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Peut-on encore dans ce pays aborder les sujets de l’ESR sans œillères ? Parcoursup nous offre un exemple éclairant de la confusion qui règne avec un combat d’arrière-garde de la gauche. France 2030 incarne une vision du siècle dernier même si E. Borne annonce une évolution. Et la mise en place des Chaires de professeur junior met à nu toutes les faiblesses du système français. Enfin, un texte (officiel ?) du Parti Socialiste concentre à lui-seul la médiocrité des réflexions politiques sur ce secteur. Pourtant, dans tous les pays comparables, l’ESR fait l’objet, sinon, d’un consensus, au moins d’un intérêt marqué et de qualité (Cf. mon billet) au plus haut niveau. Une exception française de plus !

Parcoursup : toujours les faux débats

On peut critiquer Parcoursup, mais encore faut-il le faire à partir des études et des chiffres. Comme je l’ai déjà relevé plusieurs fois, des données incontestables sont disponibles (le 4ème rapport du CESP, le dernier sondage IPSOS entre autres), à la fois sur les résultats de la procédure et sur l’accès à l’enseignement supérieur.

Henrik Davi (LFI) dans l’avis qu’il a présenté au nom de la commission des affaires culturelles et de l’éducation sur le projet de loi de finances pour 2023, pointe à juste titre la baisse de la dépense par étudiant mais affirme que cela est « cohérent avec le choix de sélectionner, par le biais de la plateforme Parcoursup, les étudiants au moment de leur entrée en premier cycle. » Rappelons-lui que la dépense par étudiant avait, selon Th. Piketty lui-même, augmenté sous N. Sarkozy pourtant accusé avec V. Pécresse d’avoir (déjà !) introduit la sélection à l’entrée de l’université …

Des chiffres invraisemblables circulent sur les réseaux sociaux mais malheureusement surtout sur les bancs du Parlement, un sénateur parlant de dizaines de milliers d’étudiants non-inscrits. Une ‘fake news » démentie … par l’UNEF et l’absence de sa traditionnelle action de rentrée sur ce sujet 😊. S. Retailleau a beau jeu de répondre aux sénateurs qu’avant les CAES de septembre, il y avait 160 étudiants en 2022 sans affectation, et 33 après… D’ailleurs, preuve qu’au PS en tout cas les avis divergent, la sénatrice Sylvie Robert (Ille-et-Villaine) a fait une remarquable intervention (29ème minute de la vidéo) pour s’élever contre le « manichéisme » à propos de Parcoursup 1Le PS appelle à rompre avec Parcoursup…. Elle s’interroge de façon pertinente sur les failles du processus en amont, dans les lycées et plus généralement sur la complexité du processus de choix. Demandant « un bilan national sur le dispositif des ‘Oui si’, S. Retailleau lui a répondu qu’il existe « 1 700 dispositifs ‘Oui si’, suivis par 2 700 étudiants. » 

Donc, des équipes sous la pression politique et médiatique ont dépensé une énergie folle avec 1 700 dispositifs pour 2 700 étudiants !!! Il faudra bien établir le coût de ce dispositif de remédiation qui est plus que marginal. Pas avare de catastrophisme, H. Davi explique qu’avec la plateforme Trouver mon master  il « n’est pas souhaitable de contraindre un étudiant souhaitant s’inscrire en psychologie à Lille à étudier la philosophie analytique à Aix-en-Provence. » Issu d’un organisme de recherche, on voit qu’il connaît bien les équipes enseignantes de master… Bref, on nage en pleine confusion et en plein hypocrisie, tout ça pour ne pas prononcer le mot sélection que l’on confond toujours avec malthusianisme.

Il est logique que la « gauche » se préoccupe des inégalités. Mais n’est-il pas pour le moins curieux de la voir mener un combat d’arrière-garde sur Parcoursup ? Car en réalité quel est l’enjeu ? L’accès aux études supérieures ? Non comme l’attestent les chiffres : il s’agit d’abord de la réussite et de la possibilité de poursuivre dans des filières dites ‘nobles’ et en particulier des études longues. En réalité les milieux populaires ciblent justement les filières sélectives courtes… et votent avec leurs pieds pour la sélection.

