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Après des mois de crise sanitaire, stress et pessimisme semblent la règle pour beaucoup dans l’ESR : tout conduit à ne voir que les choses négatives. C’est même le parti pris de la ministre avec sa polémique stérile sur l’islamo-gauchisme, mais c’est aussi celui d’une grande partie de ses opposants. Tous convergent sur un message implicite ou explicite : rien ne va à l’université. Et pourtant, si l’on s’éloigne du subjectif, de la sentence en 280 signes sur twitter, et que l’on analyse froidement les choses, voici ce qu’une ministre et même ses détracteurs auraient pu dire de positif. Sur Parcoursup, sur les masters, sur le doctorat.

On connaît les difficultés de l’ESR français, et en particulier celles auxquelles sont confrontées les universités. Mais en quoi leur sous-financement structurel, leur manque de reconnaissance mais aussi l’attitude quasi suicidaire d’une partie de ses communautés, devraient occulter de véritables progrès, voire de franches réussites ? Je l’ai déjà écrit, les universitaires sont globalement victimes du syndrome de Stockholm : ils/elles ont intériorisé les arguments de leurs détracteurs et passent leur temps à dénoncer…le fonctionnement de l’université.

Cet « université-bashing » a ainsi atteint son point Godwin avec la polémique sur l' »islamo-gauchisme ». Pendant ce temps, sur le site du MESRI, il faut vraiment le vouloir pour trouver le détail du protocole d’accord majoritaire sur les carrières et rémunérations que même une partie de la FSU (le SNCS, sans doute des traitres) voulait signer : il y a pourtant du concret !

Allez ! Parce que la ministre de l’ESR et ses détracteurs ne veulent pas le faire, je vais me dévouer pour montrer ce qui avance : avec 3 exemples, Parcoursup, les masters et le doctorat.

Parcoursup : des effets positifs

Je n’aurais pas la cruauté, par manque de place, de citer le nombre d’inepties et de contre-vérités proférées par des universitaires lors du lancement de la plate-forme : ils sont désormais étrangement silencieux, ou plutôt leur business de l’indignation a pris d’autres chemins… Que font ces Cassandre qui dénonçaient une sélection féroce et injuste socialement ? Désormais ils se plaignent de … la hausse du nombre d’étudiants (la faute à Parcoursup sûrement !), soit « faute de moyens », soit en raison de la « baisse du niveau » . Toujours se plaindre…

Entrons donc dans une analyse non militante. « L’amélioration permanente doit devenir la règle de Parcoursup » déclarait en novembre 2018 Philippe Baptiste, à l’époque directeur de cabinet de F. Vidal (et en réalité le véritable pilote de la procédure), devant l’Opecst. Il reconnaissait que le fonctionnement de la plateforme était « améliorable et sera amélioré » avec des ajustements à faire. Force est de constater que le rapport 2021 du Comité éthique et scientifique de Parcoursup (CESP) lui donne quitus. D’ailleurs, même ce comité a été amélioré 1En août 2019, Julien Grenet professeur à PSE en démissionnait, soulignant…l’absence de réunion du comité !, avec une nouvelle présidente et de nouveaux membres ! La plate-forme est plébiscitée par les familles et les jeunes, malgré les critiques émises sur le côté « injuste », comme le montre ce sondage Ipsos que je commentais.

Ce rapport 2021 (le 3ème) constitue selon moi une avancée, grâce au recul pris. Ses 12 propositions peuvent évidemment être discutées, mais les chiffres sont là, les arguments et analyses sur les forces et faiblesses aussi 2Soulignons d’ailleurs, à l’attention de celles et ceux qui voient tout en noir, que le contentieux des inscriptions en 1ère année reste marginal en 2019 avec…47 recours pour 651 000 candidats.. De plus, la transparence qui permet notamment aux chercheurs de travailler (une critique initiale justifiée) arrive avec l’open data Parcoursup.

Alors quels sont désormais les enjeux ? En révélant les conditions de l’articulation entre la demande et l’offre, « Parcoursup est un outil très précieux pour identifier les obstacles et les inégalités » et prendre rapidement des décisions de régulation, estime à juste titre le CESP.  Il constate que les profils de candidats se sont diversifiés avec la reprise d’étude ou la réorientation. La proportion de boursiers parmi les admis est passée de 20 % à 25 % tandis que Parcours + a révélé une place assez incroyable des reprises d’étude, 25% des candidats !

