Il est habituel de porter un regard pour le moins pessimiste sur la réussite des étudiants en licence. La comparaison du devenir et des attentes des bacheliers 2014 sur la base d’un panel représentatif de 18 200 jeunes et un taux de réponse de 83 % (quand même !) apporte des éléments rationnels dans un domaine où la perception est souvent faussée ! Loin des débats idéologiques, passionnels et irrationnels, on y trouve des faits qui peuvent éclairer les stratégies. Et des chiffres qui tordent le cou à certaines idées reçues.
Les services du MESRI procèdent ainsi depuis des années, dans une indifférence relative faut-il le préciser, à une étude d’une ampleur exceptionnelle. De légères variations se produisent mais la tendance reste la même. Le cru des bacheliers 2014, analysé au 1er mars 2017 nous apporte quantité d’informations.
La lecture de ces données nous plonge directement dans ce mal français : voit-on les choses positives ou voit-on les choses négatives ?
Bien sûr, on retrouve des constats bien connus : importance du type de bac, de la mention et/ou du retard scolaire dans la réussite, un taux de réussite en 3 ans faible en licence, une forte poursuite d’études des DUT, avec la montée inexorable du Bac + 3.
On y trouve aussi des choses moins connues, comme la nature des difficultés des BTS : c’est à mon avis un point de vigilance largement sous-estimé aujourd’hui.
J’ai volontairement évacué la catégorie “autres formations du supérieur”, trop fragmentée. Mais je voudrais m’attacher aux aspects plus qualitatifs de cette étude, notamment concernant les étudiants de licence à l’université puisqu’ils sont toujours considérés comme un problème ! Comme souvent, c’est en creusant dans les annexes que l’on découvre des données qui peuvent éventuellement rendre optimistes, mais surtout permettre d’agir.
Des étudiants plutôt satisfaits de leurs formations
Sont-ils satisfaits de leur formation ? 86% des étudiants de licence sont “Très ou assez satisfaits” du contenu des études. Bien sûr, on est au-dessus de 90% en médecine, DUT, écoles, CPGE etc. Mais ce n’est pas rien et atteste d’un potentiel de motivation fort, loin d’une forme de “déclinisme”. Au total, une moyenne de 88% des étudiants satisfaits, qui dit mieux ?
Et ils sont 79% en licence à être “Très ou assez satisfaits” de l’adéquation du contenu de la formation à sa description, certes moins que leurs camarades de DUT, médecine, CPGE, écoles de commerce et d’ingénieurs, mais plus que les STS.
Par contre, concernant le suivi et l’encadrement de la formation, les étudiants de licence sont beaucoup moins enthousiastes ! Ils ne sont plus que 65% (bonnet d’âne), idem pour les évaluations (je suppose que dans le vocabulaire ministériel il s’agit des examens, pas de l’évaluation des enseignements…).
Rappelons qu’une partie d’entre eux n’a pas fait un réel choix d’aller à l’université, elle-même sous-financée et dont les enseignants-chercheurs ne sont pas les plus motivés. Dans ce contexte, ces chiffres ne démontrent pas une situation catastrophique : quel secteur de la société n’aimerait pas avoir ces taux de satisfaction ?
4 difficultés dans leurs études
Les étudiants en médecine se distinguent dans tous les items de l’enquête (voir infra), en lien avec la difficulté et la sélectivité des études, ce qui est le cas aussi, dans des proportions moindres, dans les CPGE.
Impression d’être débordé ? Ceux qui ont le sentiment d’être le “moins débordés” sont en école de commerce et d’ingénieurs, le plus en médecine. Les licences sont juste au dessus de la moyenne, DUT et STS étant largement en dessous.
Impression d’assimiler une quantité trop importante de connaissances ? On retrouve évidemment médecine et CPGE, mais il faut surtout noter que les licences le ressentent plus que les écoles de commerce et d’ingénieurs (41% contre 21%).
Impression d’assimiler des connaissances d’une grande complexité ? Les étudiants de licence sont loin devant les autres catégories (toujours à l’exception de médecine et des prépas).
Impression de travailler seul ? 3 solitudes frappent : les étudiants en licence, en médecine et en STS.
