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Au sortir de ces vacances de la Toussaint, marquées à la fois par les crimes terroristes et le reconfinement, je reviens sur l’actualité récente dans laquelle j’ai sélectionné quelques thèmes : HCERES, polémiques sur l'”islamo-gauchisme”, les libertés académiques, la différence de traitement CPGE-Universités, ou encore quelques chiffres.

Enfin un président du HCERES !

Curieux que beaucoup ne retiennent du feuilleton HCERES que la nomination controversée de Thierry Coulhon, parce que conseiller ESR d’Emmanuel Macron. Moi je retiens plutôt la durée anormale du processus, un an voire plus (car on connaissait la date de départ de M. Cosnard) : c’est dire si l’évaluation est considérée comme prioritaire…

Désormais, il faut s’intéresser aux propositions de Thierry Coulhon, telles qu’il les a présentées lors de son audition par les parlementaires. J’en retiens pour ma part quelques idées qui, mises en œuvre, feraient avancer bien des choses !

Il regrette ainsi qu’ “on oublie souvent les établissements et la formation pour se concentrer sur les unités de recherche” et estime “crucial de se demander si les établissements autonomes accomplissent leur mission de service public dans toutes ses dimensions et en particulier si l’enseignement qui est dispensé est profitable aux étudiants”.

Il propose, à côté de l’OST, un Observatoire de l’enseignement supérieur qui permettrait notamment d’étudier “de façon transversale l’évolution de notre offre de formation, et aussi de la demande, des étudiants d’une part, du marché de l’emploi d’autre part, et prêterait une attention toute particulière aux flux d’étudiants à tous les niveaux et à la couverture territoriale de l’offre”.

Et il plaide également pour qu’ “une attention particulière soit portée à la lisibilité et à la concision des rapports” et aussi pour la simplification des évaluations. “Dans leur grande majorité, nos collègues ne contestent pas la nécessité d’être évalués : ils renâclent devant le fait de répéter les mêmes informations dans des formulaires toujours différents, pour leur université, leur organisme, le CNU l’ANR, l’Europe et le HCERES”, évoquant son obsession de la simplification et du gain de temps pour les chercheurs, pour les enseignants et pour ceux qui acceptent des charges administratives”.

Qui ne partage pas ses constats ? A suivre donc.

Des CPGE et STS déconfinées

Dans un pays qui ignore ses universités, la décision du gouvernement de confiner les étudiants d’universités et pas ceux de CPGE et de STS surprend à peine. Passons sur les arguments “sanitaires” fumeux pour les différencier : en mars dernier, ils ne se posaient pas…

Arbitrée en interministérielle, il n’est même pas sûr que cette décision ait été “pensée” : il suffisait de voir sur instagram le porte-parole du gouvernement confondre STS et IUT. Ou plutôt si : c’est la persistance d’une vision ignorante de l’université composées de hordes indisciplinées et qui n’iront pas bien loin… Notons quand même le grand sens politique du gouvernement qui, en pleine LPR, remet un euro dans la machine de la défiance.

‘Islamo-gauchisme’

S’inquiétant des “complicités intellectuelles du terrorisme”, Jean-Michel Blanquer avait déclaré sur Europe 1 que “ce qu’on appelle communément l’islamo-gauchisme fait des ravages à l’université”. Il s’est attiré une volée de bois vert notamment de la CPU pour laquelle “la recherche n’est pas responsable des maux de la société, elle les analyse”.

Pas la place dans ce billet de revenir sur le fond. Mais tout le monde attendait la réaction de la ministre de tutelle F. Vidal, régulièrement court-circuitée par Jean-Michel Blanquer et dont on connaît les relations fraiches avec son collègue de l’Education. Elle est venue mais comme souvent à contretemps : remarquons d’ailleurs que ses relations sont aussi fraiches avec ses anciens collègues présidents d’universités…

Libertés académiques

La “sortie” devant des L2 de Paris-1 Panthéon Sorbonne de l’historien du droit Aram Mardirossian a suscité une vive polémique : revendiquant haut et fort son hostilité au mariage pour tous, il se lançait dans une improbable comparaison : “Donc, il va y avoir forcément quelqu’un, un jour, qui va aller devant un tribunal et qui va dire : ‘Voilà, je suis discriminé, j’ai une jument, je l’adore, je ne peux pas l’épouser, c’est un scandale. C’est une discrimination !'”

