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Parce que je chronique l’actualité de l’ESR au fil de l’eau, il est toujours bon de prendre un peu de recul. Voici donc mon année 2021 : elle n’est pas une rétrospective mais une sélection de quelques uns de mes billets. C’est évidemment subjectif, de même que les rappels historiques choisis. Les leçons de l’échec français sur le vaccin seront-elles tirées ? Le récent rapport du Conseil d’analyse économique, celui de la Cour des comptes annoncent-ils une prise de conscience sur un nécessaire réinvestissement dans les universités, et pas seulement financièrement ? Il faut savoir rêver pour transformer le réel ! Je vous souhaite une très belle année 2022 et évidemment une bonne santé.

C’est toujours mieux de rafraîchir des mémoires endolories par la dictature de l’immédiateté et des réseaux sociaux 🙂 ! Alors revenons sur ces quelques années que j’ai abordées sur mon blog et qui éclairent des débats actuels.

Un peu d’histoire

L’année 1957 : Universités-Grandes écoles : la polémique de 1957 en annonce d’autres… Un vif débat opposait en 1957 Pierre Lafitte, polytechnicien et ingénieur du corps des Mines, ‘inventeur’ de Sophia Antipolis (décédé en 2021) à une partie de la communauté universitaire de l’époque, avec aux avant-postes les mathématiciens. L’enjeu ? La place respective des Grandes écoles et des universités dans le développement scientifique mais aussi économique et industriel de la France.

L’année 1971: Universités : 1971, année volcanique, 2021 année cacophonique. Année de la mise en place réelle de la loi Faure, les polémiques (et les violences) sont autrement plus fortes qu’aujourd’hui, mais avec les fantômes de certains débats actuels.

L’année 1974 : Mes années Giscard : “Patrons hors des facs”. Témoin engagé de l’époque, j’ai fait appel à mes souvenirs d’étudiant qui hurlait “Patrons hors des facs” 😀 mais plus sûrement aux archives, qui permettent de voir des évolutions considérables mais aussi des blocages persistants.

L’année 1981 : Les années Mitterrand : pourquoi le plan U2000 a été essentiel. Plus que la loi Chevènement ou la loi Savary, la création de 8 universités et de 24 IUT dans le plan U2000 marque un tournant.

L’année 2001 : 2001, l’odyssée des ECTS … et de la sociologie ! La mise en place du LMD et le lancement des ECTS révèlent (encore !) des clivages profonds et une conduite du changement complexe.

Le serpent de mer de la diversité sociale dans les Grandes écoles

Heureusement, en plus des polémiques autour de la COVID-19, on a aussi le débat sans fin sur la diversité sociale dans les Grandes écoles pour lequel on fait encore le coup de la panne ! Je préfère ne plus compter les rapports et commissions sur ce sujet. C’est pourquoi Sciences Po j’en peux plus !!!!!! Si Sciences Po (et certaines écoles) restent le nombril et le creuset de la France des élites, une vidéo hilarante à découvrir vous exprimera bien mieux que moi cet aveuglement.

Pédagogie, formation et niveau des étudiants

Il est évident que la baisse des résultats scolaires pèse sur le supérieur. L’étude TIMMS avec des “bons” de moins en moins nombreux en maths, interroge notre système hyper élitiste. Ce qui est avéré, ce sont les types de lacunes que révèlent les enquêtes internationales. Mais, à propos du bac et du niveau qui baisse, c’est un vieux débat ! En me plongeant dans les archives du Monde à la fin des années 40 et 50, déjà ce dernier “baissait” dangereusement avec des taux d’abandon qui frisaient les 35% !

C’est pourquoi, à propos des polémiques universitaires, on peut se dire qu’un peu de sagesse ne nuirait pas. Un très beau texte de Marc Bloch revient sur les tares et blocages du système français : bachotage, examens, pédagogie, universités et grandes écoles, formation des élites.  La rigueur de son raisonnement favorise le débat sans faire du contradicteur un ennemi.

Des étudiants d’aujourd’hui trop méconnus

Dans ce pays, on aime bien parler à la place des étudiants, mais moins s’en préoccuper en dehors du misérabilisme à la sauce TF1 revue par les guérilleros du Quartier Latin. Face aux micro trottoirs racoleurs, ne parlons pas à la place des étudiants. 2 enquêtes apportent un peu de rationnel :  celles de l’Observatoire de la Vie étudiante avant et pendant le premier confinement. Et je dois dire qu’il y a quelques surprises !

