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Au-delà du budget, il y a une question sur laquelle tous les ministres de l’ESR butent, celle de la réforme de leur administration centrale. On en a un (nouvel) exemple sidérant avec les propositions de l’IGESR à destination du MESR et des établissements sur les systèmes d’information : datées de janvier 2025, pas un mot sur l’intelligence artificielle ! J’ai donc demandé à Chat GPT et à Le Chat de faire des propositions : elles sont très concrètes, pour les établissements, les personnels et bien sûr pour les étudiants.

On a beaucoup parlé du sommet IA qui vient de se tenir à Paris. Logiquement, je me suis donc intéressé à l’impact de l’IA dans l’ESR. Hasard, au même moment sort un rapport de l’IGESR (daté de janvier 2025) intitulé « Systèmes d’information de gestion des établissements d’enseignement supérieur : bilan et perspectives » qui n’évoque à aucun moment l’IA 1 J’ai vérifié plusieurs fois, croyant me tromper sur l’absence du mot intelligence artificielle… et encore moins son impact. Et autre hasard, AEF.info révèle un « document de travail » d’un comité, le COREALE (comité numérique pour la réussite étudiante et l’agilité des établissements) 2Il constitue avec le comité pour les services et infrastructures numériques (COSIN) et le comité de pilotage interne du numérique (COPIN) l’un des 3 éléments du pilotage national pour traiter de la politique numérique de l’enseignement supérieur et de la recherche. qui, c’est le moins que l’on puisse dire, effectue un virage à 180° sur l’IA : sa stratégie 2023-2027 3Annexe du rapport IGESR page 61., ne l’évoquait pas du tout. Le résumé sur le site du MESR des travaux du comité (mis en ligne en février 2025) ajoute d’ailleurs en catastrophe une proposition « Analyser l’impact de l’IA sur les pratiques et dispositifs de l’enseignement supérieur », noyée au milieu de 10 thématiques et 26 mesures… Un sens de la stratégie aiguisé !

Alors, que propose l’IGESR ? Il faut « décider au niveau du MESR d’un unique SI de gestion socle des établissements d’enseignement supérieur et organiser la mutualisation pour sa constitution et son déploiement ». Pourquoi pas… Mais y a-t-il besoin d’avoir un doctorat pour comprendre qu’un cahier des charges ne prenant pas en compte l’IA est voué à l’échec ? D’autant que tout son rapport plaide de facto pour l’inverse en décrivant à la fois l’incapacité du MESR et la capacité des établissements à faire face… pour peu qu’on les aide.

Mais comment peut-on oublier l’impact de l’IA ?

Donc, l’Inspection générale se fixe 3 objectifs 4Gouvernance du système, état des lieux quantitatif et qualitatif, mutualisation. , élabore 4 scénarios, émet 6 recommandations, mais oublie malencontreusement d’aborder l’impact de l’IA sur l’ESR et l’ensemble de ses systèmes… C’est ballot non ? Pourtant, le rapport procède à un état des lieux très intéressant mais ne peut s’empêcher de délivrer des affirmations scolaires, voire pédantes (« La construction des scénarios se fonde sur la méthode d’analyse morphologique » 🤭) et de manier la langue de bois (« Un consensus se dégage pour développer la mutualisation dont la forme fait cependant débat. »).

Un aveuglement partagé ? Est-il possible que les inspecteurs/rices n’en aient pas entendu parler ? Leurs relecteurs/rices non plus ? Que leurs interlocuteurs auditionnés pas plus ? La réponse est sans doute dans un mode de fonctionnement qui a envahi la sphère décisionnelle : incapacité à réagir vite, à s’adapter et à sortir des schémas de pensée traditionnels.

Ajoutez-y un tropisme centralisateur inhérent à ce type de rapport : il faut toujours suggérer à l’administration centrale de reprendre la main. On ne trouve que ce que l’on cherche ! L’IGESR affirme ainsi qu’un SI de gestion socle, sous l’égide du MESR, n’est pas contradictoire avec l’ « injonction » (sic !) à l’autonomie et à la différenciation. Pourquoi ? Parce qu’il ne participe pas selon elle à cette différenciation, contrairement à la formation et à la recherche. Doit-on dire la même chose pour la gestion du patrimoine alors, et la recentraliser ?

