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Je vous propose de partager quelques humeurs (bonnes ou mauvaises) pour 2020 avec un abécédaire de l’année 2020 et 5 textes que je recommande. Ceci est totalement subjectif mais assumé ! Peut-être cela rencontrera-t-il chez vous, chères lectrices et lecteurs (de plus en plus nombreux, merci !) un écho favorable ou à l’inverse cela suscitera des remarques acerbes. Débattons ! Loin du complotisme ou des discours haineux, je vous souhaite une bonne année 2020 ! Surtout avec la fin annoncée des Comue !

A comme arrêt (ou absurdité). Oui c’est politiquement la fin des Comue, le cauchemar de la communauté universitaire depuis la loi Fioraso. Historique mais 7 années de perdues. Un soulagement quand même, mais une pensée pour les personnels embarqués dans ces aventures insensées.

B comme « Bottom up ». C’est le pari affiché de l’ordonnance sur les établissements expérimentaux : une promesse qui n’engage que celles et ceux qui y croient ?

C comme couche supplémentaire. Les recteurs délégués à l’ESRI arrivent mais le casting a du retard. Ils ou elles sont par ailleurs attendus avec, sinon un fusil, méfiance par les recteurs… Avec un « dialogue stratégique de gestion » qui consterne beaucoup d’acteurs (en privé), la seule réforme de l’administration centrale consistera-t-elle dans cette nouvelle couche ?

C comme communication de crise. Un anniversaire du CNRS mené au galop toute l’année 2019 et patatras : la dernière manifestation de ses 80 ans, avec le président de la République, débouche sur une polémique sur le « darwinisme » dans la recherche, avec pétition, condamnation du CoNRS, justification d’A. Petit dans Le Monde, tribune incendiaire en réponse de F-X Fauvelle etc. Le président de la CPU Gilles Roussel enfonce lui le clou en regrettant les polémiques inutiles et en renvoyant A. Petit, nommé par la gouvernement, à ses déclarations qui relèguent « au second plan les sujets les plus importants, à commencer par l’affirmation de l’engagement de l’État aux côtés de la recherche pour en améliorer les moyens, le fonctionnement et l’attractivité. »

Calinothérapie. Après les impairs des 80 ans du CNRS, la visite « impromptue » d’Emmanuel Macron lors de la soirée annuelle de la CPU visait à rassurer des présidents d’universités inquiets des messages de défiance récurrents des pouvoirs publics. F. Vidal a eu besoin de le préciser : « les universités, en leur qualité d’opérateurs de recherche, sont au cœur de cette loi, au même titre que les organismes de recherche ». Ah ? Il y avait un doute ?

Clivages. Les résultats des élections universitaires en 2019 le montrent. Celles de 2020 devraient le confirmer. Le clivage entre professeurs et maîtres de conférences est grand. Il est d’ailleurs grand également en termes de participation aux élections entre les récentes « grandes constructions » et fusions d’établissements, comparés aux « petits » et/ou anciens établissements.

Duplicité. J’avoue que j’en ai un peu assez de ces scientifiques qui, dans l’espace médiatique, affirment des choses qu’ils n’oseraient jamais formuler dans un colloque scientifique. Ou alors celles et ceux qui sont payés pendant des années par le contribuable, en l’occurrence les universités ou les organismes, et qui ont développé leur petite entreprise en publiant livre sur livre, loin des publications scientifiques. Chacun les connaît mais l’omerta règne…

E comme étudiant(e)s. Le drame d’Anas K. a donné un coup de projecteur sur les questions de précarité. Remarquons quand même, que même à Lyon-II, aucun mouvement de masse (comme en 1986 avec la mort de Malik Oussekine), n’a eu lieu. Cela en dit long, quoiqu’on en pense, sur les évolutions profonde du milieu étudiant et des universités.

E comme Évaluation. Près d’un an après un courrier de la ministre au président du Hceres de l’époque Michel Cosnard, afin de changer les choses, rien ne s’est passé. Si, une commission de candidature infructueuse, relancée avec désormais un seul candidat, Thierry Coulhon. Le retour de la notation se profile, mais y aura-t-il un lien évaluation-financement ?

F comme financement. De rattrapage en rattrapage, l’enseignement supérieur et la recherche, particulièrement les universités, mettent de temps en temps la tête hors de l’eau puis replongent. A quand une priorité ?

H comme hommage. Jean-Pierre Bourguignon vient de quitter ses fonctions de président de l’ERC. Le succès de ces appels à projets lui doit beaucoup. Sera-t-il un jour prophète en son pays ?

I comme innovation. L’innovation devait être le domaine du MESR « innovation ». De fait, Bercy a les manettes avec la DGE ( oui 1300 personnes !). Dans Le Figaro du 26 décembre, son directeur, Thomas Courbe, magnanime, indique avoir organisé sa direction en équipes projets, et précise avoir « des échanges avec des directeurs d’autres ministères qui pourraient bénéficier de notre retour d’expérience. » Pour la DGRI ?

O comme optimisme. Oui, la situation de l’ESR en France semble parfois désespérante comparée aux pays équivalents. L’essor de l’enseignement supérieur privé ou semi-privé montre que la demande est forte et que des familles sont prêtes à payer cher. Aux universités de convaincre qu’elles représentent tant pour les familles que pour les pouvoirs publics un investissement nécessaire.

Palmarès. C’est l’inflation des palmarès en décembre (Le Figaro, L’Etudiant, Challenge) car Parcoursup arrive ! Une pensée pour celles et ceux chargés dans les écoles de collecter les données ?.

