Quand le PSG et Lyon se qualifient pour le dernier carré de la ligue des Champions, tout le monde lance un cocorico. Quand l’université Paris Saclay fait son entrée dans le top 20 du classement de Shanghai, et que les médias qui habituellement ignorent les universités en font leur Une, certains font la moue, d’autres … dénoncent les présidents d’université et le gouvernement. Depuis 2003, ce classement a joué un rôle souvent stigmatisant (les universités françaises ne sont pas assez ci ou assez ça). Aujourd’hui, il peut jouer un rôle dynamisant … si la communauté académique met de côté ses querelles de clocher et se tourne vers la société pour convaincre.
Qu’on les aime ou pas, les classements, nationaux ou internationaux, sont là : ils sont déjà le lot permanent des écoles, surtout de management, qui font souvent la course en tête dans ceux du Financial Times. Certes, le classement de Shanghai, comme tout classement, a de grandes faiblesses, en particulier parce qu’il ne prend pas en compte la dimension formation, et très peu les SHS 1Et s’il a un impact très fort en France, il est plus faible ailleurs. Il suffit de lire les médias étrangers…. On peut d’ailleurs émettre les mêmes ou d’autres critiques à propos du THE, de QS, de Leiden, de U Multirank etc.
Ce classement a avant tout l’avantage de mettre sous les projecteurs les universités, dans un pays où elles sont mal aimées. Il joue un rôle de plus en plus important pour les différentes opinions publiques, qu’elles soient “éclairées” (pour les étudiants ou chercheurs) ou non initiées aux “subtilités” universitaires (les lycéens, leurs parents et les médias qui cherchent des références). Car la France occupe une position singulière : pour la vox populi, pour une fois à l’unisson des élites politiques, technocratiques et économiques, le ‘must’ ce sont les écoles et les organismes de recherche, pas les universités.
Des résultats français de 2020 pas surprenants
Il y a un an, je publiais un billet sur les résultats du classement 2019 de Shanghai, pointant en particulier le fait que “demain peut-être, pour des raisons technico-politiques (grâce aux effets mécaniques de regroupements et des signatures scientifiques mieux gérées), des universités françaises progresseront dans les classements.”
Or, tout d’un coup, l’opinion “découvre” que l’université Paris Saclay, dont le noyau dur est l’ex université Paris Sud (dans une “alliance” avec des Grandes écoles), brille dans un classement et dépasse l’ETH Zurich et l’EPFL… Et au passage, l’IPP de l’école Polytechnique souffre de la comparaison avec cet établissement que l’X n’a pas voulu rejoindre 🤔. Et puis elle “découvre” aussi que, en plus de PSL, Sorbonne Université et l’université de Paris, des universités en région existent 🙂, Grenoble (dans le top 100), Aix-Marseille, Bordeaux, Strasbourg, Montpellier ou encore Nice.
Surtout, à contre-courant de représentations biaisées, notamment dans les cercles technocratiques, elle s’aperçoit que l’université de Lorraine, l’université Gustave Eiffel (ex Marne la Vallée) les universités de Bourgogne, d’Auvergne, de Rennes 1 ou celle de Savoie Mont-Blanc 2Dont le président dirige aussi l’Alliance des université de recherche et de formation, l’Auref. existent et progressent dans ce classement 3Quant à Lyon-St Etienne ou Toulouse, leurs querelles internes les mettent hors-jeu, ou tout du moins les rendent invisibles..
La singularité française
Quels que soient les classements, la référence mondiale est l’Université, dans toute sa diversité. Avec Shanghai 2020, la France, qui reste une grande puissance scientifique, affiche enfin une réalité masquée par l’éparpillement de ses forces. D’autant que la faiblesse comparée des moyens des universités rend la performance française plus qu’honorable.
De ce point de vue, le rôle de porte-drapeau que joue Paris Saclay (avec d’autres) est une bonne nouvelle. En résumé, cette photographie des établissements français reflète l’alliance réussie, ou non, des universités avec leurs partenaires des écoles et des organismes de recherche. Règle-t-elle pour autant les problèmes ? Évidemment non, et aucun chef d’établissement lauréat ne pense que Shanghai va transformer d’un coup de baguette magique ET la qualité ET les financements. D’autant que ces derniers sont très inégalement répartis, faute d’évaluation sérieuse 4La corrélation entre budget et performance dans les classements est une constante, avec quelques exceptions qui confirment la règle.. Il ne s’agit donc pas de sanctifier ces résultats, sachant qu’un classement chassant l’autre : les positions sont fragiles, sauf pour Harvard 😀.
Mais si la “déploration” est un sport national, et l’autoflagellation une spécialité universitaire, il est évident que les classements lorsqu’ils sont positifs (re)donnent de la fierté à des communautés souvent malmenées (salaires, moyens, reconnaissance etc.) et favorisent le sentiment d’appartenance. On ne peut donc qu’être consterné par la capacité d’une partie des universitaires à ne voir que le négatif. Cela interroge d’ailleurs sur leur rapport à la pédagogie : ne voient-ils chez leurs étudiants que les erreurs, les difficultés ou jugent-ils dégradant de les encourager lorsqu’un résultat est bon ? Cela interroge aussi sur leur sens politique ! Exactement la névrose universitaire de l’échec que j’avais évoquée en juillet.
