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Lorsque l’on chronique l’actualité de l’ESR au fil de l’eau, l’humilité indispensable pour être crédible impose un exercice pas si aisé : se relire et prendre du recul, accepter le fait que l’on se laisse parfois emporter par les modes, ou bien que l’on n’a pas saisi telle ou telle tendance. Bref, porter un regard critique sur son travail, ce que journalistes et médias pourraient utilement faire ! Mais la capacité d’autocritique étant par nature limitée, je crois surtout que c’est vous, fidèle lectrice, fidèle lecteur, de plus en plus nombreux, qui pourront en juger. Voici donc mon année 2020. Et je vous souhaite une année 2021 positive : en moins d’un an, les scientifiques ont réussi à trouver des vaccins, les étudiant (e)s n’ont pas eu les comportements « asociaux » que l’on prédisait : miser sur eux est un investissement d’avenir !

Janvier

Mes « humeurs », issues de 2019 pour l’année 2020 ont-elles bien vieilli ? A vous de juger mon abécédaire 2020 et 5 textes à lire absolument.

Avec 2 billets, Une loi recherche en quête de confiance et Loi recherche : un consensus est-il possible ?, j’ai tenté d’aborder la problématique politique de cette LPR qui a tant fait couler d’encre, sauf dans l’opinion publique… J’y notais (déjà) que l’annonce gouvernementale d’une hausse des moyens dans le cadre de la LPPR n’y change rien, la fin des Comue non plus : meccanos institutionnels permanents et dénaturation de l’ANR ont généré au mieux scepticisme, au pire découragement et souvent défiance. Face à des communautés académiques plus résignées que contestatrices, la confiance n’est pour l’instant pas au rendez-vous. D’autant que les attentes sont contradictoires avec des clivages forts issus de la hiérarchie des financements. La recapitalisation de l’ANR suffira-t-elle à recoller les morceaux ?

Autre sujet, le sexisme, l’homophobie et le racisme dans les grandes écoles de commerce, billet dans lequel j’imaginais pour les Business schools : après la glasnost imposée, la perestroïka ? Et bien cette dernière n’est pas venue de là où je l’attendais, mais de la crise sanitaire et de revendications étudiantes sur le rapport qualité-prix de ces étbalissements. A suivre !

Février

Actualité oblige, j’aborde toujours la LPR en relevant à nouveau que la faiblesse globale de la R&D des entreprises françaises reste un handicap majeur au niveau du PIB et du financement de la recherche, une tendance inquiétante. Et cette tendance, on peut la rapprocher d’une autre, celle d’une communauté académique qui a une vision endogame de la précarité et des postes. 

Enfin, dans quel autre pays comparable a t-on l’équivalent de nos nouveaux recteurs délégués à l’ESRI. Pourquoi avec les recteurs ESRI choisir la déconcentration plutôt que l’autonomie ?

Mars

Encore la loi Recherche, mais avec un peu de recul en relisant les lois de programmation de 1982 et 2006. C’est bien sûr l’irruption de la crise sanitaire avec 2 billets Avant-Après : vive la science ! et le pilotage par la transparence : option ou impératif ?  Enfin mars est resté malgré tout le mois de Parcoursup. L’occasion pour moi de pointer le bal des hypocrites grâce au maintien d’un système à 2 vitesses, avec des universités accueillant tout le monde, tout en étant le secteur le moins financé. Et les chiffres le confirment année après année : c’est le secteur privé qui ramasse la mise de l’hypocrisie générale.

Avril

Mes 10 questionnements sur les conséquences de la crise et les évolutions possibles de l’enseignement supérieur et de la recherche ne sont ceux ni d’un futurologue, ni d’un Monsieur JeSaisTout, mais font appel à une sélection de contributions intéressantes.

Il y a d’ailleurs de l’optimisme dans ma chronique des évolutions de l’ESR pendant la crise sanitaire. Face aux 2 réalités de l’ESR, une nationale, top down, avec peu de prise sur le réel, l’autre, bottom-up, ancrée dans les territoires et obligée de trouver des solutions, et si c’était l’occasion de mettre à plat les défauts et dysfonctionnements du système français ? Et de s’appuyer sur l’énergie que révèle son incroyable mobilisation. Rêvons un peu.

Il est vrai j’éreinte quelque peu le MESRI en m’interrogeant : COVID-19 : le bon niveau d’action dans l’ESR ?  Car si 2 facteurs sont décisifs dans le fonctionnement du système (le financement et son pilotage), les crises ont au moins un avantage, celui de passer au révélateur le pilotage et l’efficacité de la mise en œuvre. Ce début janvier 2021 en est une nouvelle preuve…

Mai

La persistance de la crise soulève une interrogation légitime. En se gardant de raisonnements soit angéliques soit apocalyptiques, la seule question qui vaille est celle-ci : Enseignement supérieur : quelles évolutions durables et à quelles conditions ? Une question qui monte évidemment, c’est celle des étudiants et de leurs conditions de vie. Mais nous sommes en France et au moment où les universités font des prouesses en matière de soutien à leurs étudiants et entament une véritable révolution, on émet des doutes sur leurs actions et on leur demande plus de transparence sur ce sujet… Vie étudiante : Ubu Roi récit d’une déconnexion bureaucratique.