Et on peut prendre de la hauteur avec Cédric Hugrée et Tristan Poullaouec dans leur livre L’université qui vient. Ils estiment que « l’obtention de la licence dépend surtout de la qualité des apprentissages réalisés au lycée, au collège et à l’école ». Les ruptures, qui « concernent au premier chef les étudiants issus des classes populaires », s’expliquent donc par « les inégalités d’apprentissage de la culture écrite subies par les enfants des classes populaires tout au long de leur scolarité ». « Comment la remédiation à l’université pourrait-elle combler en quelques semestres les écarts de connaissances entre bacheliers creusés par la ‘tolérance à l’ignorance’ qui monte dans toute l’institution scolaire ? » interrogent les auteurs. Une vraie question non ?

Parcoursup : faire le ménage dans le secteur privé

Si j’égratigne le député H. Davi, il faut cependant lui accorder le crédit d’un travail sérieux malgré ses œillères idéologiques. Il met le doigt là où cela fait mal à propos de Parcoursup, à savoir un certain type d’établissements privés. Il explique à juste titre  » l’effet du fonctionnement de Parcoursup sur le développement de formations privées, délivrées par des établissements poursuivant des objectifs de rentabilité marchande, et dépourvues de reconnaissance universitaire et professionnelle. »

Car il souligne que « les critères d’intégration à la liste des formations accessibles via Parcoursup étant moins exigeants – en particulier au regard du critère de non lucrativité – que celles ouvrant droit à la qualification d’Eespig, le fonctionnement de la plateforme offre une visibilité accrue aux établissements qui proposent de telles formations. Dans un contexte marqué par les difficultés que rencontrent les établissements publics pour accueillir l’ensemble des étudiants qui en forment le vœu, la possibilité offerte par Parcoursup de postuler à une formation privée très onéreuse joue pratiquement le rôle de subvention implicite au bénéfice de ces structures. »

Oui il va falloir faire le ménage ! Et les écoles « sérieuses » en sont les premières d’accord. Le silence pour l’instant assourdissant du MESR peut-il durer ? Alors qu’il y a consensus possible avec la Nupes pourtant 😃 !

1 an de France 2030 : déjà une inflexion ?

J’ai sévèrement étrillé France 2030, à partir d’une comparaison avec les Etats-Unis et autour des relations MESR-SGPI. Je crois que j’ai été un peu entendu, je plaisante bien sûr 🤣. Mais de plus en plus de voix se font entendre sur ces questions et qui pèsent évidemment un peu plus que la mienne. Je remarque ainsi que le bilan de France 2030 a été célébré sur la plateau de Saclay, en particulier à l’Institut d’optique de l’université Paris Saclay avec en hôte de marque Alain Aspect, fervent défenseur du temps long de la recherche fondamentale, et pourtant « ami » des entreprises. Pendant ce temps, le SGPI B. Bonnell cherche des « stars du quantique »…

Assisterons-nous à une inflexion qui nous ferait rejoindre les pays performants ? Élisabeth Borne a annoncé une « évolution de la méthode » de France 2030 avec notamment :

  • Des appels à projets simplifiés (avec des expérimentations géographiques et thématiques de simplification en cours d’élaboration pour être mises en œuvre dès janvier 2023)
  • Un accompagnement plus personnalisé (en se centrant sur la détection des projets, leur orientation, leur sélection et leur accompagnement).

Un passage du top down au bottom up ? Plus de confiance dans les établissements ? Le passé nous montre malheureusement que chaque annonce de simplification a débouché sur une complexification 😉 : wait and see . L’enjeu majeur est surtout que les élites politiques et technocratiques comprennent le lien recherche-innovation.

Chaires de professeur junior : échec ou succès ?

Selon AEF, qui s’appuie sur un bilan non encore public de la DGRH, sur les 100 CPJ déjà signées, on compte 28 % de femmes et plus de 40 % de lauréats étrangers. Quant aux 227 CPJ ouvertes en 2021 et 2022 (pas toutes signées), la DGRH recense 1 140 demandes émanant de 881 postulants. Mais au-delà de ce bilan intermédiaire, l’analyse de Christine Musselin dans un article publié dans AOC (abonnés) mérite que l’on s’y arrête.