6% déclarent être en très grande difficulté avant tout les Licences, CPGE, Médecine et STS et notamment 14% des élèves de prépas faisant face à des problèmes d’organisation.
Le cliché de l’université “facile” est battu en brèche, non seulement par les taux de réussite, mais aussi par le ressenti des étudiants. Ce ressenti sur la complexité vient en partie d’un delta entre potentiel et niveau requis (type de bac etc.).
Les étudiants et les stages
Comment les étudiants de licence les trouvent-ils ? Grande surprise qui tord le cou aux idées reçues sur les universités (surtout si on y ajoute les DUT) ! 27% des étudiants de Licence trouvent un stage grâce à leur université, autant que dans les écoles d’ingénieurs et de commerce ! Par contre, pour ces dernières, le réseau personnel et familial joue beaucoup plus (42% contre 33%).
Les DUT 2 sont les champions des stages avec 86% loin devant les BTS 2 avec 60%, mais aussi les écoles de commerce (74%), les écoles d’ingénieurs (67%). Les Licence 3 sont 56% à partir en stage mais seulement 37% en licence pro ! Pourquoi ? Pas d’explications de mon côté en tout cas ?.
Il faut noter que ce qui différencie les étudiants de licence est que 38% de leurs stages ont lieu dans les différentes fonctions publiques (ce qui peut être lié aussi à la nature des études).
On retrouve dans l’accès aux stages des déterminismes sociaux à l’œuvre, par exemple avec les réseaux personnels et familiaux.
Les clivages financiers
Curieusement, les difficultés de logement semblent homogènes et marginales, entre 3 et 4 % les évoquent ! Autres difficultés partagées de façon relativement homogènes, les difficultés familiales. Il n’existe pas de réelle différence entre étudiants sur ces sujets.
Par contre, ce qui frappe le plus, ce sont les difficultés financières beaucoup plus importantes pour les BTS et licence : cela recoupe les chiffres de boursiers (voir mon billet sur ce sujet). Parmi les étudiants de STS, 26% déclarent avoir des difficultés financières, 22% en licence, à comparer avec 12% en médecine et 13% en CPGE.
Cela plaide, une fois de plus, pour des efforts ciblés.
Les étudiants et l’avenir
Sont-ils optimistes ? Si 59 % des étudiants déclarent être plutôt optimistes sur leur avenir professionnel ( ce qui est largement supérieur à la moyenne des français au passage), les étudiants de licence le sont moins (52%) comparés à leurs camarades issus de filières sélectives (79% en écoles de commerce et d’ingénieurs). Ils sont les plus inquiets à 27%.
Mais Licences, DUT et BTS, à plus 22% n’expriment pas d’opinion (positive ou négative) sur leur avenir professionnel, ce qui les différencie des autres.
Cependant, si l’on s’attache à une forme d’optimisme (travailler dans un pays étranger), 46 % des étudiants de licence l’envisagent, même s’ils sont devancés nettement par les écoles de commerce et d’ingénieurs.
On a donc là un tableau contrasté, sans doute influencé par l’ambiance du marché de l’emploi début 2017.
Des raisons multiples d’être positifs
Pour résumer, cette enquête apporte des “colorations” à des constats parfois connus, mais aussi des précisions intéressantes. Ainsi, 25 % des étudiants déclarent bénéficier de cours virtuels à distance, 45 % pour ceux qui suivent un cursus de médecine ou sont dans une grande école.
Ils sont surtout 8 sur 10 à déclarer utiliser leur ENT (6 sur 10 en STS et CPGE), lien nouveau avec leur établissement, notamment avec “plusieurs services dans le but d’améliorer la vie étudiante.” Ce partage de ressources (cours, support vidéo…) et d’outils de travail et de gestion (calendrier des cours, réservation de salles…) est un aspect non-négligeable de la modernisation qui s’est opérée.
Ainsi, malgré le sous-financement chronique de l’ESR, particulièrement des universités, il y a des motifs évidents d’optimisme : stages, motivation, envie d’aller travailler à l’étranger (un signe de confiance en soi) etc.
Pour ma part j’y lis en creux un besoin de renouvellement des méthodes pédagogiques dans toutes les filières. Lorsque 36% des étudiants ont toujours l’impression d’être débordés et 71% de travailler seul, est-ce compatible avec la société numérique et collaborative ?
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