Enfin je me permets de « pointer » un problème dont il faut bien reconnaître qu’il pollue les débats : celui d’une ministre dépassée et visiblement pas du tout à l’aise avec un minimum de communication empathique. Vite, un effort Madame la Ministre … Peut-être mon billet a-t-il contribué à une prise de conscience de F. Vidal ? Elle a écrit aux personnels mais tellement tardivement que c’est passé inaperçu (au mieux), ou comme une hypocrisie (au pire)…

Juin

Si le constat du sous-financement des universités est implacable (la dépense par étudiant est de 11 470 € en 2018, son plus bas niveau depuis 2007 avec un écart sans précédent de 5 800 € entre le coût d’un étudiant en université et en CPGE), mon attention a été attirée par le grand bug des prévisions des effectifs étudiants. Car j’ai découvert une curiosité statistique et politique : les projections du MESRI à 10 ans ont surestimé systématiquement la progression des effectifs dans les CPGE et les STS et sous-estimé celle dans les universités.

Et si les détails de la LPR sont enfin donnés avec des montants annoncés non négligeables (+ 5Md€ soit 23,7 Md€ réinjectés au total), les 2 écueils de la loi recherche sont le décrochage en cours de l’enseignement supérieur, et la grave crise de confiance entre le MESRI et les corps intermédiaires. Car cette loi recherche fait face à l’”archipellisation” du monde académique sur fond de sentiment de déclassement et d’une relative dislocation des références culturelles communes.

C’est en particulier le cas à propos de la notion de compétition scientifique et des recrutements pour lesquels on balance entre compétition, hypocrisie et régulation, la compétition scientifique étant un peu pour les universitaires français ce que le sexe est aux puritains : y penser toujours, en parler jamais.

Enfin, la crise qui a éclaté à l’université de Saint-Etienne est l’occasion de revenir sur l’échec du projet “Université de Lyon”, qui a concentré tous les défauts des politiques publiques de l’ESR mais aussi toutes les faiblesses du monde académique en France.

Juillet

Où est passé le 3ème budget de l’État ? A peine la crise du COVID-19 (presque) refermée, après les grandes déclarations sur l’importance de la recherche, le Premier ministre a fixé ses priorités : ni la recherche, ni l’enseignement supérieur n’y figurent. Le 3ème budget de l’Etat, l’ESRI a disparu des écrans radar. Mais les universitaires pourront-ils continuer à jouer les Calimero alors même que, comme dans un célèbre village gaulois, ils passent leur temps en polémiques internes ?

Août

Quand le PSG et Lyon se qualifient pour le dernier carré de la ligue des Champions, tout le monde lance un cocorico. Quand l’université Paris Saclay fait son entrée dans le top 20 du classement de Shanghai, et que les médias qui habituellement ignorent les universités en font leur Une, certains font la moue, d’autres … dénoncent les présidents d’université et le gouvernement. Shanghai 2020 : dénoncer ou positiver ?

La grande curiosité de la Loi recherche, c’est de chercher l’intrus ! Car de quoi parle-t-on le plus en dehors des financements sur projet ? D’enseignement ! Or, la seule option qui n’a jamais été examinée, y compris et surtout dans les groupes de travail préparatoires, a été un statut unique, mettant fin à cette dichotomie, ou plutôt cette inégalité entre enseignant-chercheur et chercheur.

Idée saugrenue, je me suis mis à réviser la rentrée avec un an de notes et rapports afin de favoriser des réflexions sereines, appuyées sur des analyses et chiffres, discutables au bon sens du terme ! Mais je l’ai fait aussi en recensant les appels à projets, annonces et concours : faites vos jeux… avec l’impression d’un foisonnement désordonné, et des interrogations sur la cohérence de tout ceci.

Septembre

J’aurai l’occasion d’aborder les résultats de l’évaluation internationale TIMMS sur les compétences en maths des élèves. Mais de toutes les façons les résultats des études PISA interpellent : les universités (et plus généralement l’enseignement supérieur) sont-elles condamnées à subir ? Et alors qu’il se racontait (et raconte encore) n’importe quoi sur le distanciel, j’ai repéré 2 réflexions pertinentes sur l’hybridation des formations. Au fond, cette crise va-t-elle changer de façon réelle et pérenne la manière d’enseigner ?

