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Cette année 2018, 68% des vœux Parcoursup portent sur une filière sélective, ce qui n’est que la confirmation d’une tendance lourde. Mais même parmi ces étudiants, combien sont-ils réellement fixés sur ce qu’ils veulent faire plus tard ? Et ce mouvement ne peut que s’accroître avec la « volatilité » des métiers, en ce 21è siècle bouleversé par la transformation numérique. Peut-on leur reprocher de vouloir regarder, observer ? Comment imposer à tous les jeunes un système rigide et cloisonné ?

Curieusement, dans la multiplication des commentaires sur Parcoursup, personne n’évoque l’incroyable jungle des formations. Toutes les stratégies d’information et d’orientation depuis des décennies ont échoué face à un défi insensé. Certes, les pays comparables ont aussi beaucoup d’établissements et de filières. Mais la France se distingue par la spécialisation la plus précoce … qui commence au collège et au lycée et trouve son acmé dans le supérieur.

Logique de l’offre ou logique de la demande ?

L’analyse des vœux sur APB et maintenant Parcoursup, avec par exemple les 6 grandes filières (PACES, Droit, Langues, STAPS, Économie et Psychologie) est toujours limitée par un regard disciplinaire, même si la PACES marque une évolution : les lycéens ne choisissent que ce qu’on leur propose !

Ainsi, une grande partie des jeunes tâtonne, veut voir (le problème des bac pros est un autre problème), mais doit faire un choix spécialisé. Et le système, même s’il y a les réorientations, reste cloisonné jusqu’au master. Parcoursup ne fait, quoiqu’on en pense, que gérer une mission impossible. La question à se poser est celle-ci : que feraient les lycéens si on leur proposait une première année indifférenciée avec de grandes thématiques et des majeures-mineures ?

Cela impliquerait évidemment un redéploiement majeur des moyens humains, une pédagogie renouvelée et renforcerait l’autonomie pédagogique des établissements et de leurs équipes. Des expériences et initiatives vont dans ce sens. Mais la résistance demeure celle des cloisonnements disciplinaires et celle, culturelle, d’universitaires cadrés par les sections du CNU.

Les résistances à la pluridisciplinarité

Le résultat de ces cloisonnements pénalise à mon sens des étudiants de 1ère année qui sont justement en situation d’attente, ce qui n’équivaut pas à un échec. Ceci engorge par ricochet des filières comme la psychologie par exemple. Tous les systèmes d’admission et d’orientation actuels et passés (Ravel, APB) apportent une réponse technico-administrative et/ou algorithmique à un problème avant tout pédagogique. Comment s’y retrouver dans cette offre multiforme ?

La caricature est atteinte avec les futurs programmes du bac : Cécric Villani, mathématicien, plaide pour plus d’heures de maths, Françoise Barré-Sinoussi, Jules Hoffmann, Axel Kahn, plaident eux pour plus de SVT !

Ce questionnement est celui de tout le système d’enseignement français, articulé en disciplines du collège à l’université en passant par le lycée. Le débat sur le futur bac débouche toujours sur le nombre d’heures par disciplines. La caricature est atteinte avec les futurs programmes du bac : Cécric Villani, mathématicien, plaide pour plus d’heures de maths, Françoise Barré-Sinoussi, Jules Hoffmann, Axel Kahn, plaident eux pour plus de SVT ! Il suffit de consulter les sites web des universités étrangères de pays équivalents pour comprendre que cette logique tubulaire et cloisonnée à la française n’a pas d’équivalent.

Pourquoi faudrait-il, par exemple, une première année strictement disciplinaire en Staps ? Ou en Psychologie ? Ou même en Droit ? Pourquoi, à l’image de ce qui se fait dans certaines des meilleures universités américaines, qui n’abdiquent pas pour autant leurs ambitions, ne pas mêler en 1ère année des enseignements de théâtre avec de l’histoire, de la philosophie, de la sociologie, de la biologie ?

La contradiction de l’appel des 400 contre la loi ORE

En lisant L’appel des 400 universitaires contre la loi ORE, j’ai trouvé des arguments que je trouve peu pertinents, notamment sur le classement et la sélection sociale, de la part d’universitaires qui ne peuvent quand même pas ignorer les IUT. Par contre leur conclusion peut être partagée par tous les acteurs : « L’université est un formidable révélateur de talents, un lieu où s’expérimente l’autonomie, où se développe l’esprit critique. Bon nombre d’étudiants qui ont fait des études brillantes à l’université n’étaient pas des élèves remarquables dans le secondaire et n’ont pas eu une bonne mention au baccalauréat. Auraient-ils été retenus si la sélection s’était appliquée alors ?  »

Mais ces universitaires ne vont pas au bout de leur raisonnement : favoriser l’autonomie, révéler des talents, est-ce laisser des enseignements en silo, comme on peut le voir encore pour des semestres 1 en psychologie ou ailleurs ? Est-il concevable d’avoir une L1 de sociologie, de psychologie, de philosophie, d’histoire-géo etc…?

2 Responses to “Parcoursup : problème d’algorithme ou d’inflation du nombre de formations ?”

  1. Tres pertinent, ce rappel sur les ravages de notre système d’enseignement en silos, qui s’ignorent quand ils ne se méprisent pas ! Puisse cette analyse être prise en compte dans les hautes sphères . On peut toujours rêver….. Car cela fait bien 10 ans que s’élèvent des voix de gens tres impliqués dans la vie du Supérieur pour réclamer la création d’un premier cycle calqué sur les collèges Américains, où l’etudiant peut suivre plein de matières différentes avec majeures et mineures

  2. Bien sûr! Tout notre système d’enseignement supérieur est calé sur des silos disciplinaires. Et pour les universités tout est verrouillé par le sacro saint CNU, grand gardien du temple d’une classification disciplinaire qui repose sur l’hypothèse que les savoirs sont éternellement figés dans des catégories immuables! Impensable, au 21 eme siècle, alors qu’on n’arrête pas de nous parler d’interdisciplinariré ou encore de métiers à inventer. Et de nouvelles disciplines à enseigner.
    Effectivement, aux USA et dans d’autres pays anglo-saxons, les études post-bacs commencent par des bachelors très généralistes. Les études de médecine ou de droit, par exemple, ne commencent aux USA qu’après., au niveau de notre second cycle.
    Je termine par deux remarques impertinentes.
    Emmanuel Macron, pendant la campagne électorale n’avait-il pas proposé que des universités puisse nt recruter leurs professeurs hors CNU? Où en est la mise en œuvre de cette très saine proposition?
    Enfin, je pense, pour l’avoir vécu , qu’en France nombre de filières universitaires sont créées pour donner des services d’enseignement aux profs, et pour que les lobbys disciplinaires puissent demander des créations de postes. Nous sommes très loin des réflexions sur l’évolution des savoirs, sur la nécessaire période de découverte pour les étudiants, et encore moins de la prise en compte des besoins de la société.

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