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Les récentes élections au CNU, après plusieurs élections nationales en moins d’un an (Cneser, Conseil scientifique du CNRS, CAPN et CTU/CTMESR), illustrent sans doute un changement d’époque. Le désintérêt des personnels s’exprime par une abstention croissante conjuguée à l’émergence des listes indépendantes. La comparaison avec 6 élections de CA d’universités tenues en 2019 est cruelle : les taux de participation y sont à des niveaux élevés. L’échelon de proximité et la stratégie de l’établissement sont devenus le centre de la légitimité. Les effets de l’autonomie des universités, combinés à ceux des appels à projet, semblent redessiner le paysage.

L’ESR n’échappe pas au processus général de désaffection pour les élections 1Pour les élections étudiantes, il s’agit d’un autre débat.. Celles des différentes sections du Conseil national des universités (CNU) d’octobre 2019 semblent marquer la fin d’une époque : la participation baisse de 4% à 46 % contre 50 % en 2015. Surtout, les listes indépendantes font 49 % contre 51% à un paysage syndical fragmenté (le Snesup fait 25,7 %, le Sgen 10,9 % notamment).

Pourtant, si le CNU “gère” les carrières, son caractère national est désormais percuté par les stratégies d’établissement, locales et donc, pour le meilleur ou pour le pire, de proximité. Au désintérêt croissant de plus de la moitié des enseignants-chercheurs se joint également, avec les listes indépendantes, un redéploiement vers une vision probablement plus centrée sur l’aspect strictement scientifique et disciplinaire. Le CNU en sort très affaibli au moment où va se discuter, avec la LPPR, son avenir. Et les syndicats pourront méditer sur là où est désormais leur véritable influence.

Un phénomène général

La régularité du phénomène, son intensité et ses spécificités laissent peu de place aux doutes : une page se tourne aussi dans l’ESR avec cette séquence électorale Cneser, CNU, conseil scientifique du CNRS et CTU/CTMESR. Il s’agit évidemment d’une tendance générale, lourde, qui n’est pas née à cette occasion, et qui se conjugue avec les résultats de plusieurs élections précédentes et d’autres en cours 2Cette analyse est rendue possible grâce à la mémoire de l’ESR que constituent les dépêches AEF.. Quels que soient les aléas de chaque scrutin, 3Y compris dans les rapports de force entre syndicats., à chaque fois on retrouve accentuation de l’abstention et préférence pour les scrutins de proximité, y compris au CNRS.

Comme l’écrivait fort lucidement le SNTRS-CGT à propos des élections au conseil scientifique du CNRS : “Dans un contexte où les programmes de recherche, la vie des formations de recherche du CNRS dépendent moins de l’organisme mais de plus en plus d’agences et de structures extérieures (ANR, HCERES, Idex, Isite…), de nombreux collègues estiment sans doute que ces instances manquent d’intérêt.” 

Si en 2016, la participation y était honorable, l’enjeu est de savoir si le renouvellement prévu des sections du comité national (CoNRS) en 2021 suivra la pente du CNU.

Élections aux CA d’université : la priorité des personnels

En effet, plus on s’éloigne du processus de décision, moins on vote, quels que soient les enjeux politiques. Ce n’est pas propre à l’ESR (les élections municipales confirmeront sans doute ce pronostic). D’où la relative bonne santé des élections au commissions paritaires nationales, qui ont un impact sur les carrières. Mais c’est surtout le cas des élections aux CA des universités.

Le point essentiel est l’impact de l’autonomie des universités. Tout se passe comme si les communautés, en particulier les professeurs, actaient que désormais c’est au niveau de leur établissement que sont les enjeux. En prenant 6 élections de CA d’universités de 2019, on constate que les  taux de participation y sont a minima honorables voire remarquables par comparaison avec les autres élections, CNU, CNESER ou CS du CNRS.

Ainsi, le poids des représentations, les réseaux sociaux, font souvent confondre l’apparence des choses avec leur réalité profonde : les président(e)s d’université élus sont de plus en plus légitimes vis-à-vis de leurs communautés. Ceci ne préjuge en rien de la pertinence de leur stratégie mais fait des universités le pivot incontournable de toute politique dans l’ESR.


En collectant les résultats d’élections aux CA de 6 universités pour l’année 2019, on peut dégager une tendance que ne devrait pas démentir le “paquet” d’élections prévues au printemps 2020. Il y a évidemment des variations parfois importantes, mais rien qui infirme cette tendance forte : le corps électoral est concerné par l’élection de son CA et de son/sa futur(e) président(e).

Taux de participation aux CA de 6 universités en 2019

UniversitéCollège A (Professeurs et assimilés)Collège B (MdC et assimilés)Collège C (Biatss)
Avignon université88%85%77%
Rennes 289,68%62,14%66,14%
Saint-Etienne (Jean Monnet)55% (une seule liste)60%68%
Université de Paris (fusion P5/P7)60,9%57,3%46,8%
Université Paris III Sorbonne Nouvelle88,38%57,84%Non trouvé
Valenciennes (Université polytechnique des Hauts de France)85%57%67%

 

La comparaison avec les autres élections

Juillet 2018, Conseil scientifique du CNRS : pour la première fois, le taux de participation passe sous la barre des 20 % avec près de 38 % chez les directeurs de recherche mais seulement 12% chez les chargés de recherche. Elle était de 24 % en 2014, 27 % en 2010 et 31 % en 2006.

Du côté des 10 instituts du CNRS, même tendance : c’est à l’INC (Institut de chimie) que la participation a été la plus élevée, avec 24 %, et à l’INSHS (Institut des sciences humaines et sociales) qu’elle a été la plus faible, avec 17 %.

Décembre 2018, CTMESR pour les personnels administratifs et techniques : la participation passe de 34,48% à 30,51 % (-3,97 points par rapport à 2014).

Décembre 2018 : élections des CAPN : la participation se maintient de façon variable mais très nettement au-dessus du CTMESR. Elle progresse même : à titre d’exemple pour les ingénieurs de recherche elle passe de 48,98% à 56,19% et pour les ingénieurs d’études de 44,67% à 53,4%.

Décembre 2018, CTU pour les enseignants : la participation passe de 25,51% à 23,86%  en baisse de 1,65 point par rapport à 2014.

Juin 2019, CNESER : la participation des professeurs et Biatss baisse de 6%, de 24 à 18%. Et si l’on regarde sur 5 échéances électorales, chez les professeurs et assimilés, on passe de 23,5 % à 13,9 % et, chez les autres enseignants, de 15 % à 11,6 %. Quant aux Biatss, la participation passe de 34 % en 2002 à 23,8 %.

Références

Références
1 Pour les élections étudiantes, il s’agit d’un autre débat.
2 Cette analyse est rendue possible grâce à la mémoire de l’ESR que constituent les dépêches AEF.
3 Y compris dans les rapports de force entre syndicats.

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