Débats et précisions sur les chiffres des universités, bonnes et mauvaise nouvelles en matière de recherche (% du PIB, engagement de chercheurs sur la transition écologique, prix Nobel) et de formation (apprentissage, enseignement supérieur privé, Parcoursup et chiffres de l’OCDE), je vous propose une sélection d’informations qui nous donnent des tendances ou expriment des ‘signaux faibles.’
Dans cette actualité dramatique, je ne peux que renvoyer à ce que j’écrivais à propos de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les clivages universitaires potentiels qu’elle révélait. Décidément, l’Histoire se répète parfois, en voyant ces universitaires de LFI imiter, à propos du Hamas ou de l’assassin de Dominique Bernard, leurs prédécesseurs qui défendaient Staline, Mao ou Pol Pot et niaient leurs crimes au nom du rejet du capitalisme. Ils/elles y ajoutent l’infamie de l’antisémitisme, que fort heureusement, leurs universités rejettent avec fermeté.
La vérité des chiffres
Rappelons que j’ai avant tout voulu attirer l’attention dans mon article “Effectifs et moyens des universités : “secret-défense” ou transparence ?” sur un manque de transparence récurrent. Ce dernier joue en réalité contre les universités elles-mêmes, et il marque les limites des projets Excellences, rustines que tout le monde essaie de coller sur sa roue crevée. Car 800M€ annoncés, c’est en réalité environ 130/140M€ par an qui aurait pu/dû servir à remettre à réduire les écarts les plus criants entre universités.
Une précision sur les effectifs. Comme me l’ont fait remarquer à juste titre des présidents d’universités, l’évolution est aussi liée à l’intégration des IFSI, ou au rattachement des IUFM/INSPE. Il y a naturellement les changements de périmètre liés aux EPE : ce qui explique que je n’ai pas souhaité traiter les universités G. Eiffel ou CY par exemple, pour éviter toute erreur. Mais enfin, est-ce à moi, ou à d’autres, de faire ce travail 😉?
Des universités en difficulté. Ne soyons pas dans le déni : il y a clairement des université en difficulté en termes d’attractivité. Je laisse à mes lectrices et lecteurs le soin d’en tirer des conclusions à partir de mes tableaux. Un exemple ? « L’équipe présidentielle porte l’objectif de regagner des étudiants, sachant que depuis plusieurs années, la Sorbonne Nouvelle connaît une baisse de ses effectifs » admet ainsi Daniel Mouchard, son président, dans une interview à AEF.info.
Concernant Evry et l’UVSQ, comme me l’a signalé un lecteur, les effectifs baissent en partie en raison de l’intégration (pas totale d’ailleurs) de leurs masters et doctorats au sein de l’université Paris-Saclay. Mais je remarque qu’en 10 ans, les nouveaux bacheliers passent à Evry de 1995 à 1546, soit – 30% ! Ce qui est simplement catastrophique. Et à l’UVSQ la progression n’est que de 5% ce qui ne témoigne pas d’une folle croissance. Et il n’en demeure pas moins que la dotation de SCSP publiée par le ministère est basée sur les chiffres que j’ai donnés… 1« Il y a bien un jeu de vases communicants, avec des inscriptions faites à Saclay pour des étudiants en réalité à UVSQ et Evry. C’est pourquoi la SCSP de ces établissements ne diminue pas, mais ça casse complètement les taux d’encadrement et SCSP/étudiants. » me fait remarquer J. Gossa.
Le coût des formations. le calcul de la dotation formation dans la dotation des universités est une question non réglée, comme Michel Bessière le rappelle. Outre l’absence de comptabilité analytique (l’arlésienne de l’ESR !), c’est aussi relié à l’improbable organisation de notre système, avec le fameux 50/50 pour les enseignants-chercheurs.
Une véritable traçabilité du coût des formations est-elle possible ? Oui selon l’analyse du CAE par type d’études et niveaux. Mais qu’en est-il au sein des établissements eux-mêmes ? Les auteurs de la note du CAE notent que « deux variables semblent particulièrement importantes pour expliquer les différences de coûts : le taux d’encadrement et le nombre d’heures des formations. » A-t-on le même phénomène budgétivore que dans le secondaire avec un nombre d’heures de cours au-delà de ce qui se pratique dans les pays de l’OCDE ? Sans résultats à la hauteur en plus ?