Elle estime qu’il faut « choisir entre supprimer ou généraliser les chaires de professeur junior ». Ch. Musselin souligne en effet qu’en matière de gestion des carrières des enseignants-chercheurs, « la cohabitation » d’un modèle pyramidal (le modèle français) et de tenure-tracks (les CPJ) dans une même institution est « a priori source de tensions et paraît peu viable, voire contre-productive à terme ». Elle souligne la complexité du processus liée une fois de plus à une vision centralisatrice qui entre de fait en conflit avec l’autonomie des établissements. Si elle ne se prononce pas en faveur d’un modèle ou de l’autre, elle liste des « constats évidents » :

  • « Ni le modèle pyramidal, ni le modèle de la tenure-track ne protègent de la croissance numérique des postes précaires (post-doctorants ou chargés d’enseignement…) » ;
  • « le modèle de la tenure-track est plus coûteux (en salaire, en budget d’installation, en heures de cours) et nécessiterait une augmentation conséquente du budget dédié à l’enseignement supérieur public ».

Plein d’autres choses dans cette analyse qui n’est pas manichéenne : à lire absolument.

La perle du mois grâce au Parti Socialiste sur l’Université

Dans un texte que le PS vient de publier « Redonner du sens et des moyens au service public de l’enseignement supérieur et de la recherche ! », le contenu indigent et indigne de l’histoire de ce parti 2Ce texte est à l’initiative d’Isabelle Rocca, Secrétaire nationale Enseignement supérieur et recherche, adjointe au Maire du 12ème à Paris et responsable de la valorisation de la recherche et de la communication à l’association française de Science Politique. est l’occasion d’un véritable parcours d’enfonçage de portes ouvertes, de langue de bois, d’oublis, de formules creuses, de postures grandiloquentes et de perles.

Faut-il en rire tellement c’est caricatural et abscons ? Il est d’une médiocrité rare à côté des positions de LFI qui ont elles le mérite de la clarté. Quelle est cette vision de l’organisation de l’enseignement supérieur ? Accrochez-vous !

« La réorganisation de l’Université comme nouvelle politique de maillage scientifique doit se faire selon un nouveau modèle d’orientation des flux humains et budgétaires. Il faut inventer un nouveau pilotage « de » la recherche publique « par » la recherche publique (c’est-à-dire par les pairs et en toute indépendance) via des réseaux coopératifs qui seront les porteurs et les garants, aussi bien en termes d’enseignement que de recherche, de collaborations ne laissant personne sur le bord de la route. Ils pourront ainsi organiser les priorités et les circulations des enseignants-chercheurs et des étudiants. Le pilotage des politiques de recherche et de formation doit être retiré aux seuls établissements et confié à des réseaux thématiques qui seront astreints à une obligation de péréquation territoriale et disciplinaire. »

Recentralisation, régionalisation, un programme de gauche ??? Google traduction, DeepL ? Faites votre choix !

Références

Références
1 Le PS appelle à rompre avec Parcoursup…
2 Ce texte est à l’initiative d’Isabelle Rocca, Secrétaire nationale Enseignement supérieur et recherche, adjointe au Maire du 12ème à Paris et responsable de la valorisation de la recherche et de la communication à l’association française de Science Politique.

2 Responses to “Parcoursup, France 2030, CPJ, Parti Socialiste : l’actualité de l’ESR”

  1. Oui excellente analyse de Christine Musselin autour des CPJ en faisant une revue des systèmes possibles.
    Et pourquoi ne pas rajouter un système où on embauche après la thèse puis on fait ts les 10 ans le pt RH pr savoir si on continue ds recherche ou si on bifurque? Cela marche ds les entreprises pourquoi pas ds #ESR public? Tt le monde pas fait pr chercheur à vie?
    STOP au parcours de combattant pr décrocher un poste: post-docs, CPJ…
    Nos hauts fonctionnaires ont-ils la même course de haie à franchir?
    Au moins discutons sur ces différents systèmes comme le propose CM et prenons des décisions cohérentes.
    Je vais me faire des amis!!!!

  2. A propos de Parcoursup : je n’arrive pas à comprendre comment des responsables prétendument « de gauche » peuvent préférer la sélection par l’échec (on met 500 étudiants dans un amphi de Fac de droit en première année et on garde les 50 meilleurs pour en faire de « vrais » juristes, sans biais social bien sûr !) à une orientation active ! Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils préfèreraient le tirage au sort 😉
    La méthodologie d’utilisation de Parcoursup n’est certainement pas encore idéale ; une implication sans partis pris idéologique des enseignants du secondaire et du supérieur est aussi certainement nécessaire pour parfaire l’orientation. Gageons que l’évolution (darwinienne ?) nous y conduira …

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