Des établissements plus efficaces que le MESR. Pourtant, l’IGESR relève, à propos des SI que « les retours des équipes de direction sont plutôt positifs, malgré les progrès possibles. » Mais elle souligne un paradoxe : les établissements ou leurs représentants sont plus demandeurs d’un « modèle prescriptif », alors que les directions générales du ministère soulignent « la complexité d’une telle harmonisation. » La vérité est que les établissements demandent plutôt au MESR de la clarté et du soutien, pas une recentralisation.

Un problème de confiance les capacités du MESR. Comme dans d’autres secteurs, la « dispersion dans l’organisation ne facilite pas une approche consolidée des questions de SI au niveau MESR ». Traduction : le MESR est tellement ‘largué’ que la DGESIP et la DGRI ont sollicité une étude « par la cellule des consultants du secrétariat général des ministères 🤭. »  A tel point que les chantiers ‘Simplification de la recherche’ et ‘Acte 2 de l’autonomie’ lancés par le MESR et pilotés respectivement par la DGRI et la DGESIP « disposent chacun de leur gouvernance » et « leurs périmètres d’action ne prennent pas directement en compte les aspects SI afférents. » Pas mieux !

Bref, c’est le constat de l’incapacité de l’administration centrale à disposer d’une stratégie 5Le comité de pilotage interne du numérique (COPIN) n’a pas encore été installé et « aucune information n’a été communiquée à la mission concernant son calendrier. », ce que confirme un schéma surréaliste (annexe 8, page 103) ! Comment faire confiance au MESR et à son administration centrale dans ces conditions ?

Impasse sur la recherche. Et puis le rapport fait une impasse surprenante sur la recherche. Il y a cette note de bas de page (page 29) pour enfoncer une porte ouverte : « s’agissant du SI recherche, le fait que dans une université ou un EPST, un laboratoire soit géré par un ou plusieurs gestionnaires doit être pris en compte. » Seule allusion au SI recherche (page 31), l’impossible interopérabilité, d’un SI pourtant prévu, dès 2011 et pour 2014, par un accord entre le CNRS et l’AMUE. Un peu court non ?

La ‘chimère’ des solutions centrales

Je ne suis absolument pas un spécialiste des SI mais à la fin des années 90, j’avais assisté au fiasco d’une solution de gestion financière, Nabuco, conçue par l’Amue de l’époque, dans une optique clairement centralisatrice. On peut d’ailleurs observer que le bilan des applications nationales de l’État est régulièrement catastrophique, de l’éducation nationale à la Défense (ah Louvois !), l’Intérieur, la Justice etc. Sans même évoquer pour l’ESR l’ex Galaxie. A chaque fois, on constate une vision centralisatrice en totale déconnexion avec les problématiques du terrain, avec pour toile de fond une folie réglementaire et bureaucratique. Et aussi un manque de compétences au MESR…

Fiasco de Nabuco et essor de la mutualisation. L’échec de Nabuco a d’ailleurs été fondateur de la mutualisation actuelle avec l’émergence de Cocktail et un foisonnement de solutions, face à l’impéritie de l’Amue de l’époque. Car le constat essentiel du rapport est celui d’une incroyable créativité, au bon sens du terme, des acteurs locaux et de la déliquescence du pilotage ministériel.

Evidemment tout le monde est pour la « mutualisation ». Mais comme le relève le rapport, chacun a fait part de son « scepticisme » sur le fait de mettre d’accord tous les acteurs de l’enseignement supérieur sur des fonctionnalités identiques portées par un seul outil. Et « plutôt que de focaliser son attention sur l’outil, ces acteurs insistent sur la structure et la fiabilisation des données », gage d’une interopérabilité.

