Qui peut dire que les médias ne s’intéressent pas à l’enseignement supérieur ? Parcoursup fait en permanence la Une de la presse et (re)met sur le devant de la scène la complexité du système français pour les familles…et les journalistes. Avec son lot d’incompréhensions et de polémiques. Car les médias, à l’heure des réseaux sociaux, doivent travailler de plus en plus vite. Donc, il faut les influencer rapidement, ce qu’ont compris les réseaux militants, qui ont occupé le devant de la scène à coups de tribunes et de libres opinions, face à un ministère qui a tenu sa ligne de conduite, à coup de tableaux et de chiffres.
Chaque reportage, chaque “papier” sur Parcoursup est scruté par ses partisans, et plus souvent par ses détracteurs. Ils font l’objet de véritables trophées, les médias se voyant attribués le rôle de juge de paix … selon les opinions de chacun évidemment !
Ces médias sont ainsi passés très vite de la bataille rangée des blocages, AG etc. à celle des chiffres de Parcoursup. Comme pour les blocages, polémiques politiques et émotions ont souvent pris le pas sur les faits.
Car la grande difficulté pour traiter ce genre de questions pour les médias est la durée du processus. Comment percevoir une tendance ? Commet savoir si une plainte individuelle est représentative ? Et comment jauger une procédure nouvelle avec des opposants alarmistes et des partisans…très prudents !
Préparation du terrain en septembre. Lors de sa conférence de presse de rentrée, Frédérique Vidal avait capté l’attention des journalistes, sensibles à son discours sur la réussite en première année d’université. Beaucoup, convaincus, reprenaient ce qu’il faut bien appeler les éléments de langage sur le tirage au sort, qui vont servir à justifier l’abandon d’APB et le lancement de Parcoursup.
Les blocages d’université. Pendant cette phase conflictuelle de Parcoursup, personne ne parlait véritablement de la procédure mais brandissait plutôt des slogans : crainte de la sélection d’un côté, garantie qu’il n’y a pas de sélection de l’autre etc. Les débats ne cessaient d’ailleurs de s’élargir (SNCF etc.). Les médias ont concentré leur attention sur ces AG et leurs soubresauts, en les liant à la situation politique et sociale française.
Les incertitudes du lancement du 22 mai. Mais quand arrive enfin l’épreuve du feu, le lancement, les débats se retournent, car on passe des slogans à la réalité : est-ce que Parcoursup va marcher ? Y aura-t-il un bug informatique ou pas ? Quels critères réels pour les choix ? Quelle compréhension en auront les lycéens, leurs enseignants ? Ces interrogations, logiquement les médias les partagent. D’autant que sur les réseaux sociaux, parfois dans des tribunes, on a pu lire des critiques très argumentées y compris techniquement.
Ensuite, comme il fallait s’y attendre, Parcoursup est devenu une sorte d’exutoire : tout ce qui allait mal dans l’ESR lui était attribué. Mais surtout, une lecture parisienne a pris le pas. Les réseaux militants ont donc joué à plein régime pour influencer la presse, ouvrant par exemple le débat sur l’accroissement des inégalités, puis celui de la fracture universités de banlieue et parisiennes. On a oublié au passage que la sectorisation en Île-de-France a existé pendant des années avant et avec Ravel.
Les témoignages et l’émotionnel. Il s’agit d’une phase intense émotionnellement pour les familles et les lycéens, avec sa stressante évolution quotidienne, avant le bac. On assiste alors, et c’est normal, à une avalanche de reportages et papiers de témoignages relatant une histoire souvent négative. L’actualité Parcoursup n’est à ce moment là pas heureuse !
La bataille des chiffres. De ce point de vue, le MESRI a dans cette première phase, plutôt bien joué : il s’est cramponné à sa stratégie, donner les chiffres et rassurer. De fait, il a contraint les acteurs à déplacer le débat des algorithmes (secret, violent etc.) vers les résultats de ces algorithmes : les places par filières, les taux de boursiers, les inégalités.
En distillant des informations dans certains médias sur les filières et/ou universités en perdition, il a crédibilisé l’idée que les familles et les lycéens avaient une stratégie, qu’ils faisaient de réels choix. Obligeant au passage ses opposants à subir puis réagir face à des chiffres sur lesquels évidemment ils n’avaient pas de prise.
Un changement de paradigme que les médias ont intégré. Peu à peu, l’adaptation à cette procédure complexe, mise en place à la hussarde, s’est faite pour les familles et les lycéens. Désormais, l’idée a fait son chemin : plus rien n’est automatique, en particulier pour l’accès à l’université. Et ces dernières commencent à mesurer le chantier à mener pour en faire un élément de leur stratégie en 2019. On est passé dans les médias du “pourquoi fait-on ça” à “comment les universités le font”.
Le véritable enjeu médiatique est donc le baromètre du nombre de places qui se libèrent, avec le stress de l’attente. Tout un pays s’est donc mis, plus qu’avec APB, à vivre au rythme de Parcoursup, reléguant presque le bac au rang des accessoires.
Mais on peut déjà prédire que le ballet médiatique va reprendre vu la durée du processus pour celles et ceux qui n’auront pas de place en juillet et après : quel que soit leur nombre, le retentissement médiatique devrait être au RV.
L’activisme universitaire dans les médias
Médiatiquement, ce qui a été le plus frappant, c’est le flot impressionnant de tribunes, appels, libres opinions etc. lancés par des universitaires, en majorité contre Parcoursup. Clairement, c’est un moyen pour les médias, sur un sujet brûlant et complexe, de se “réassurer”.
Cela a été pour les universitaires impliqués contre la loi ORE l’occasion d’agiter tous leurs réseaux dans les médias. De ce point de vue, certains sociologues et politistes ont frappé fort et auront du mal à se plaindre de la “médiacratie”.
Face à ce déferlement (j’utilise ce mot car j’ai essayé de suivre leur nombre et leur fréquence, épuisant !), les soutiens de la loi ORE ou du moins de ses principes ont été bien rares, ce que l’on ne peut reprocher, ni aux opposants, ni aux médias. Seuls, les représentants des établissements, la CPU, ont tenté de défendre leur point de vue. Mais comme toujours de façon défensive.
Cher Jean Michel
Dans Parcoursup, le candidat ne peut plus hiérarchiser ses choix, comme dans APB. N’est-ce pas regrettable, dans la mesure où l’obligation de hiérarchiser obligeait le lycéen à avoir une démarche active d’information sur l’offre des facs ? Il sera intéressant de suivre le niveau de frustrations qui pourra naître des affectations non hiérarchisées…