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En période normale, un ou une ministre valorise son secteur et ses acteurs, qu’il met à l’actif de son bilan. Et dans une période de crise, il ou elle s’appuie sur les mêmes pour apporter des réponses, en les valorisant, en les encourageant. Exprimons tout haut ce que si se murmure un peu partout : pourquoi F. Vidal, dans cette crise, a-t-elle aussi peu de mots et d’empathie pour les personnels, Biatts, enseignants, chercheurs ?

Analysant les (rares) discours et interventions de Frédérique Vidal depuis le début de la pandémie, on est choqué : rien, pas un mot chaleureux pour les personnels de l’ESR… Même si j’ai peut-être raté quelques épisodes, ce n’est clairement ni visible, ni une priorité, avec de rares formules convenues de « politesse » 1En conclusion d’un communiqué consacré le 22 avril aux examens, Frédérique Vidal « tient à saluer à nouveau la mobilisation exceptionnelle des différents acteurs de l’enseignement supérieur dans cette période. »  Idem le 5 mai, au milieu d’un communiqué, elle souligne « à nouveau la mobilisation exceptionnelle de toute la communauté de l’enseignement supérieur (établissements, associations, équipes pédagogiques, CROUS…), qui a permis que de nombreux étudiants puissent bénéficier, en plus des mesures prises, de nombreuses initiatives de solidarité sur tout le territoire. » .

On a connu plus chaleureux : un mois et demi après le début du confinement, on attend toujours un discours dédié, une lettre aux communautés, de soutien sur ce qu’elles font mais aussi de bienveillance sur ce qu’elles risquent, elles et leur entourage ! Le contraste est d’ailleurs saisissant avec les responsables d’établissement qui eux, s’enquièrent de la santé de leurs personnels, de leurs conditions de travail.

Certes, comme ministre, Frédérique Vidal ne nous a pas habitués à des éloges dithyrambiques des établissements d’enseignement supérieur, surtout les universités, et de leurs personnels. C’est même la défiance vis-à-vis des présidents d’université depuis l' »affaire » des droits d’inscription des étudiants extra-communautaires. C’est un secret de Polichinelle, elle préfère les organismes de recherche, jugés plus « fiables », et qui incarneraient à eux seuls la recherche… Quant à son cabinet, il a été jusqu’à présent, et jusqu’à la caricature, le fer de lance de cette politique : « engueuler » les universités 2Mais aussi paraît-il les recteurs…, semble faire partie de son ADN… Avec une longue liste de cafouillages que mes lecteurs/rices connaissent bien.

Mais cela justifie-t-il ce silence assourdissant ? Il est vrai que c’est aussi le résultat d’une vision très « top down » et d’une illusion tenace : les opérateurs (mais curieusement ça s’applique moins aux organismes dont les dirigeants sont nommés…) doivent obéir. Est-ce l’explication de cette absence incroyable d’empathie ? En tout cas, dès le 18 avril dans Educpros, F. Vidal mentionne, après les Crous, les établissements qui « aussi contactent leurs étudiants et ont mis en place des aides pour leur permettre de rester connectés à travers des prêts d’ordinateurs ou des clés 4G. »

Ce « aussi » illustre ce fossé alors même que les établissements pilotent en réalité l’ensemble des dimensions de l’aide aux étudiants, cherchent et trouvent, souvent avec des bouts de ficelle, les solutions adaptées. Pourquoi ce manque de reconnaissance dans des établissements, qui sont, universités et écoles, en première ligne ? Pourquoi ne pas souligner que les enseignants-chercheurs se sont mobilisés comme jamais ? Que les personnels administratifs et techniques, pas seulement les cadres ont fait preuve d’un engagement remarquable ?

Un subjonctif qui en dit long

Et le 23 avril sur France Culture, elle estime que « ce qui est important c’est que l’ensemble (…) des enseignants et des enseignants-chercheurs soient mobilisés pour que, dans cette période exceptionnelle, il puisse y avoir, néanmoins continuité pédagogique ». « Soient » mobilisés, ce n’est pas « sont », comme si il y avait un doute 3Rappelons que le mode subjonctif permet d’indiquer une action envisagée ou hypothétique, un doute ou un souhait.Et ce doute de la ministre se traduit simplement : aucun hommage à la mobilisation des personnels et des équipes.

Et d’ailleurs, interrogée sur les risques d’aggravation des inégalités et le nombre d’étudiants aidés, ou encore le nombre d’ordinateurs distribués, ne pouvant répondre de façon détaillée, ce que l’on peut évidemment comprendre, elle ne cite pas pour autant les initiatives emblématiques des établissements, avec parfois le soutien des régions : distribution et prêt d’ordinateurs par milliers, délivrance de paniers-repas, soutien psychologique, suivi pédagogique individualisé etc. A-t-elle remarqué que des milliers d’étudiants ont été contactés individuellement, à une échelle jamais vue auparavant dans l’enseignement supérieur ?