Des expériences étrangères pourtant peu concluantes. La mission le constate elle-même à propos d’une tentative de mutualisation « qui a échoué : l’initiative MAC en Angleterre » (page 29), fiasco des visions centralisatrices 6« Dans tous les cas, le fait de s’appuyer sur les établissements est un facteur déterminant de la mutualisation ; l’absence d’implication des établissements a en effet été un écueil important à l’origine pour partie de l’échec de l’initiative MAC en Angleterre. », encore plus vaines face à des établissements qui revendiquent leur autonomie. Et le système centralisé mis en place en Suède ne concerne que les admissions et la scolarité … pour 40 universités. Quant à l’exemple allemand, coexistent des systèmes sous la tutelle des Länder (par exemple les frais de mission) et un système fédéral (HIS) qui « propose des services à un coût avantageux mais avec des fonctionnalités parfois limitées ou datées par comparaison aux logiciels que fournit la société SAP. »

Le ‘réveil’ tardif du COREALE sur l’IA

Le document de travail du COREALE qui, dans son document stratégique ne pipait mot de l’IA, estime désormais qu’il est « urgent d’élaborer de véritables stratégies IA dans les établissements «  d’enseignement supérieur et « de prendre le contrôle de l’usage de ces outils en sortant de la posture d’attente de ces derniers mois ». Le comité juge « nécessaire de mettre en place une coordination nationale qui laisse toute sa place à l’émergence et à l’expérimentation, tout en s’assurant que les moyens soient mutualisés efficacement, en dehors de toute logique de concurrence ». Si je traduis : l’inverse de ce propose l’IGESR et de ce que fait le MESR…

Il y a bien sûr un sujet en soi des SI, des relations entre établissements et MESR, entre associations professionnelles et gouvernance, entre MESR et et les autres ministères, avec la législation etc., mais comment ignorer le changement de paradigme ? Tout le rapport de l’IGESR souffre justement de ne pas avoir su/vu cet impact.

Mais justement, que dit l’IA sur les SI dans l’ESR ?

Cependant, cet oral de rattrapage du COREALE, révélé par AEF.info, n’aborde qu’un aspect, certes important, celui de l’enseignement et les apports potentiels de l’IA générative. On y retrouve d’ailleurs les suggestions de ChatGPT et de Le Chat Mistral AI.

Je me suis ainsi livré à ce petit jeu en interrogeant ChatGPT et Le Chat Mistral AI, en m’adressant plutôt au ‘bon dieu’ actuel (l’IA) qu’à ses ‘saints’ (le MESR et l’IGESR). Force est de constater que ChatGPT est beaucoup plus précis mais que Le Chat est plus réaliste.

A la question, « ce rapport parle-t-il d’intelligence artificielle ? » ChatGPT commence par se tromper gravement ! « Oui, le rapport mentionne l’intelligence artificielle, notamment en lien avec l’éducation et l’évolution des systèmes d’information. » Alors que Le Chat Mistral AI est plus lucide si je peux dire : « En résumé, bien que le rapport ne traite pas directement de l’impact de l’IA, il aborde plusieurs domaines où l’IA pourrait avoir un impact significatif sur les systèmes d’information de gestion des établissements d’enseignement supérieur. »

Oui mais quel impact ? Pour faciliter le travail de l’IGESR, de la Dgesip et de France Universités, je mets gratuitement à leur disposition un schéma directeur à partir des 2 applications d’IA. Ce résumé ne m’engage pas mais ne m’a pas semblé complètement à côté de la plaque 🤭!


Les suggestions de Chat GPT et Le Chat Mistral AI

Chat GPT pointe lui-même des limites : « Les IA ont encore du mal à évaluer la créativité, la nuance et l’originalité des réponses longues. »  Cependant, ChatGPT et Le Chat soulignent comme priorité qu’il faudra évidemment former les enseignants et les personnels pour intégrer ces technologies dans leurs pratiques pédagogiques et administratives.