Le calcul des dotations. Autre remarque, celle du président de l’université d’Orléans à propos des dotations. Il pointe à juste titre les différences dans le calcul de la SCSP par étudiant autour de « deux facteurs structuraux essentiels » : le type de composantes mais surtout « le plus important sans doute, la couverture géographique de l’implantation de l’établissement. Ce dernier point est très impactant sur le coût de fonctionnement d’un établissement car N sites dans une métropole ne peuvent être comparable à N sites dans plusieurs départements d’une région étendue par exemple. »
Cependant, cette question peut en entraîner d’autres : le taux de boursiers et/ou le parcours scolaire d’origine, l’historique et le coût ‘immobilier’ différent à Paris et ailleurs, les coûts de chauffage différents selon les régions, les coûts de maintenance et d’entretien des salles selon l’équipement, la pyramide des âges des personnels etc. Bref, il ne peut exister de calcul idéal de dotation : cependant la variable des effectifs étudiants n’est-elle pas l’invariant le plus fondamental ?
Recherche : mauvaises et bonnes nouvelles
Selon une note du SIES-MESR, comme l’augmentation estimée pour 2022 de la Dird (+ 0,5 % en volume) serait moins élevée que celle du PIB (+2,5 % en volume), « ’effort de recherche baisserait, passant de 2,22 % en 2021 à 2,18 % en 2022 ». Décidément les 3% de Lisbonne sont loin, la France aussi…
Des chercheurs qui s’engagent : enfin une tribune qui propose ! Face à la « menace existentielle » que représente l’urgence climatique, plusieurs dizaines de scientifiques de renom, dont le prix Nobel Alain Aspect et les médailles d’or du CNRS Éric Karsenti et Jean-Marie Tarascon, ou encore des chefs d’établissement intuitu personae comme Alain Fuchs (PSL), Gilles Roussel (université G.Eiffel) ou Rémi Carminati (IOGS), appellent via une tribune dans Le Monde, à mettre en place un « centre de recherche et d’innovation, chargé de développer les outils scientifiques et technologiques pour la transition, en lien direct avec l’industrie », doté d’un premier budget d’amorçage de 1 Md€, afin d’atteindre les objectifs de neutralité carbone en 2050. Pas de « technosolutionnisme » mais un coup de pied au climat antiscience qui règne dans une partie (grande malheureusement) de la sphère « écolo », anti-nucléaire, anti-OGM, anti tout.
3 français Prix Nobel 2023. Si Moungi Bawendi, Pierre Agostini et Anne L’Huillier sont « à l’étranger » (et pour des raisons plus complexes que ce qui s’est dit), vision pessimiste, ils restent des produits du système français, vision optimiste. Mais je relève l’interview (très rare) d’Emmanuelle Charpentier, prix Nobel de chimie 2020, dans Le Point du 12 octobre dernier (abonnés) : elle tape à bras raccourcis sur le Max-Planck de Berlin où elle effectue ses recherches. Et dénonce un système allemand envahi par la bureaucratie, les « magouilles » etc. Comme quoi… Mais ce sont surtout ses réflexions, parfois très personnelles, sur la recherche qui sont intéressantes : investir, notamment dans les universités, difficulté à attirer les meilleurs étudiants vers la recherche, relation au travail complexe des jeunes générations, enjeu de la motivation personnelle à 54 ans etc.
Des Nobel (et une ministre ?) qui essaient de se faire entendre. N’ayant pas de relais dans la technostructure, S. Retailleau tente de peser d’une autre manière. Selon AEF.info, Emmanuel Macron a échangé, en visioconférence, le 11 octobre 2023, avec plusieurs prix Nobel et médailles Fields sur la simplification et le financement de la recherche. Alain Aspect indique avoir notamment évoqué la relation universités-organismes qui « doit évoluer », et a plaidé pour simplifier davantage l’écosystème, car les chercheurs « crèvent sous les procédures » tandis que d’autres intervenants auraient pointé la difficulté de concilier recherche de pointe et les charges d’enseignement actuelles.
ANR. Enfin, il faut noter que le taux de sélection de l’appel à projets générique 2023 de l’ANR est de passé à 24 %. « L’objectif-cible » de la LPR est de 30 %. Qui pourrait prétendre que cette trajectoire est une mauvaise nouvelle ?