Simple problème de communication ? Oui sans doute mais avant tout un « surmoi » qui l’empêche de s’appuyer sur les établissements, de leur faire confiance.

Ce que devrait dire une ministre

Mais le summum est atteint à l’occasion de son interview au Parisien/Aujourd’hui en France du 7 mai (abonnés) où elle annonce avoir demandé aux établissements de faire durer les cours magistraux à distance, décrit et annonce un ensemble de mesures … qui en réalité sont déjà prises par les établissements et leurs équipes pédagogiques. C’est bien sûr le rôle d’une ministre : mais pourquoi feindre d’en être l’organisatrice, pourquoi ne pas rendre hommage aux personnels, pourquoi ne pas prononcer ce mot qui semble impossible : la confiance ?

Certes, les relations du gouvernement et des communautés académiques sont faites de méfiance réciproque que les conditions des annonces sur la LPPR n’ont pas dissipé. Mais justement, c’est l’occasion de montrer aux personnels du soutien ! Or, ce comportement va laisser des traces : il n’aggravera peut-être pas le fossé, mais en tout cas ne le comblera pas.

La réalité de l’autonomie des établissements, universités, écoles, s’impose encore plus en temps de crise : ce sont eux qui doivent prendre des décisions en temps réel, mesurer l’état de la situation. Le rôle d’un ministre, et de ses directions, est à la fois d’obtenir les arbitrages nationaux indispensables 4C’est ce qu’expriment 2 vice-présidents d’université, Emmanuelle Jourdan-Chartier, (vice-présidente Université citoyenne, Université de Lille,) et Mathieu Schneider (vice-président Culture, Sciences en société, Université de Strasbourg) en préconisant 3 mesures simples qui « pourraient, à court terme, endiguer si ce n’est résoudre cette crise devenant structurelle » : « gel des loyers dans les résidences du réseau des CROUS pour les étudiants qui n’ont pas pu quitter leur 9m2 parce qu’ils ne disposent pas d’autres solutions, réouverture d’un Restaurant Universitaire par campus distribuant, en vente à emporter, un repas par jour pour un tarif qui devrait être inférieur au ticket habituel, maintien aux mois de juillet et août du versement des bourses sur critères sociaux, qui habituellement ne sont dispensées que sur 10 mois, les étudiants étant réputés libres de travailler pour se constituer un pécule en été ». et de soutenir, valoriser et encourager la première ligne.

Faut-il rappeler que le besoin de reconnaissance, les sentiment d’oubli ou d’humiliation ont toujours été dans l’Histoire des ingrédients (de la révolte mais aussi de l’adhésion) aussi importants que les moyens ?

Allez Madame la Ministre, il n’est jamais trop tard pour preuve d’empathie.

Références

Références
1 En conclusion d’un communiqué consacré le 22 avril aux examens, Frédérique Vidal « tient à saluer à nouveau la mobilisation exceptionnelle des différents acteurs de l’enseignement supérieur dans cette période. »  Idem le 5 mai, au milieu d’un communiqué, elle souligne « à nouveau la mobilisation exceptionnelle de toute la communauté de l’enseignement supérieur (établissements, associations, équipes pédagogiques, CROUS…), qui a permis que de nombreux étudiants puissent bénéficier, en plus des mesures prises, de nombreuses initiatives de solidarité sur tout le territoire. »
2 Mais aussi paraît-il les recteurs…
3 Rappelons que le mode subjonctif permet d’indiquer une action envisagée ou hypothétique, un doute ou un souhait.
4 C’est ce qu’expriment 2 vice-présidents d’université, Emmanuelle Jourdan-Chartier, (vice-présidente Université citoyenne, Université de Lille,) et Mathieu Schneider (vice-président Culture, Sciences en société, Université de Strasbourg) en préconisant 3 mesures simples qui « pourraient, à court terme, endiguer si ce n’est résoudre cette crise devenant structurelle » : « gel des loyers dans les résidences du réseau des CROUS pour les étudiants qui n’ont pas pu quitter leur 9m2 parce qu’ils ne disposent pas d’autres solutions, réouverture d’un Restaurant Universitaire par campus distribuant, en vente à emporter, un repas par jour pour un tarif qui devrait être inférieur au ticket habituel, maintien aux mois de juillet et août du versement des bourses sur critères sociaux, qui habituellement ne sont dispensées que sur 10 mois, les étudiants étant réputés libres de travailler pour se constituer un pécule en été ».

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