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Il est de bon ton de sourire du feuilleton de la gouvernance dans l’ESR : PRES, Comues, fusions, ordonnance, on ne compte plus les tentatives de la faire évoluer. Il y aurait donc d’un côté les mauvais élèves de l’ESR, avec leur anarchie organisée, et de l’autre les méthodes efficaces des entreprises. Sauf que… Les feuilletons Renault-Nissan ou encore Air France-KLM nous rappellent quelques vérités : les process ne font pas tout.

Sur ce blog, si je ne ménage pas les acteurs de l’ESR (qui aime bien châtie bien !), j’ai toujours salué l’incroyable fonctionnement d’un système universitaire qui malgré (ou grâce à ?) tout ses défauts, et notamment une absence de réel pouvoir centralisé et décisionnaire, a réussi à faire face à des défis incroyables : massification bien sûr, mais aussi et surtout changements incessants, et/ou changements majeurs dans des délais contraints (Parcoursup par exemple).

Son obsession de la collégialité, confondue avec la “démocratie universitaire”, a pour contrepartie un engagement parfois exceptionnel.

Dans les débats sur la gouvernance universitaire, on lui a souvent opposé l’efficacité du management des entreprises et de leur processus de décisions. On sait avec Daniel Kahneman, le prix Nobel d’économie, que les processus de décision prétendument rationnels dans la sphère économique et financière ne le sont pas vraiment, perclus de biais cognitifs et émotionnels.

N’a-t-on pas les mêmes biais cognitifs lorsque l’on s’énerve à propos de tel ou tel fonctionnement des universités ? Des armées de consultants et d’avocats, les meilleurs diplômés de Grandes écoles, patatras : on découvre que 2 entreprises majeures, Renault-Nissan et Air France-KLM, des dysfonctionnements, voir parfois un amateurisme … dignes de ceux que l’on prête généreusement aux universités !

On a ainsi l’impression de revivre en permanence le feuilleton du Crédit Lyonnais avec cette descente aux enfers, payée par le contribuable, grâce aux délires et dérives de l’élite de l’élite, les Inspecteurs généraux des finances.

N’étant pas un spécialiste de la gouvernance des entreprises, j’observe cependant que l’esprit de système, le culte du process conduisent bien souvent à oublier l’essentiel : ce sont des hommes et des femmes qui en dernière analyse, prennent les décisions, les appliquent. Les enjeux essentiels, avant d’être juridiques ou financiers, sont humains.

Ne pas rougir de ce bilan mais rester lucide

Dans l’ESR, y compris les Business schools (mais avec l’échec retentissant de FBS), ont été menés de grands chantiers de fusion, le Graal de nombreuses entreprise qui elles y ont laissé des plumes. Bien sûr, rien n’est totalement comparable, mais à rebours de l’autoflagellation en vogue dans l’ESR, je me suis interrogé sur mes propres biais cognitifs…?

  • avec des moyens dérisoires comparés aux entreprises (avocats, consultants etc.), des institutions universitaires d’envergure ont conduit des fusions très complexes, certes pas parfaites, mais globalement réussies : à ma connaissance, 10 ans après, l’université de Strasbourg ne se porte pas trop mal et personne ne semble regretter l’existence de 3 universités.
  • sauf erreur de comptage, 7 universités ont mené ce processus de fusion à terme, sans dégâts majeurs à moyen et long terme et même avec des dynamiques très intéressantes.
  • leur gouvernance est sans doute critiquable, mais les présidents concernés ont-ils démérité par rapport aux générations d’énarques qui ont géré Air France puis Air France-KLM ?
  • la critique (légitime) des contre-pouvoirs universitaires parfois paralysants ne peut-elle être tempérée par ce que l’on découvre de la gouvernance opaque et centralisée de Renault ?

J’ai évoqué ce culte, voire ce dogme des process. Bien sûr, les universités ont encore des progrès à faire : l’identification des coûts réels est encore plus qu’inégale, la gestion parfois approximative, une GRH endiguée par l’individualisme des enseignants-chercheurs etc. Mais globalement, avec leurs contraintes, leurs pesanteurs, elles n’ont pas à rougir.

Ce qui leur manque le plus, et que les entreprises ont (le nouveau PDG d’Air France KLM le montre), c’est la capacité à faire vite. Ce que leurs concurrents internationaux savent faire.

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