Rapprochement Grandes écoles-Universités Les business schools vivent une époque agitée avec des changements permanents de direction et un modèle économique très fragile, malgré quelques belles réussites. Mais les soubresauts de Lyon école de management révélés par AEF font plutôt penser (en plus riche certes) au Paris 8 Vincennes de la belle époque ! C’est sans doute une contribution au rapprochement universités-grandes écoles ?.

V comme villages gaulois. A la veille de la loi sur la recherche, les différentes communautés académiques sauront-elles comprendre qu’elles perdront gros en jouant leur partition chacune dans leur coin ? Qu’elles regardent ce que le secteur culturel a toujours su obtenir, sans parler des pilotes, des policiers, des agriculteurs ou des chasseurs…


5 textes que je recommande

Voici en quelque sorte ma liste de cadeaux de Noël pour mes lecteurs.

Les mirages des Ed Tech

L’article du blog Audrey Watters sur les Ed tech « The 100 Worst Ed-Tech Debacles of the Decade » démonte de façon jubilatoire les effets de mode, aux USA en particulier. Les journalistes et décideurs français qui adorent le suivisme, vont-ils, après avoir encensé les Ed Tech, appliquer le « lécher, lâcher, lyncher » ? En tout cas, une plume acérée sur les dérives des MOOCs, du « un portable par élève », des tableaux interactifs etc. Le numérique mérite mieux que des visions au mieux superficielles, au pire quasi religieuses !

Financement à la performance

Un article dans le THE sur une étude très critique à propos de certains effets de l’évaluation de la recherche britannique et de son financement à la performance (le REF que j’ai traité). Les établissements recevaient auparavant trois fois plus de financement lié à la qualité pour un article de recherche « de calibre mondial » (4*) que pour un article « d’excellence internationale » (3*). Mais le Higher Education Funding Council for England a annoncé, après la publication des résultats du REF 2014, qu’il avait modifié la pondération « à la suite d’une augmentation de 70 % du volume de la recherche ayant obtenu la meilleure note. » Résultat selon cette étude, « les universités d’élite du triangle d’or du Royaume-Uni devraient recevoir près de 60 millions de livres sterling supplémentaires grâce à un changement inattendu dans la façon dont les fonds de recherche liés à la qualité sont alloués ». Par contre, cela n’a guère changé la façon dont les 1,6 milliard de livres par an en recherche récurrente étaient répartis.

Des élites victimes de l’élitisme ?

Il faut lire ce N°100 de revue Éducation et Formation de la DEPP du ministère de l’Éducation nationale sur les contextes de réussite scolaire. Et notamment l’étude conduite par Béatrice Boutchenik et Sophie Maillard (Insee et Paris-Dauphine PSL) sur les effets de la composition des classes de terminale, entre « bons » et « mauvais » élèves. Avec une conclusion : regrouper les meilleurs élèves entre eux, comme le font les établissements publics et privés élitistes « n’apparaît pas bénéfique pour ces bons élèves eux-mêmes »… Prudentes, les chercheuses estiment cependant qu’introduire « une plus grande mixité scolaire au sein d’un établissement pourrait avoir un effet bénéfique pour la majorité des élèves ». Question d’équilibre.

Lutter contre l’inculture scientifique

Même si je ne partage pas sa vision du système de recherche (son tropisme CNRS lui fait ignorer la place des universités et les dynamiques locales), Sylvestre Huet a une grande qualité, celle de défendre la science contre vents et marées. Il faut lire son interview de novembre 2019 dans Le Point à propos de l’inculture scientifique qui règne en particulier chez les décideurs et dans les médias. Car selon lui, certains « sont tellement engagées dans un combat où les idées sont structurées à l’avance avec des messages simplifiés à but de propagande – c’est malheureusement la vie politique normale – qu’ils en arrivent à développer une relation malsaine à la science. Quand celle-ci ne va pas dans leur sens, elle est forcément corrompue. » Quant aux médias, le problème « c’est que nous avons des directions de journaux qui proviennent toutes de formations de type Sciences Po ou littéraires et voient la science et ses débats à travers ce prisme. »

Idéologies et sélection à l’université

Quand deux références de la sociologie française de l’éducation taillent en pièces … les arguments de leurs collègues sociologues militants, ça fait mal ! François Dubet et Marie Duru-Bellat ont publié en octobre 2019 dans la revue Esprit un texte au vitriol selon lequel « la critique de la sélection à l’entrée de l’université repose sur une vision misérabiliste des étudiants de milieu populaire et ne remet pas en question les inégalités au sein du système d’éducation. »

Ils se demandent « si la défense vigoureuse de la non-sélection à l’université n’est pas une de ces ruses de la raison légitimant les pratiques les plus sélectives des écoles petites et grandes. » Car « à y regarder de près, l’indignation anti-sélective est à géométrie variable » avec une distance « maximale entre les pratiques et les indignations anti-sélectives. » Fermez le ban…

2 Responses to “Mon abécédaire 2020 et 5 textes à lire absolument”

  1. Et tu aurais pu ajouter un « R comme retraite ».
    Après la suppression des assistants (fonctionnaires à 23 ans avec 38 ans de cotisation), le système a lentement mais sûrement dérivé avec un recrutement à plus de 33 ans en moyenne, 42 ans de cotisations et des années de thèses, post-doc… difficilement récupérables. Unanimement reconnus comme sous-payés dans la fonction publique, les chercheurs et enseignants-chercheurs seront-ils les grands perdants d’une réforme des retraites à cause d’une absence d’anticipation depuis plus de 20 ans.

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