Et quelles sont les conséquences économiques de la crise sanitaire dans l’enseignement supérieur ? Pour les universités, financées essentiellement sur fonds publics, elles sont relativement faibles, sans impact sur les recettes en raison de la quasi-gratuité des frais d’inscription. En revanche pour les écoles, et surtout pour les business schools, le choc pourrait être rude.

A propos d’argent, sur les 100 Md€ du plan de relance, le MESRI estime la part de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation à 6,5 Md€, et ce sur 3 ans. On ne peut nier qu’il s’agisse d’un montant important, censé arriver en plus des fonds promis dans le cadre de la LPR. Comme toujours dans l’Etat français, la question reste la conception, la qualité de l’exécution, et son rythme. A force de lire des rapports officiels, notamment de la Cour des comptes, sur son efficience, il y a quelques points de vigilance….

Octobre

J’avoue que je me suis bien amusé à écrire ce billet, ou plutôt à faire découvrir la plume acerbe de Bernard Maris sur ses collègues, Les 7 péchés capitaux des universitaires. Lascifs, paresseux, ignorants, absents, envieux, fats et complaisants : tel est le portrait de ses semblables fait en 1991 par Bernard Maris, maître de conférences, et qui n’était pas encore l’Oncle Bernard de Charlie Hebdo, assassiné le 7 janvier 2015. Le procès de la tuerie de Charlie Hebdo m’a remis en mémoire son livre que j’avais parcouru distraitement dans les années 2000. Sa relecture est revigorante, hilarante et souvent tellement actuelle ! Alors embarquez avec moi, en faisant preuve d’un peu de second degré : toute ressemblance avec des personnes ou des comportements rencontrés dans la vie universitaire n’est pas fortuite.

Novembre

Au sortir de ces vacances de la Toussaint, marquées à la fois par les crimes terroristes et le reconfinement, je reviens avec ma vision (un peu décalée) de l’actualité récente dans laquelle j’ai sélectionné quelques thèmes : HCERES, polémiques sur l’”islamo-gauchisme”, les libertés académiques, la différence de traitement CPGE-Universités, ou encore quelques chiffres.

En pleine crise, une bonne nouvelle : réussite étudiante : motifs d’espoir…et de désespoir ! Et comment les ingrédients naturels de la réussite sont entravés par leur lot d’absurdités bureaucratiques comme sur l’emploi étudiant ou les réorientations. Enfin, pourquoi les boursiers peinent-ils à trouver leur place en Grandes écoles ? Des notes du MESRI, des rapports IGÉSR décryptés par mes soins. Beaucoup d’espoirs mais aussi des pesanteurs désespérantes.

En pleine crise, un débat sur le CNU dont les universitaires ont le secret, et un gouvernement réussissant le tour de force de créer en pleine LPR un nouveau front contre lui. Pourtant la question mérite d’être posée différemment : l’immobilisme du CNU le condamne-t-il ? J’imaginais que ce billet me vaudrait insultes et accusations. Même si l’ambiance actuelle ne se caractérise pas, dans le monde universitaire comme ailleurs, par sa modération, ce billet m’a valu un … débat vidéo courtois et argumenté avec 2 contradicteurs, Jean-Philippe Denis, professeur à l’université Paris Saclay et rédacteur en chef de la Revue Française de Gestion et Fabrice Planchon, mathématicien et professeur à Sorbonne Université, membre du bureau de la CP-CNU.

Cela a d’ailleurs été l’occasion pour moi de (me) rafraîchir la mémoire : la “mobilisation” anti LPR a-t-elle pesé sur les élections aux CA des universités ? Et bien pas vraiment…

Décembre

A propos du CNU, j’en remets une couche comme l’on dit ! Ministère et universitaires s’intéresseront-ils un jour … à la science ? Le regard du monde académique sur lui-même peine à s’extraire du manque de recul, de l’affect, de l’idéologie, bref tout ce qui crée les conditions d’approches biaisées et de polémiques qui freinent des solutions constructives. Alors que la communauté scientifique rappelle sans cesse la nécessité pour les pouvoirs publics de s’appuyer sur la recherche dans les processus de décision, le MESRI aurait été bien inspiré de le faire à propos du CNU ! Ses opposants aussi.

Et pour cette fin d’année, clin d’oeil « nostalgie » avec mes années Giscard : “Patrons hors des facs”. De quoi mettre à mal des visions réductrices !

Voilà, je vous renouvelle mes vœux pour cette nouvelle année, avec une pensée particulière pour tous les étudiant(e)s.

 

One Response to “Mon année 2020”

  1. Tous mes voeux Jean Michel. Heureusement il nous reste le rugby dans toute cette tourmente mais même lui, quand on voit ce qui se passe à l’Aviron Bayonnais, est touché Courage à tous.

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