Les condamnations ont été multiples, presqu’unanimes, l’administrateur provisoire de Paris-I, Thomas Clay, estimant que les principes de liberté d’expression et d’indépendance des professeurs d’université “aussi fondamentaux qu’ils soient, ne sauraient abriter des propos de nature discriminatoire”. 

Mais personnellement j’entends les arguments d’une dizaine de professeurs de Droit, dont Olivier Beaud, qui, dans Le Point condamnent le caractère “café du commerce” des propos tenus par Aram Mardirossian, mais pointent d’autres risques, que l’assassinat de Samuel Paty rend dramatiquement actuels.

A savoir que “la liberté de l’universitaire doit lui permettre de déranger son auditoire, si sa compréhension d’un phénomène, d’une réglementation, d’un procédé, d’une technique le conduit à identifier en son sein des faiblesses, des contradictions, des dangers.”  Et selon eux, remettre en cause cette liberté, c’est succomber à une police de la pensée dont certains s’érigent en vigilants gardiens.” Et à propos du caractère oral des enseignements, et des emballements sur les réseaux sociaux, ils soulignent une dérive possible : “Veut-on que l’enseignement supérieur se ramène à une récitation de textes écrits, soigneusement relus d’avance par un avocat spécialiste du droit de la presse, se bornant à décrire le droit en vigueur ?”

On peut y voir un énième réflexe corportatiste de juristes : mais le raisonnement d’Olivier Beaud ne s’applique-t-il pas, par exemple, aux autres sciences humaines mais aussi à la biologie, à l’agronomie etc. ?

Les bons points et le ‘raté’ du MESRI

Ce n’est pas tous les jours que je dis du bien du MESRI, profitons-en ! La signature du protocole d’accord sur les carrières et les rémunérations par 3 syndicats (SNPTES, Sgen-CFDT et Unsa-Éducation, 50,92 % des voix au CTMESRI) , est une réelle victoire pour F. Vidal, qui parle d’accord hsitorique, car c’est le “1er accord syndical à l’échelle nationale conclu en matière d’ESR”.

Mais son autre victoire politique, c’est la fissure importante dans le syndicalisme du “non” : si FO, Sud, la CGT et la FSU ont refusé de signer, cette dernière s’est divisée, le SNCS ayant adopté une motion en faveur de la signature tandis que les deux autres syndicats du supérieur, Snesup et Snasub, se sont prononcés contre.

Et puis portons au crédit du MESRI les annonces pour les étudiants en difficulté : ça peut toujours être mieux et plus, mais l’aide de 150 € et le resto U à 1 € pour les boursiers, ce n’est pas rien non plus.

Enfin, signalons quand même ce ‘raté’ qui en dit long sur la difficulté à assumer une politique. Alors que F. Vidal défend au Parlement sa loi recherche, en pointant le retard pris, en argumentant sur la nécessité d’apporter à la fois des financements, du temps long et de la souplesse, le communiqué du MESRI salue le prix Nobel d’Emmanuelle Charpentier et “l’excellence de la formation à la française” mais en oubliant les raisons d’un exil scientifique que la lauréate avait exposées depuis longtemps. Il faut quand même le faire !

Rénovation énergétique : les universités sont prêtes

Le MESRI évoque un “franc succès” avec plus de 3,7 Md€ de projets remontés 1La liste définitive des chantiers de rénovation à conduire doit être annoncée fin novembre.. La CPU a beau jeu de noter“la grande réactivité des universités” et leur degré de préparation.

A ce propos, j’ai vu sur les réseaux sociaux les sempiternelles plaintes sur le fait que l’on fasse des appels à projet sur l’immobilier. Il y a évidemment urgence pour l’ensemble du patrimoine, mais si l’on s’informe un tant soit peu, on sait que des universités ont des projets “mûrs” et pas d’autres. Car à ce niveau de financement, il faut être sacrément préparé ! Et là, oui il faut des moyens humains ad hoc que n’ont pas toujours les établissements.