Alors, faisons confiance aux étudiant(e)s ! Que n’a-t-on pas entendu depuis des mois à propos des étudiants : indisciplinés, irresponsables, démotivés, tricheurs, pas au niveau et, autre face de la même pièce fantasmatique et négative, miséreux, dépressifs etc. Ce florilège donne à voir une vision bien frileuse (et triste) de la jeunesse. Un clivage quasi culturel entre les tenants de la défiance vis-à-vis des étudiants et les tenants de la confiance. Un vieux problème éducatif dans un pays qui parle de “faute d’orthographe” quand les autres langues parlent d’ “erreur” orthographique… Tout un symbole.

D’autant que l’on passe à côté de 2 réalités marquantes : la reprise d’études supérieures est une tendance forte tandis que face à la sélection à l’université, les jeunes et les familles répondent oui ! L’opinion publique a tranché et les familles ont voté avec leurs pieds. Plus de 55% des effectifs universitaires sont déjà inscrits dans des filières officiellement et légalement sélectives… Et sur 2 785 000 étudiants, plus de 2 millions sont inscrits dans des filières sélectives de toute nature ! Et pour sourire, consultez à la fin de ce billet les chiffres de la sélection en Droit de 1949 à 1956. Quel que soit le ou la ministre.

Le culte de l’innovation planifiée et dirigée

C’est un sujet que j’ai maintes fois traité depuis la création de ce blog. L’actualité de la crise sanitaire en France conforte malheureusement ce diagnostic : Pendant que “Science is back” aux USA, la France fait de l’”innovation dirigée”… 

Les pouvoirs publics continuent d’avoir la fâcheuse habitude d’annoncer en permanence des plans et des priorités …  : France 2030 : planifier l’innovation ou prioriser l’enseignement supérieur ? Le seul domaine dans lequel ils ne le font pas, c’est l’enseignement supérieur.

La bureaucratie et les exceptions françaises

On touche là à ces exceptions française dont je ne suis pas sûr que l’on puisse être fiers..Par exemple, ces 3 processus bureaucratiques qui en disent long. Comment en effet ne pas être subjugué par le génie bureaucratique français ? Moins il y a d’argent, plus il y a de dispositifs, par exemple pour la COVID-19. Et quand il y a de l’argent (les PEPR), on construit aussi des usines à gaz.

ESR français : que de temps perdu… C’est une banalité d’évoquer le sous-financement des universités mais la bureaucratie à la française mine tout autant le fonctionnement d’un système : en plus de la ressource financière, on ampute la principale ressource des acteurs qu’est le temps. Et le temps c’est de l’argent.

Et curieusement, pourquoi donc enjoint-on en permanence aux universités de se réformer mais jamais aux CPGE, aux STS et aux organismes de recherche ? Il faut attendre un rapport ‘disruptif’ pour s’attaquer à cette question épineuse qui concentre à mon sens les maux du système français avec les ‘vaches sacrées’ de l’ESR et la Cour des comptes. Car concernant les organismes de recherche : le statu quo est-il tenable ? Cette organisation unique au monde a montré ses limites lors de la crise sanitaire : et ce n’est pas qu’un problème de financement. Pourtant c’est “Circulez, il n’y a rien à voir.”

Un motif d’espoir cependant ! Quand successivement la Cour des comptes et le Conseil d’analyse économique placent (et chiffrent !) le réinvestissement dans les universités comme une priorité pour le pays, cela veut dire qu’il se passe quelque chose. Alors face aux maladies de l’enseignement supérieur : soignons-le et vaccinons-le ! 

Une ministre décriée mais insubmersible

Le long chemin de croix de F. Vidal est une réalité. Attaquée de toute part, y compris dans les médias qui ne soupçonnaient pas son existence, F. Vidal fait face à des interrogations ouvertes et nombreuses sur son rôle de ministre. Mais si son poids politique semble dérisoire, sa communication calamiteuse sur l »islamo-gauchisme’ (Pourquoi et comment F. Vidal a “mangé son chapeau”) traduit plus l’air du temps du dénigrement de l’université. La ministre est de ce point de vue une représentante d’une partie de ses collègues universitaires qui cultivent l’art inimitable de l’auto-dénigrement…

Mais au fond, F. Vidal a incarné, et c’est son côté insubmersible, un quinquennat Macron sur l’ESR marqué par la pente glissante de la recentralisation : sous-financement structurel des universités françaises et recentralisation de l’ESR autour des organismes et du Ministère.

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