette fois, 2 questions fondamentales pour l’ESR : la pédagogie, les moyens.
Des conséquences possibles, souhaitables et probables… Merci pour ce propos scandaleusement optimiste :), qui ne retient pas l’intérêt de la presse. Or, ce serait un tournant majeur par rapport à la persistance d’un échec massif et répété en Licence, qui résistait à toutes les velléités et devenait presque inscrit jusque-là comme une fatalité.
Il reste à accompagner ce mouvement d’une diversification assumée des voies de réussite, entre des Licences de profils variés mais d’égale dignité.
Laurent Batsch