Optimisation de la gestion administrative et des services aux étudiants

Automatisation des tâches répétitives (traitement des candidatures, gestion des inscriptions, planification des cours), assistance administrative (chatbots et assistants virtuels par exemple pour l’inscription aux cours ou la gestion des emplois du temps)

Automatisation et optimisation des processus financiers

Automatisation comptable (écritures comptables, chasse aux erreurs et vérification de la conformité aux normes financières), prévisions budgétaires (algorithmes de machine learning pour anticiper les besoins budgétaires des universités et optimiser l’allocation des ressources), suivi des dépenses et détection des anomalies (surveillance en temps réel les transactions financières), automatisation du traitement des paiements (‘Robotic Process Automation’ pour la gestion des frais de scolarité dont la gestion des droits différenciés), analyse des risques de défaut de paiement (modèles prédictifs).

Optimisation des achats et des marchés publics

Analyse des fournisseurs et optimisation des achats (comparaison des offres, négociation des contrats et réduction des coûts liés aux achats universitaires), gestion du cycle de vie des marchés publics (automatisation de la conformité aux réglementations et amélioration du suivi des contrats)

Amélioration de l’enseignement et de l’apprentissage

Personnalisation des parcours (contenu pédagogique en fonction du profil et du niveau de chaque étudiant), analyse des performances (identification des lacunes des étudiants et recommandation de ressources spécifiques.), prédiction des abandons (analyse des données académiques et comportementales pour détecter les risques d’abandon et proposer un accompagnement personnalisé.), détection de plagiat et intégrité académique, simulations et laboratoires virtuels (environnements de simulation réalistes pour des expériences pratiques, sans les contraintes physiques ou financières).

Organisation des examens

Correction automatique et évaluation des copies (fourniture de feedbacks plus rapides et détaillés.), évaluation automatisée (pour permettre une rétroaction plus rapide pour les étudiants), questions adaptatives (ajustement de la difficulté des questions en fonction des réponses précédentes de l’étudiant, afin de disposer d’évaluations en continu basées sur les progrès), surveillance et intégrité (détection des comportements suspects ou les tentatives de triche), évaluation des compétences pratiques : Pour les matières nécessitant des compétences pratiques, les simulations basées sur l’IA peuvent évaluer les étudiants dans des environnements virtuels, offrant une évaluation plus réaliste et sécurisée.) feedback personnalisé (après les examens, pour aider les étudiants à comprendre leurs erreurs et à s’améliorer.), accessibilité (fourniture de versions adaptées pour les étudiants ayant des besoins spécifiques, comme des troubles de la vision ou de l’audition, reconnaissance vocale ou traduction automatique).

Sécurité et gestion des infrastructures IT

Détection des cyberattaques : (algorithmes de machine learning pour surveiller les SI et détecter des anomalies, prévenir les intrusions.), optimisation des infrastructures (gestion plus efficace des serveurs, réduction de la consommation énergétique et amélioration de la disponibilité des services.).

Recherche et innovation

Aide à la recherche (analyse de grandes bases de données scientifiques, faciliter la veille et identifier des tendances émergentes), gestion des laboratoires et des projets (automatisation du suivi des publications, des financements et des collaborations entre chercheurs.).

Pilotage et prise de décision stratégique

Systèmes décisionnels avancés (intégration d’outils de Business Intelligence et d’IA pour fournir des tableaux de bord financiers intelligents et des analyses en temps réel.), simulation des impacts budgétaires (modélisation de l’impact de décisions financières sur plusieurs années afin d’aider les gouvernances universitaires à anticiper les évolutions.)

Références

Références
1 J’ai vérifié plusieurs fois, croyant me tromper sur l’absence du mot intelligence artificielle…
2 Il constitue avec le comité pour les services et infrastructures numériques (COSIN) et le comité de pilotage interne du numérique (COPIN) l’un des 3 éléments du pilotage national pour traiter de la politique numérique de l’enseignement supérieur et de la recherche.
3 Annexe du rapport IGESR page 61.
4 Gouvernance du système, état des lieux quantitatif et qualitatif, mutualisation.
5 Le comité de pilotage interne du numérique (COPIN) n’a pas encore été installé et « aucune information n’a été communiquée à la mission concernant son calendrier. »
6 « Dans tous les cas, le fait de s’appuyer sur les établissements est un facteur déterminant de la mutualisation ; l’absence d’implication des établissements a en effet été un écueil important à l’origine pour partie de l’échec de l’initiative MAC en Angleterre. »

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