Le CESP, preuve sans doute de son inféodation au MESRI 😊, liste des points cruciaux d’amélioration. Il le fait en partie en s’appuyant sur une comparaison internationale 3Je conseille de lire l’annexe consacrée aux modalités dans les autres pays.. Parce que la phase principale dure« dans les faits, jusqu’à la rentrée de septembre », le comité propose « de rendre obligatoire, une semaine environ après les résultats du baccalauréat, le classement des vœux en attente par les candidats », sous forme d’un répondeur automatique.

La nécessaire transparence. Le CESP affirme que le souci de transparence justifie de « rendre publique les règles quantitatives de préclassement ». Car avec 50 000 néobacheliers supplémentaires en 2020, les formations sélectives représentent 55 % des places offertes en 2020. Le CESP incite donc « à la vigilance pour que le nombre de candidats n’ayant que des réponses négatives n’augmente pas » 4Il est passé de 12 000 en 2019 à 17 600 en 2020, mais avec beaucoup plus de candidats, d’autant que nombre d’étudiants, « à l’issue de la campagne annuelle, n’ont reçu aucune proposition (41 000 candidats en 2020) ». Et le CESP critique la règle du 1er arrivé/1er admis lors de la période complémentaire.

On apprend plein de choses dans ce rapport : ainsi, je croyais naïvement que les CPGE (mon syndrome de Stockholm !) avaientt une procédure de sélection des dossiers « béton ». Mais non ! A tel point que face à cette opacité, le CESP suggère à l’inspection générale une petite enquête 😀…

Enfin, pour les universités, la nécessaire transparence est multiforme, et aussi liée aux quantités de dossiers : entre les IUT, le Droit ou encore les STAPS (cités en exemple par le comité sur leurs critères « quantitatifs »), les pratiques diverses renvoient cependant à des cultures professionnelles, sur lesquelles ni une ministre, ni un (e) président (e) d’université n’ont de pouvoir direct. Mais il n’en reste pas moins que la constitution de véritables service d’admission est un enjeu.

Mais quelles sont les raisons de ces difficultés ? Le réglage fin de l’adéquation entre l’offre et la demande reste complexe 5 « Un million de vœux se sont portés sur le diplôme d’infirmier ou sur la licence PASS. En ajoutant les nombreuses licences LAS, qui représentent 280 000 vœux, on arrive à 20% des vœux pour des métiers de la santé. »(…). Parmi les 114 spécialités offertes de BTS, « 8 d’entre elles, toutes tertiaires, concentrent la moitié de vœux ». Et parmi les 101 spécialités de licence (hors PASS et LAS), « 7 d’entre elles concentrent la moitié des vœux »..

  • avec des déséquilibres territoriaux. L’Île-de-France est le symbole : « Ceci suppose une révision complète de l’offre sur ce territoire, aujourd’hui insuffisante, et surtout déséquilibrée par une surreprésentation des formations ‘d’élite’ et une sous-représentation de l’offre pour les bacheliers technologiques et professionnels. »
  • avec des places vacantes. Elles représentent près de 13% de la totalité de l’offre (91 500). De façon inattendue, l’offre privée en concentre 23%. Mais le remplissage des BTS « est très contrasté en fonction des spécialités et des établissements, le quart des places des BTS agricoles sont vacantes. De même pour les CPGE, les spécialités scientifiques sont nettement plus remplies que les autres. En ce qui concerne les licences, deux exemples montrent les différences d’attractivité en fonction des spécialités : près d’un tiers des places des licences de lettres sont vacantes alors que les licences STAPS font le plein. »

En résumé, ce rapport est une mine de chiffres qui devrait (je rêve) permettre un débat constructif. Il tire un bilan lucide mais positif et dépassionné sur Parcoursup. Comme en réalité les enseignants-chercheurs l’ont fait.

Sélection, réussite et insertion professionnelle en master à l’université

J’avais signalé des chiffres encourageants sur la réussite en L. Pour les masters, les effets de la la loi de décembre 2016 (sous la houlette de N. Vallaud-Belkacem et Th. Mandon, rappelons-le 😉) se font sentir. Le taux d’accès en M1 a baissé de 5 points mais le taux de passage en M2 a augmenté de 5 points à la session 2019. « L’amélioration significative des résultats en master pour la promotion 2017 semble la conséquence d’une sélectivité accrue à l’entrée en M1 », souligne la note du SIES-MESRI. Et c’est en Staps et en psychologie que les taux de passage en M2 en un an et de réussite en 2 ans ont le plus progressé entre les cohortes 2016 et 2017.