Recherche : mauvaise et bonne nouvelle

La mauvaise nouvelle, mais pas une surprise, selon une note du Sies-MESRI, l’effort de recherche diminue à 2,19 % du PIB en 2018. Si les dépenses intérieures de R&D sont en légère hausse en 2018, « l’accroissement de la Dird serait légèrement moins élevé que celle du PIB (+1,5 % en volume). Ainsi, l’effort de recherche diminuerait légèrement, de 2,20 % à 2,19 %. » La Dirde (dépense intérieure de R&D des entreprises) s’accroît de 1,8 % en volume, et la Dirda (dépense intérieure de R&D des administrations) augmente de 1,3 %.

La bonne nouvelle (je reste fondamentalement optimiste !), c’est que la Commission européenne demande un effort public de R&D à 1,25 % du PIB en 2030. On a quand même le temps de voir venir : en France on est à 0,79 %…

Références

Références
1 La liste définitive des chantiers de rénovation à conduire doit être annoncée fin novembre.

One Response to “Ma vision (un peu décalée) de l’actualité récente”

  1. Franchement la « polémique » autour de la nomination de Thierry Coulhon à la présidence du HC ERES est un vrai mauvais procès d’intention, qui de plus, donne l’impression que ses auteurs mettent scandaleusement en cause l’intégrité morale de Thierry. Quiconque le connait sait qu’il a consacré un temps et une énergie rares au service de l’enseignement supérieur et de la recherche, alors qu’il aurait très bien pu, comme de nombreux universitaires, opter pour une attitude individualiste et se réfugier dans des niches bien plus confortables et rémunératrices que les fonctions qu’il a occupées. Quant à parler de conflit d’intérêt, comme le font certains, on croit rêver.
    Donc stop à la polémique et au procès d’intention ! Essayons de construire !
    Les objectifs affichés par Thierry sont non seulement intéressants, comme le souligne Jean Michel Catin, mais sont de plus très raisonnables. Il faut aussi aller vers un service statistique, type feu l’OST, pour l’ES, qui soit rattaché au HCERES et non pas au MESRI. Créer une base de données ouverte, librement accessible, permettrait d’abord d’avoir une information commune pour toutes les personnes qui s’intéressent à l’ESRI, qui pourrait aussi être utilisée pour développer de la recherche sur l’ESRI, chose qui manque terriblement en France. Et à celles et ceux qui diront que le MESRI fournit toutes les données nécessaires, je répondrai qu’ils ne savent pas distinguer entre des éléments d’information administratifs, de bases de données dynamiques utilisables pour la recherche, et des études comparatives. Le MEQSRI fait un travail tout à fait sérieux et intéressant de recension d’informations, mais il ne fait pas un travail de construction d’une base de données ouverte et évolutive et ouverte à l’ensemble des acteurs et des partenaires de l’ESRI.
    Je termine ce commentaire en reprenant la remarque de Jean Michel au sujet des confusions IUT, STS, du débat ouverture des CPGE fermetures des universités etc. Mais enfin, Jean Michel, vous savez bien que le plus grand bal des faux culs en France c’est celui qui rassemble les innombrables hypocrites versant des larmes de crocodiles sur l’échec en premier cycle et qui, depuis des décennies, ne font rien de sérieux pour les faire évoluer. Comme a pu l’écrire Jean Tirole, l’éducation nationale est le plus grand délit d’initié dans notre pays, et cela conduit à ne même plus essayer de s’intéresser sérieusement aux premiers cycles universitaires. Un vrai scandale, sans doute le plus gros scandale de l’ES, aggravé de façon dramatique par la crise sanitaire et cette idée d’hybridation avec un mix de cours présentiels et de cours distanciels, qui sera le plus sur moyen de noyer définitivement les étudiants les plus fragiles et d’accroître l’échec en premier cycle. La solution on la connait : développer massivement les licences professionnelles en trois ans et plus généralement toutes les formations courtes professionnalisantes, tout en maintenant ouvertes des passerelles vers les cycles plus longs. Qui a fait quoi de significatif, non confidentiel, dans ce domaine depuis la création des IUT dont on a aussitôt stoppé le développement pour des raisons de coûts ? Sur la durée, je ne sais pas ce qui coûte le plus cher, de l’échec en premier cycle ou du développement de filières courtes professionnalisantes. Je pense que c’est le premier.
    Prenez soin de vous, Jean Michel !

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