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Dans le JDD du 24 juin, Jean Tirole dénonçait une fois de plus les Idex « ensembles trop gros » et donnait quelques exemples. Au même moment, le nouveau PDG du CNRS, dans le cadre de sont tour de France des sites, met de grands coups de pied dans la fourmilière de l’ESR : des systèmes d’information qui ne marchent pas vraiment, des Comue qui ne servent à rien, des outils du PIA qui sont incompréhensibles et des écoles d’ingénieurs qui doivent faire des choix… Au moment où se discutent les futurs « assouplissements » des statuts d’établissements, et où la ministre reste empêtrée dans Parcoursup, Antoine Petit propose de mettre de l’ordre dans la tutelle des labos. Sera-t-il le seul à vouloir mettre un peu de cohérence ?

Ce n’est pas un scoop que de constater le sentiment de flottement actuel dans l’ESR, qu’a accentué l’épisode diplôme/grade de licence avec la fin, ou pas, du monopole des universités.

Une ministre en permanence en première ligne sur Parcoursup, au risque de l’épuisement, une stratégie de l’innovation aux mains de Bercy, une Dgesip toujours aussi contestée dans son fonctionnement, le MESRI et ses directions traversent une passe difficile.

Mais la nature ayant horreur du vide, le nouveau PDG du CNRS Antoine Petit a sonné la charge…d’une potentielle évolution significative du système, en réclamant au passage des marges de manœuvre pour le CNRS.

Effectuant un tour des grands sites universitaires, il n’y va pas avec le dos de la cuiller : à Lille il s’interroge à haute voix sur la nécessité d’une Comue, persifle sur les instruments du PIA (dont la Cour des comptes a encore dénoncé la complexité). A Lyon, il en remet une couche, demandant à l’INSA de clarifier sa position et donnant le coup de pied de l’âne à Lyon 2 (en résumé, on travaillera avec vous si il y a une pertinence scientifique).

Et si personne n’avait compris, c’est sur la multitutelle des labos qu’Antoine Petit tape fort : 2 tutelles lui semblent un maximum, un organisme, une université « au sens global du terme » , et la direction à celui qui met le plus de moyens.

Au passage, il lance une pierre dans le jardin de ses services et de l’Amue car « le mythe du grand système d’information ne ressemble à rien », mais aussi des sites qui, s’ils le voulaient, connaissent parfaitement les moyens dont ils disposent.

Une (r)évolution du millefeuille ?

Bref une (r)évolution dans le millefeuille français, puisqu’il estime par exemple que, vu leur taille et leurs moyens, certaines écoles d’ingénieurs pourraient être de simples partenaires… Si cette politique était mise en place, l’assouplissement des statuts des établissements afin de permettre des regroupements plus cohérents servirait-il réellement à quelque chose ?

Car bouger les lignes sur la tutelle des labos, c’est éventuellement simplifier la vie des chercheurs (pas gagné quand même !) mais surtout clarifier les responsabilités des uns et des autres.

Ses propositions soulignent également en creux l’échec des alliances de recherche et interviennent au moment où Yves Lévy et l’Inserm sont de plus en plus critiqués pour leur propension à jouer sans leurs partenaires.

Ces déclarations répétées du PDG du CNRS laissent peut-être entrevoir une nouvelle étape : des politiques de site dans lesquelles le CNRS jouerait le rôle d’arbitre, rôle que le MESRI est incapable de jouer.

Et Antoine Petit, en bon amateur de rugby, pense que l’arbitre doit beaucoup expliquer mais doit trancher : il n’hésite donc pas à sortir le carton jaune, voire le carton rouge. Car outre la labellisation du CNRS, les moyens alloués ne sont pas négligeables et constituent une belle carotte.

De fait le réel ministère de la Recherche en France n’est pas le MESRI mais le CNRS, tant du point de vue des moyens que du point de vue symbolique.

Quand Jean Tirole en remet une couche sur Toulouse, Lyon et Aix-Marseille

C’est dans ce contexte que Jean Tirole revient sur les faiblesses de l’ESR français. On connaissait l’aversion du prix Nobel pour les Idex, surtout depuis l’échec du premier projet toulousain pour lequel il avait voulu s’impliquer.

Il a dans le JDD tiré une nouvelle fois « sa » sonnette d’alarme : « Il faut arrêter d’octroyer aux universités un monopole régional sur une discipline et cesser de créer des mammouths d’une centaine de milliers d’étudiants. A Lyon, Marseille ou Toulouse, par exemple, nous pourrions avoir 5 universités totalement pluridisciplinaires avec chacune 15 000 à 20 000 étudiants, ce qui nous rapprocherait de la norme internationale. » 

S’il pose le même diagnostic que la sociologue Christine Musselin, on voit cependant mal Aix-Marseille Université revenir en arrière, même si la partition de la Tchécoslovaquie s’est faite sans heurts majeurs ?.

Mais il est vrai que les projets toulousains et lyonnais sont dans une situation plus que compliquée dont personne ne voit de sortie positive se dessiner. A la différence de Toulouse, qui n’a pas d’Idex mais un gros potentiel scientifique, la situation lyonnaise inquiète encore plus. Ce qui explique sans doute le rappel à l’ordre du PDG du CNRS. Car le jury international veille…

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