Bref une note à méditer sur la relation entre poursuite d’études, réussite et sélection. Et comme le soulignait le récent supplément de l’Obs sur Parcoursup, il apparaît de plus en plus au grand jour le fait qu’une grande partie des écoles hors université et payantes (privé, écoles de commerce) sont en réalité beaucoup moins sélectives que les filières universitaires, quasi gratuites.

De même (certes c’était avant la crise sanitaire), l’étude de décembre 2020 du SIES-MESRI sur les diplômés de masters universitaires 2017 incite à l’optimisme : « Le niveau exceptionnel des taux d’insertion à 18 et 30 mois des diplômés de master reflète la bonne conjoncture d’alors sur le marché du travail. Celle-ci se traduit également sur la qualité des emplois occupés dès 18 mois après l’obtention du master, et sur le niveau de satisfaction exprimée par les diplômés à l’égard de leur emploi à 30 mois. » Et lorsque l’on regarde de plus près, les niveaux de rémunération progressent et sont proches voire équivalents à ceux des diplômés d’école, malgré un déficit d’image de l’université en général, que les polémiques incessantes renforcent.

Des doctorants et docteurs satisfaits

Ma cerise sur le gâteau, c’est ce rapport produit par le collège doctoral de l’Université Paris Saclay, avec une enquête fouillée, pas un micro-trottoir. Et bien on y apprend qu’environ 35% des docteurs seulement avaient, au moment de leur soutenance, le projet d’être enseignant ou enseignant chercheur. Et 1 an après leur soutenance, 89% des docteurs se déclarent satisfaits (52%) ou très satisfaits (37%) de leur situation, un chiffre qui monte à 90% à 3 ans !

Pourtant, leur taux de chômage atteint 6,3% un an après leur soutenance, mais avec une situation contrastée selon les secteurs : 4,7% des docteurs en sciences de la vie et santé, 6,3% des docteurs en sciences et ingénierie et 12,9% des docteurs en sciences de la société et humanités sont en situation de chômage.

Peut-on généraliser ? Sans doute pas complètement mais un peu beaucoup quand même. Ce rapport doit faire réfléchir à ce pessimisme permanent qui n’est semble-t-il pas celui des jeunes et de la réalité qu’ils vivent…

En conclusion, j’ai une suggestion pour tous les signataires de pétition, le sport national des universitaires en ce moment. Prenez le temps d’en signer une qui pourrait faire l’unanimité : il se fait des choses remarquables à l’université. Enlevez le « malgré etc. » et portez cette parole auprès de l’opinion publique et auprès des lycéens. Ah, j’allais oublier : F. Vidal est-elle au courant de ces bonnes nouvelles et de ces réussites 😀? 

Références

Références
1 En août 2019, Julien Grenet professeur à PSE en démissionnait, soulignant…l’absence de réunion du comité !
2 Soulignons d’ailleurs, à l’attention de celles et ceux qui voient tout en noir, que le contentieux des inscriptions en 1ère année reste marginal en 2019 avec…47 recours pour 651 000 candidats.
3 Je conseille de lire l’annexe consacrée aux modalités dans les autres pays.
4 Il est passé de 12 000 en 2019 à 17 600 en 2020, mais avec beaucoup plus de candidats
5 « Un million de vœux se sont portés sur le diplôme d’infirmier ou sur la licence PASS. En ajoutant les nombreuses licences LAS, qui représentent 280 000 vœux, on arrive à 20% des vœux pour des métiers de la santé. »(…). Parmi les 114 spécialités offertes de BTS, « 8 d’entre elles, toutes tertiaires, concentrent la moitié de vœux ». Et parmi les 101 spécialités de licence (hors PASS et LAS), « 7 d’entre elles concentrent la moitié des vœux ».

2 Responses to “Une ministre aurait pu dire ça…”

  1. « Point Goodwin » ou « Point Godwin » ? … je crois que ce concept est né de réflexions d’un certain Mike Godwin

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