Formation : mauvaises et bonnes nouvelles
Apprentissage : ça coince ! Va-t-on vers une réduction durable d’ampleur du soutien financier de l’État à l’enseignement supérieur ? Il faut « réinterroger » le niveau de ce soutien selon une proposition d’un rapport les « Modalités de financement des CFA », émanant de l’Igas et l’IGF. Les deux inspections proposent de réduire le niveau de prise en charge à partir de bac +3.
De son côté, France stratégie s’interroge sur « les modalités d’évolution « de ces aides en raison de la non-soutenabilité financière de la croissance de l’apprentissage, dans un rapport sur « Les politiques publiques en faveur de la mobilité sociale des jeunes« . Y est également relevé que, si la réforme des quotas dans Parcoursup s’est accompagnée d’une « nette augmentation » du taux de boursiers bacheliers admis (20 % en 2018 à 25 % en 2020), il baisse globalement en partie en raison du développement de l’apprentissage.
Privé inquiet. Si France Universités et la Cdefi manifestent leurs inquiétudes, c’est plutôt du côté du secteur privé que l’on doit croiser les doigts. Sa croissance s’est faite en grande partie à partir d’un modèle économique basé sur l’apprentissage. D’autant que les signaux d’alerte se multiplient : ainsi le concours Sésame perd 4 % de candidats, avec un contexte « anxiogène » qui freine les familles à investir dans des formations payantes, ou encore la concurrence des formations des « officines privées ».
Parcoursup : où sont les chiffres de l’Unef ou de Hendrik Davi ? « L’an dernier, plus de 100 000 jeunes sont ainsi restés sur le carreau à l’issue du processus de Parcoursup » affirmait sans ciller le député LFI Hendrik Davi en juin 2023. Mais il est vrai que lorsque l’on pense qu’Assad, Poutine et le Hamas résistent au méchant Occident, on n’est pas à un mensonge près… Et l’on n’entend plus l’Unef avec ses chiffres délirants : silence radio, y compris pour commenter le bilan de Parcoursup 2023 du MESR.
148 bacheliers seraient encore accompagnés par les CAES à la fin de la procédure. 148 ou 100 000, il y a quand même une question d’échelle !
Une bonne nouvelle, mais qui s’en soucie ? Même si la dépense par étudiant baisse en France (ou malgré), entre 2015 et 2022, la part des 25-34 ans titulaires d’un diplôme de l’enseignement supérieur « a augmenté de 5 points de pourcentage « , soit 50 %, « ce qui est supérieur à la moyenne de 47 % observée dans les pays de l’OCDE », selon le rapport annuel Regards sur l’éducation. Le niveau d’études s’est élevé à travers le monde entre 2015 et 2022, notamment dans les pays de l’OCDE et autres pays partenaires.
Références
↑1 | « Il y a bien un jeu de vases communicants, avec des inscriptions faites à Saclay pour des étudiants en réalité à UVSQ et Evry. C’est pourquoi la SCSP de ces établissements ne diminue pas, mais ça casse complètement les taux d’encadrement et SCSP/étudiants. » me fait remarquer J. Gossa. |
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Bonjour
sauf erreur de ma part le taux de succès ANR en 2022 est de 24% et en 2023 est de… 24%…belle trajectoire…
https://anr.fr/fr/actualites-de-lanr/details/news/les-resultats-definitifs-de-lappel-a-projets-generique-aapg-2022/
https://anr.fr/fr/actualites-de-lanr/details/news/premiers-resultats-de-laapg-2023-un-taux-de-succes-de-24-conforme-a-la-trajectoire-prevue-par-la/
Bonjour, vous avez tout à fait raison : je me suis fié à ma mémoire (défaillante !) et je n’ai pas vérifié, ce que je fais toujours, directement la source. On est effectivement pour 2023 ET 2022 à 24 %, contre 22,7 % en 2021 et 17 % en 2020. La LPR fixe l’objectif de 30% en 2027 et France Université vient de rappeler qu’elle demandait « l’application effective de la clause de revoyure de la Loi de programmation de la recherche. ». Comme un doute ? Encore merci pour votre vigilance !