Les messages de Shanghai 2020
Ce que nous dit en effet ce classement, ce qu’il dit à l’opinion publique mais aussi aux décideurs politiques est simple :
- La norme qui fait sens à l’international, c’est l’Université, le lien entre recherche et formation, pas les exceptions françaises Grande écoles et organismes de recherche. La collaboration avec ces derniers est essentielle, mais autour d’une université forte.
- Le soutien aux universités françaises doit être une priorité. Dans les politiques publiques françaises, la performance en recherche est d’un rapport qualité-prix presque imbattable !
- Le sous-financement chronique reste, avec une pédagogie et une organisation encore trop rigides, un handicap majeur. C’est vrai pour la science, mais c’est encore plus vrai pour les formations universitaires.
De ce point de vue, la LPPR désormais rebaptisée projet de “loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l’enseignement supérieur” sera un baromètre, notamment sur la compréhension par le gouvernement des enjeux : après avoir “mangé son chapeau” en réintégrant la dimension enseignement supérieur, va-t-il continuer à étaler sur 10 ans la programmation recherche et faire l’impasse sur les besoins des universités en matière de formation ?
Les universitaires face à eux-mêmes
Les derniers chiffres du MESRI sont implacables : en 2019-2020, “la progression des effectifs dans l’enseignement privé, de 3,8 %, est à nouveau supérieure à celle des inscriptions dans l’enseignement public (+ 1,1%)”. Il est clair qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de capacité d’accueil mais aussi (et surtout ?) d’un problème d’image. Alors même que les universités sont maltraitées dans notre pays, 2 attitudes sont possibles : pleurnicher ou développer un formidable lobbying positif, n’ayons pas peur du mot ! A l’occasion de la présentation de la LPPR, j’avais souligné l’invisibilité de l’ESR. Le moment est venu de cesser de se lamenter pour passer à une offensive en règle : auprès des médias, des décideurs et influenceurs de tous poils.
Car ce que ce classement dit à l’adresse de la communauté académique est limpide : cessez de vous quereller, prenez appui sur vos points forts, soyez positifs ! La mise en valeur des universités françaises est l’occasion de construire un lobbying d’ampleur pour conforter ce secteur clé du rayonnement de notre pays, au même titre que l’industrie aéronautique ou le secteur du tourisme.
La présidente de l’université Paris Saclay, Sylvie Retailleau, à la Une des médias, c’est l’amorce d’un changement, pour un milieu miné par le syndrome de Stockholm. Véritable talon d’Achille des président(e)s d’université français, qui sont à l’image de leurs communautés, la communication positive et offensive, va devoir franchir un cap. Et il ne s’agit pas seulement de relations avec la presse ou de com’ : il s’agit de politique !
Références
↑1 | Et s’il a un impact très fort en France, il est plus faible ailleurs. Il suffit de lire les médias étrangers… |
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↑2 | Dont le président dirige aussi l’Alliance des université de recherche et de formation, l’Auref. |
↑3 | Quant à Lyon-St Etienne ou Toulouse, leurs querelles internes les mettent hors-jeu, ou tout du moins les rendent invisibles. |
↑4 | La corrélation entre budget et performance dans les classements est une constante, avec quelques exceptions qui confirment la règle. |
La singularité française à l’épreuve de la mondialisation ? Oui certainement ! Faut il résister au nom du passé Gaulliste et souverainiste ou s’adapter pour un monde De l’enseignement supérieur et de la recherche demain plus ouvert et européen disposant de nouveaux ressorts de développement Plus solidaires ? Je suis partisan de la seconde option . Mais hélas la LPPR ne prépare en rien cela . J’attends notamment du PS une pensée nouvelle sur ces questions .
Oui positivons en restant lucide comme il est dit ds ce billet: Shanghai n’est qu’un indicateur limité à la recherche.
Beaucoup de sujets restent à clarifier pr améliorer les services rendus pas que la com: structuration en collège 1er cycle et universités limitées à master/doctorat, inflation de diplômes redondant (bachelor vs licence, BUT vs Lpro, nouveau bac+1 confié aux universités plutôt qu’à enseignement technique, master ou ingénieur, etc…).
Construire un enseignement technique supérieur en réhabilitant cette voie: stop à 80% de bacheliers ds université qui deviennent selon F Vatin des “universités poubelles” pour certaines. Etc… Mais OK pr ne pas bouder le plaisir.
voir https://www.linkedin.com/posts/bessiere-michel-2a426558_les-s%C3%A9quelles-du-schisme-de-1793-entre-universit%C3%A9s-activity-6699291018270932992-c9Ok
pour le PS Laurent on va voir ce qui se dit ou pas à Blois!
Bravo pour cet excellent article!